DESIRE - Assembled Forever (Noxious) - 03/05/2015 @ 00h29
"Les amateurs du regretté combo portugais de doom/death symphonique en seront pour leurs frais, il est ici question du groupe de gothic rock/metal finlandais."

C'est l'histoire d'une méprise... Février 1997. Le légendaire sampler n°3 de Metallian (voir Top 5) se conclut de la meilleure des manières avec l'épilogue d'Infinity..., superbe premier album de Desire, formation portugaise de doom/death symphonique. Quelques mois plus tard, une chronique enthousiaste de leur 2ème album Assembled Forever parait dans Brutal Tendencies, la rubrique extrême de Hard Force. Bigre, déjà? Curieusement il est à nouveau chroniqué dans le numéro suivant, cette fois dans la rubrique principale: Dischronics. On y apprend qu'il s'agit en réalité du premier essai d'une formation suédoise, ce que confirme Metallian qui place sur son sampler n°5 un excellent titre de gothic rock teinté d'influences metal. Une simple coquille en guise d'intro, c'est un peu léger non? Pas vraiment, car le catalogue VPC d'Holy records présente ce Desire là comme un groupe finlandais. Allons bon... Cette histoire m'intriguant, j'ai mené ma petite enquête. Pourquoi cette confusion? Une étude minutieuse des crédits nous donne la réponse. A première vue tous les indices pointent vers la Suède: les coordonnées du label au dos du digipack, les crédits de production et de mastering, mais surtout l'adresse postale du groupe basée à Långshyttan (au centre du pays). Pourtant si la Suède est l'unique pays explicitement mentionné, l'identité des membres ne laisse aucun doute sur leurs origines: Juha Vall, Timo Översti, Arto Peteri, Jarmo Nummi... c'est typiquement finlandais. Bien des années après leur split, il ne reste que peu d'infos sur Desire version Assembled Forever, mais ce groupe est bien issu de la patrie des mille lacs.

Fondé en 1991, Desire grandit dans l'ombre de groupes expérimentaux tels que Decoryah et This Empty Flow (formé à la suite du split de Thergothon). Ce très discret quartet peaufine son style et ne réalise sa première Demo, No Light in the Dark, qu'en 1995. Le gothic metal est alors en plein boom, les labels signant à tour de bras. Convaincu par les 5 titres de cet enregistrement, House of Kicks signe Desire sur Noxious, sa sous-division dévolue au genre (au même titre que No Fashion pour le black/death). Soutenus par un label expérimenté, les Finlandais composent dans la sérénité leur premier album qui parait 2 ans plus tard, à l'été 1997. Assembled Forever se présente dans un digipack qui témoigne d'un effort de présentation mais fait preuve d'un déplorable sens esthétique emprunté aux Allemands de Crematory: le visuel, le code couleur vomitif, la symbolique du sablier... Mais faisons fi des apparences, et considérons plutôt la musique. Canes Stream Runs Dry, le morceau découvert sur le sampler Metallian fait valoir ses arguments: qualité d'écriture et production au top. Rien de surprenant à ça, les Finlandais s'étant enfermés aux studios Abyss avec Peter Tägtgren (Hypocrisy, Pain) aux commandes. Son savoir-faire en la matière étant désormais de notoriété publique (Enthrone Darkness Triumphant vient de sortir), Desire profite d'un regain d'intérêt légitime.

Musicalement les Finlandais s'inscrivent dans une mouvance assez marginale, celle des groupes de gothic rock influencé par le metal, comme les Suédois de Bay Laurel (également signés chez Noxious) ou les Allemands de Love Like Blood. Est-il utile de le rappeler, à cette époque de nombreuses formations faisaient preuve d'audace et de créativité, abolissant les frontières, comblant les vides, au point de rassembler sous une même bannière des publics autrefois antagonistes. Alors Desire, suiveurs sans inspiration ou nouvelles recrues de choix? C'est ce que nous allons voir. Assembled Forever comporte 13 morceaux dont 3 issus de la Demo: No Light (à l'intitulé raccourci), ainsi que Blame et Blinded by Darkness. Hormis leur pays d'origine, un autre point de détail m'a intrigué c'est la mention toute en majuscules "NO SYNTHESIZERS ON THIS RECORD" que l'on s'attend plus à trouver sur un album de trve BM que de gothic rock, connu pour son emploi habituel et parfois abusif de l'instrument. Le comble étant qu'on jurerait entendre un clavier dès l'entame de l'introductif Why?. Quoi qu'il en soit, les 6-cordistes assurent bel et bien la totalité du travail (ultra)mélodique. Cette époque (1997-1999) a d'ailleurs vu certains guitaristes faire preuve d'inventivité, délaissant l'habituel mur du son au profit d'un registre plus expérimental et raffiné obtenu grâce à la technologie, comme Gregor Mackintosh (One Second puis Host), Johan Edlund (A Deeper Kind of Slumber), René Rutten (How to Measure a Planet?) ou encore Jonny Greenwood de Radiohead.

