Octobre 1991. Aux 1ères heures d'une tournée mondiale légendaire, Izzy Stradlin, écoeuré par les frasques et les excès de ses acolytes, claque la porte des Guns N' Roses. Gilby Clarke (ex-Candy et Kill For Thrills) est préféré à Dave Navarro (Jane's Addiction, futur Red Hot Chili Peppers) pour le 'remplacer', en dépit d'un Axl dubitatif. Pourtant Gilby est bien l'homme de la situation. Explications.
En effet ce natif de Cleveland, débarqué à Los Angeles vers 1985 (année de formation des Guns), les connaît bien et traîne avec eux depuis longtemps. Il a la confiance de Slash qui l'a par ailleurs embarqué quelques mois plus tôt dans le tournage du clip de Give in to Me d'un certain Michael Jackson. Gilby Clarke satisfera leurs exigences en apprenant une 40aine de morceaux en moins d'une semaine, avant de s'embarquer pour la fameuse tournée marathon Use Your Illusion qui sillonnera la planète pendant de longs mois.
Pour plaire à Axl rien de plus simple: être son contraire, donc pas d'ego surdimensionné ni de prétentions démesurées au niveau des royalties. Pour plaire à Slash rien de plus simple: être un type sain et sincère, doublé d'un musicien née. La tournée finie, le break nécessaire pour recharger les batteries s'éternise. En coulisse Axl continue son travail de sape en imposant ses vues et en dépossédant progressivement le reste du groupe de ses droits. Les fans eux doivent se contenter d'un album de reprises. The Spaghetti Incident? sort en 1993 et sera l'unique témoignage studio de Gilby avec les Guns.
La même année, Duff McKagan, le bassite et punk de la bande, est le 1er à perdre patience et à balancer un album solo: Believe in Me. Gilby Clarke proposera le sien quelques mois plus tard, mais avec un tout autre état d'esprit, profitant simplement de son temps libre et de sa notoriété pour faire de la musique. Pawnshop Guitars n'est que le fruit du plaisir, pas de frustration à l'horizon. Mais justement que nous propose Gilby avec cet opus? C'est lui qui vous répond: "A la base je suis un fan de rock n' roll. Je ne suis pas branché hard rock ou heavy metal, je leur préfère le rock basique." (dans le n°24 de septembre 1994 de Hard Force)
Gilby Clarke (chant, guitares électriques/acoustiques, mais aussi piano et sitar électrique) a réuni ses potes Jo Almeida (guitariste soliste - ex-Dogs d'Amour), Will Effertz (basse) et Marc Danzeisen (batteur/chanteur - ex-Little Caesar et Riverdogs), ainsi qu'une liste de guests dont on reparlera plus tard. La production est confiée à Waddy Watchel, musicien ayant oeuvré pour Keith Richards, Stevie Nicks (Fleetwood Mac) ou encore Iggy Pop, tandis que Gilby mixe lui-même la moitié des titres. L'enregistrement s'est déroulé dans une ambiance de détente et de fête véritablement perceptible, soit tout le contraire du régime dictatorial des Guns. C'est l'une des principales qualités de l'album: le plaisir de jouer, en toute simplicité.
Pawnshop Guitars se compose de 11 morceaux dont 2 reprises, des Stones et des Clash. Cure Me or Kill Me ouvre le bal. C'est une tuerie. Un putain de rock qui aurait eu sa place sur un album des Guns (au même titre que Tijuana Jail), grâce aux interventions généreuses et inspirées de Slash. D'ailleurs pour l'anecdote: un soir de 1996 ou 97 en écoutant 'Fun Radio fait du bruit' (oui vous avez bien lu) j'ai eu droit à un enchaînement Cure Me or Kill Me / How Soon is Now? (reprise des Smiths par Paradise Lost). Toute une époque...
Hormis les 2 titres bien rentre-dedans avec Slash en guest, le reste de l'album est plus posé. Les fans de hard habitués à la folie des Guns auront du mal à adhérer à un album intimiste et lumineux, tandis que les amateurs de bonne musique apprécieront les subtilités d'un album bien composé, avec un bon sens des mélodies et des arrangements: comme l'aspect country/folk (dobro, harmonica & co à l'appui) de Skin & Bones [aspect typiquement US que certains retrouveront dans le Boggy Depot de Jerry Cantrell par ex] ou les influences psyché de Let's Get Lost, avec Gilby au sitar électrique.
