CARCARIASS. Encore une de ces formations prometteuses qui n'aura pas eu le succès qu'elle aurait dû avoir si la qualité de la musique seule entrait en compte.

Mais les Bisontins sont arrivés trop tard, en 1996, avec leur premier album, « Hell On Earth », dont le Thrash Death Technique pourtant très bien exécuté et inspiré avait pour origine une scène, la scène Technodeath, dont les heures de gloire remontaient à l'aube de la décennie. Les DEATH, PESTILENCE, CORONER, CYNIC, etc. avaient déjà sortis leurs chefs-d’œuvre et à cette époque, le Metal subissait l'une de ces mutations qui condamnaient les petites formations encore fortement attachées à une certaine tradition à la confidentialité.

Si on ajoute à cela un goût, disons, particulier, en terme d'artworks, dont les traits grossiers ne reflétaient en rien la maîtrise technique des musiciens et la qualité des compos, on a là quelques-uns des éléments qui peuvent expliquer le succès d'estime mais néanmoins confidentiel de CARCARIASS. Et pourtant, en se penchant sur ses deux premiers albums, réédités par Great Dane dans des versions remasterisées accompagnées de titres bonus et cette fois d'un visuel beaucoup plus engageant, on se rend compte que si les actuels Franco-Suisses n'avaient peut-être pas les moyens de rivaliser avec les stars du genre (et encore), ils avaient néanmoins de sérieux atouts.

Parmi ceux-ci, un sens de la mélodie indéniable qui donne aux morceaux, complexes mais jamais alambiqués, une certaine légèreté malgré un ton globalement agressif. Dès les premières notes de « Hell On Earth », qui introduit le premier album éponyme, on sent en effet l'invitation au voyage. Peut-être parce que les influences Heavy Metal, très prégnantes, notamment dans le jeu de basse, réveillent également en nous les souvenirs d'épopées maideniennes qui ont bercé notre adolescence, ou peut-être encore parce qu'on reconnaît avec plaisir une certaine touche hetfieldienne dans les rythmiques. Ou peut-être finalement retrouve-t-on dans ces deux disques un son et une manière de composer qui nous replongent dans la découverte de tous ces groupes cités en introduction, dont les albums ont pour la plupart constitué la bande son d'une période riche en émotions. Ces compos souvent longues (plus proches du Thrash que du Death Metal dans le cas de CARCARIASS), pleines de rebondissements, de changements de tempos, ces vocaux qui venaient du plus profond de la gorge, au plus près de ces entrailles que d'aucuns pensent toujours être le siège de nos émotions, nous emmenaient dans des mondes inconnus, à la fois terrifiants et rassurants parce que nous n'étions pas seuls ; les notes, riffs, growls étaient là pour nous épauler et nous guider.

Émotion, voilà le mot qui caractérise le mieux ce style et cette époque à mon sens, et c'est ce qu'on retrouve dans « Hell On Earth » et « Sideral Torment », avec une orientation légèrement plus brutale pour le second. On ne s'ennuie jamais à l'écoute des vingt-quatre pistes qui composent cette réédition, à condition toutefois d'être amateur de longues plages instrumentales, de solos qui durent et de tout ce qui fait la beauté du style. Trois morceaux de la démo « Ancestral War » ont également été réenregistrés, et vous trouverez sur le second CD quatre titres bonus enregistrés en live à Orléans en 2004, qui vous permettront de découvrir, si ce n'était déjà fait, quelques extraits du très bon « Killing Process », sorti en 2002. Pour une analyse plus détaillée de « Sideral Torment », un petit tour vers la Kro Remember écrite par RDB devrait combler vos attentes et achever de vous convaincre de tenter l'aventure CARCARIASS.

Bien que fortement teintée de nostalgie, cette kro ne doit pour autant pas vous laisser croire que CARCARIASS ne s'adresse qu'à de vieux grincheux enfermés dans leurs souvenirs adolescents, loin de là. Le CARCARIASS que vous découvrirez sur « Hell And Torment » est, certes, un groupe d'excellents techniciens respectueux des codes de l'époque, mais une bonne compo reste une bonne compo, et les deux disques en regorgent. « Hell And Torment » n'est pas qu'un dépoussiérage de vieilles reliques, il est avant tout l'occasion de se remettre deux albums énergiques, biens écrits, dotés d'une production plus que valable, deux albums d'un Technodeath qu'on n'entend que trop rarement de nos jours.


Rédigé par : Dungorpat | 15/20 | Nb de lectures : 14903