Plus concrètement, les influences de Desire sont principalement anglaises, en particulier The Sisters of Mercy, avec une approche évidemment plus moderne, comparable à celle de leurs collègues de label, Bay Laurel. L'oeuvre de la paire Peteri/Nummi repose aussi bien sur la qualité d'écriture que le traitement du son, avec de nombreux effets se rapprochant parfois des bidouillages de Gregor Mackintosh. Face à des compositions aussi fluides et homogènes, aucun titre ne se distingue vraiment des autres hormis peut être le tubesque Canes Stream Runs Dry. Quant à la section rythmique, elle est impeccable, avec un bon niveau technique et une musicalité jamais prise en défaut. Sobre et efficace. L'autre point pouvant nous induire en erreur vis à vis d'un possible usage de claviers, c'est le chant. A l'arrière plan du bassiste Juha Vall, il n'est pas rare de discerner des choeurs signés par le batteur Timo Översti et la chanteuse Karin Johansson (No Light, Blame). Cette dernière intervient aussi régulièrement au premier plan, notamment sur When Sun Sets (forever), Concrete Front ou Fields of Void. Un choix judicieux pour tenter de contrer un sentiment de redondance inévitable au premier abord. Lisse et sans aspérité, ce premier album a les défauts de ses qualités, l'homogénéité devenant problématique sur la durée (53 minutes). Introspectif et onirique, Assembled Forever nécessite un temps d'adaptation (peu de disto, slow tempo) mais pour peu que vous soyez réceptifs au genre, le voyage en vaut largement la peine.


L'album en écoute intégrale: https://www.youtube.com/watch?v=Ts6kvR98tIU&list=PL5B6B4750A365A7AD

Les retours sur ce premier effort seront encourageants, assez pour que le quartet remette le couvert 1 an plus tard avec la même équipe (Noxious, Peter Tägtgren, Karin Johansson) pour un 2ème et dernier album:
There Where Candles Fade.


Rédigé par : forlorn | 1997 | Nb de lectures : 2103


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Commentaire
Ivan Grozny
Membre enregistré
Posté le: 03/05/2015 à 16h41 - (31653)
C'est très gothic rock en effet. Pas mal, mais découverte trop tardive pour me plaire sur la durée. Super boulot de chronique encore une fois, d'autant qu'il s'agit souvent de disques à la pochette rebutante. Il y a presque une thématique commune à tous les albums que tu chroniques : motif abstrait, exécution graphique médiocre et couleurs douteuses. À prendre en compte peut-être dans l'échec de certaines des formations présentées, car à l'époque, chez un disquaire, la pochette était un facteur certainement plus déterminant qu'aujourd'hui. En tout cas, ça l'était pour moi (je suis passé au début à côté de Coroner à cause de ça).



forlorn
Membre enregistré
Posté le: 24/11/2015 à 17h07 - (31805)
6 mois plus tard, réponse en guise de UP.

Le coup de la thématique commune relève autant de la coïncidence que du manque de moyens (et parfois de goût). Il y a 20 ans la partie graphique pouvait influencer nos achats à l'aveugle de jeunes padawans, depuis l'expérience acquise & l'apparition des samplers (puis du net) ont changé la donne.

Pour Desire, c'est l'écoute du morceau Canes Stream Runs Dry qui m'a décidé à acheter cet album que je me suis procuré par VPC (Holy ou Adipocere). Si j'avais été confronté au visuel dans les bacs sans connaitre la musique au préalable, ce groupe n'aurait jamais eu sa chance.

D'ailleurs à l'époque il m'est arrivé de vendre des classiques sous le prétexte que la qualité du visuel/livret laissait à 'désirer' (par exemples Into the Mirror Black de Sanctuary ou Gothic de Paradise Lost) pour ne conserver que des copies K7 (puis CDR). Véridique. Ahem.

Pour en revenir à mes chroniques récentes, une majorité traite de Demos de la période 2000-2005, soit des enregistrements placés en téléchargement libre, certains n'ayant pas connu de sortie physique. La partie visuelle aura toujours de l'impact, mais dans ce genre de cas je pense qu'il faut savoir dépasser cette absence/carence pour laisser une chance à la musique.

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