Aucun problème les 6 premiers morceaux sont vraiment bons, mais à partir du morceau-titre ça se gâte. Pawnshop Guitars est bien trop classique et manque d'envergure, surtout comparé à Black ou Johanna's Chopper par exemple. L'introduction parfaite à l'erreur de casting qui me fait froncer les sourcils, crisser des dents et surtout zapper: cette putain de reprise de Dead Flowers des Rolling Stones.
Ceux qui, comme moi, ont usé les VHS de Use Your Illusion au Japon le savent, Gilby était présenté en fin de show et jouait avec Slash Wild Horses, une reprise de son groupe fétiche. Cette passion transparait également ici (photo de Gilby avec t-shirt des Stones dans le livret). Mais si j'apprécie leur version de Wild Horses, je préfère encore écouter un Elton John récent que cette version de Dead Flowers. La présence d'Axl au chant/piano me rend ce morceau encore plus insupportable tant musicalement que symboliquement et ce n'est pas un Rob Affuso (Skid Row) derrière le kit qui y changera quoi que se soit. Enfin bref passons.
Heureusement la reprise de Jail Guitar Doors (une face B des Clash) remonte le niveau et apporte ce qu'il manquait à l'album depuis un moment: un minimum de pêche. Titre enregistré à 3 avec Franck Black des Pixies (guitare et chant additionnel) et Duff McKagan (basse et batterie). Les 2 derniers morceaux de Pawnshop Guitars sont sympa mais redondants et subissent l'effet néfaste de la reprise des Stones. Pour en finir avec les guests, hormis ceux déjà cités, on retrouve sur cet album le reste des Guns ici et là: Matt Sorum, Dizzy Reed et Teddy Andrealis.
Alors quel bilan faire de ce 1er effort solo de Gilby Clarke? En dépit d'une baisse de régime en bout de course, on a ici du bel ouvrage. Certes cet album n'a pour ambition que de divertir et s'adresse avant tout aux fans de rock bluesy. Certes il aurait mérité un rythme un peu plus soutenu et un meilleur chanteur (Gilby comme tout bon musicien chante juste mais ça ne suffit pas). Seulement Pawnshop Guitars possède quelque chose d'essentiel, en voie de disparition: une authenticité, une âme. A l'image de son auteur, cet album positif et frais est un bon remède contre la merde qui nous entoure, avec le ptit supplément nostalgie en prime.
Une dernière chose, c'est à cause de sa liberté de ton, de sa simplicité et de son indépendance que Gilby Clarke sera viré par Axl. Le guitariste faisait l'unanimité chez les Guns et les fans appréciaient son attitude, ce qui représentait un obstacle voir un danger pour Axl. Ce dernier a prétexté ses déclarations dans la presse pour l'évincer, ce qui serait arrivé tôt ou tard de toute façon. Mais finalement c'est sans importance, Gilby Clarke a pris le bon et continué sa route, imperturbable. Sa destination? Le Snakepit de Slash en 1995...
Rédigé par : forlorn | 1994 | Nb de lectures : 2248
Pas vraiment accroché à cet album à sa sortie et pas réécouté depuis!C'était pour moi l'abum solo le plus faible des side projects des Guns! Je me rappelle bien de Kill me or cure me et de la reprise des stones par contre..
forlorn Membre enregistré
Posté le: 30/04/2012 à 17h42 - (27422)
C'est l'unique album de Gilby Clarke que je possède. D'après les infos que j'ai pu glaner ici et là, il semblerait que ça soit Rubber (son 3ème album solo) qui soit le plus abouti.
Sinon effectivement ce Pawnshop Guitars ne tient pas la comparaison avec le Believe in Me de Duff (bien possible que je le chronique d'ailleurs) ou le It's Five O'Clock Somewhere du Snakepit de Slash.
Par contre même si on ne peut s'empêcher de les comparer, ces albums ne boxent pas vraiment dans la même catégorie. Celui de Duff est à l'image de son auteur, y a l'énergie punk qu'on trouvait à l'époque d'Appetite, mais avec une ouverture sur tout ce qui le branche (hard, punk, metal, pop rock, country folk, hip-hop).
Quant à Slash c'est du Guns assagi et tourné vers les 70s. Certaines compo étaient destinées au 'nouvel' album des Guns, mais Axl les a refusé avant de chercher à tuer dans l'oeuf le Snakepit.
Et donc comme je l'ai indiqué dans ma kro cet album de Gilby, c'est du rock n' roll issu du coeur de l'Amérique et proposé par un type qui puise son inspiration directement dans les 60s. A mon humble avis c'est tout à fait normal pour un ado de l'époque d'être déçu par cet album, car il ne trouvera pas ce qu'il espérait. Néanmoins quand on s'en donne la peine, la 1ère moitié de l'album est quand même bien sympa, à commencer par 'Cure Me or Kill Me'.
Pour finir je dirais que Gilby Clarke est un peu l'archétype du guitariste rythmique, comme l'était Brad Whitford d'Aerosmith avant lui. Quelqu'un de discret, moins exhubérant, mais aussi efficace et fidèle qu'indispensable. Gilby Clarke a fait du bien aux Guns, et si on regarde justement les autres albums solo, il y a contribué, notamment celui de Slash chez qui s'était significatif. Il a participé à 3 compo du 1er Snakepit, jouait les rythmiques et assurait une partie du chant, et il a aussi tourné avec le groupe. Au final Gilby Clarke est peut être plus efficace et à sa place comme contributeur que comme artiste solo. Mais là je m'avance, pour appuyer ce raisonnement, il faudrait que je connaisse mieux sa discographie.
pamalach Membre enregistré
Posté le: 30/04/2012 à 19h27 - (27423)
Aaah Gilby Clarke...
A l'époque j'avais trouvé cet album très cohérent avec le personnage. Que cela soit sur les lives ou lors des interviews on sentait bien que ce gars dégageait quelque chose de placide et de sympathique. Je me souviens d'une interview où il avait dit qu'il aimait la mélodie, le groove et finalement une approche simple et efficace. D'ailleurs, cela montre bien les liens avec Izzy Stradlin qui lui aussi est dans une veine identique.
J'ai été aussi étonné de constater que ce gars est un rythmique assez respecté, qui trouve grâce aux yeux de Dave Mustaine, Slash bien sur ou encore Alice Cooper.
forlorn Membre enregistré
Posté le: 27/02/2014 à 15h02 - (30616)
Ajout des liens audio pour les morceaux Cure Me or Kill Me et Let's Get Lost, ainsi que du clip de Tijuana Jail. Sans oublier un lien bonus 'caché' dans ma kro.
Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site
Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs.
S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos
En effet ce natif de Cleveland, débarqué à Los Angeles vers 1985 (année de formation des Guns), les connaît bien et traîne avec eux depuis longtemps. Il a la confiance de Slash qui l'a par ailleurs embarqué quelques mois plus tôt dans le tournage du clip de Give in to Me d'un certain Michael Jackson. Gilby Clarke satisfera leurs exigences en apprenant une 40aine de morceaux en moins d'une semaine, avant de s'embarquer pour la fameuse tournée marathon Use Your Illusion qui sillonnera la planète pendant de longs mois.
Pour plaire à Axl rien de plus simple: être son contraire, donc pas d'ego surdimensionné ni de prétentions démesurées au niveau des royalties. Pour plaire à Slash rien de plus simple: être un type sain et sincère, doublé d'un musicien née. La tournée finie, le break nécessaire pour recharger les batteries s'éternise. En coulisse Axl continue son travail de sape en imposant ses vues et en dépossédant progressivement le reste du groupe de ses droits. Les fans eux doivent se contenter d'un album de reprises. The Spaghetti Incident? sort en 1993 et sera l'unique témoignage studio de Gilby avec les Guns.
La même année, Duff McKagan, le bassite et punk de la bande, est le 1er à perdre patience et à balancer un album solo: Believe in Me. Gilby Clarke proposera le sien quelques mois plus tard, mais avec un tout autre état d'esprit, profitant simplement de son temps libre et de sa notoriété pour faire de la musique. Pawnshop Guitars n'est que le fruit du plaisir, pas de frustration à l'horizon. Mais justement que nous propose Gilby avec cet opus? C'est lui qui vous répond: "A la base je suis un fan de rock n' roll. Je ne suis pas branché hard rock ou heavy metal, je leur préfère le rock basique." (dans le n°24 de septembre 1994 de Hard Force)
Gilby Clarke (chant, guitares électriques/acoustiques, mais aussi piano et sitar électrique) a réuni ses potes
Jo Almeida (guitariste soliste - ex-Dogs d'Amour), Will Effertz (basse) et Marc Danzeisen (batteur/chanteur - ex-Little Caesar et Riverdogs), ainsi qu'une liste de guests dont on reparlera plus tard. La production est confiée à Waddy Watchel, musicien ayant oeuvré pour Keith Richards, Stevie Nicks (Fleetwood Mac) ou encore Iggy Pop, tandis que Gilby mixe lui-même la moitié des titres. L'enregistrement s'est déroulé dans une ambiance de détente et de fête véritablement perceptible, soit tout le contraire du régime dictatorial des Guns. C'est l'une des principales qualités de l'album: le plaisir de jouer, en toute simplicité.
Pawnshop Guitars se compose de 11 morceaux dont 2 reprises, des Stones et des Clash. Cure Me or Kill Me ouvre le bal. C'est une tuerie. Un putain de rock qui aurait eu sa place sur un album des Guns (au même titre que Tijuana Jail), grâce aux interventions généreuses et inspirées de Slash. D'ailleurs pour l'anecdote: un soir de 1996 ou 97 en écoutant 'Fun Radio fait du bruit' (oui vous avez bien lu) j'ai eu droit à un enchaînement Cure Me or Kill Me / How Soon is Now? (reprise des Smiths par Paradise Lost). Toute une époque...
Cure Me or Kill Me: http://www.youtube.com/watch?v=s-RUeHuJKco
Hormis les 2 titres bien rentre-dedans avec Slash en guest, le reste de l'album est plus posé. Les fans de hard habitués à la folie des Guns auront du mal à adhérer à un album intimiste et lumineux, tandis que les amateurs de bonne musique apprécieront les subtilités d'un album bien composé, avec un bon sens des mélodies et des arrangements: comme l'aspect country/folk (dobro, harmonica & co à l'appui) de Skin & Bones [aspect typiquement US que certains retrouveront dans le Boggy Depot de Jerry Cantrell par ex] ou les influences psyché de Let's Get Lost, avec Gilby au sitar électrique.
Let's Get Lost: http://www.youtube.com/watch?v=omF3tcs5AMc
Aucun problème les 6 premiers morceaux sont vraiment bons, mais à partir du morceau-titre ça se gâte. Pawnshop Guitars est bien trop classique et manque d'envergure, surtout comparé à Black ou Johanna's Chopper par exemple. L'introduction parfaite à l'erreur de casting qui me fait froncer les sourcils, crisser des dents et surtout zapper: cette putain de reprise de Dead Flowers des Rolling Stones.
Ceux qui, comme moi, ont usé les VHS de Use Your Illusion au Japon le savent, Gilby était présenté en fin de show et jouait avec Slash Wild Horses, une reprise de son groupe fétiche. Cette passion transparait également ici (photo de Gilby avec t-shirt des Stones dans le livret). Mais si j'apprécie leur version de Wild Horses, je préfère encore écouter un Elton John récent que cette version de Dead Flowers. La présence d'Axl au chant/piano me rend ce morceau encore plus insupportable tant musicalement que symboliquement et ce n'est pas un Rob Affuso (Skid Row) derrière le kit qui y changera quoi que se soit. Enfin bref passons.
Heureusement la reprise de Jail Guitar Doors (une face B des Clash) remonte le niveau et apporte ce qu'il manquait à l'album depuis un moment: un minimum de pêche. Titre enregistré à 3 avec Franck Black des Pixies (guitare et chant additionnel) et Duff McKagan (basse et batterie). Les 2 derniers morceaux de Pawnshop Guitars sont sympa mais redondants et subissent l'effet néfaste de la reprise des Stones. Pour en finir avec les guests, hormis ceux déjà cités, on retrouve sur cet album le reste des Guns ici et là: Matt Sorum, Dizzy Reed et Teddy Andrealis.
Alors quel bilan faire de ce 1er effort solo de Gilby Clarke? En dépit d'une baisse de régime en bout de course, on a ici du bel ouvrage. Certes cet album n'a pour ambition que de divertir et s'adresse avant tout aux fans de rock bluesy. Certes il aurait mérité un rythme un peu plus soutenu et un meilleur chanteur (Gilby comme tout bon musicien chante juste mais ça ne suffit pas). Seulement Pawnshop Guitars possède quelque chose d'essentiel, en voie de disparition: une authenticité, une âme. A l'image de son auteur, cet album positif et frais est un bon remède contre la merde qui nous entoure, avec le ptit supplément nostalgie en prime.
Une dernière chose, c'est à cause de sa liberté de ton, de sa simplicité et de son indépendance que Gilby Clarke sera viré par Axl. Le guitariste faisait l'unanimité chez les Guns et les fans appréciaient son attitude, ce qui représentait un obstacle voir un danger pour Axl. Ce dernier a prétexté ses déclarations dans la presse pour l'évincer, ce qui serait arrivé tôt ou tard de toute façon. Mais finalement c'est sans importance, Gilby Clarke a pris le bon et continué sa route, imperturbable. Sa destination? Le Snakepit de Slash en 1995...
Rédigé par : forlorn | 1994 | Nb de lectures : 2248