BETHZAIDA - LXXVIII (Season of Mist) - 01/03/2014 @ 22h28
Résumé des épisodes précédents:
Selon d'anciennes croyances sumériennes, le lieu de naissance de l'Antéchrist serait Bethzaida. Ce patronyme est adopté en 1993 par un groupe de dark metal fondé par le guitariste Andre Svee et le batteur Terje Myhre Kråbøl (ex-Minas Tirith et Thorns). Lars Ruben Hirsch (vocaux/flute) et Brian III (guitare/orgue) les rejoignent rapidement. Dawn leur 1ère Demo parait en mai 1994. Osmose prod. approche Bethzaida mais les négociations échouent. Les Norvégiens planchent sur de nouveaux morceaux, mais leur 2ème Demo ne sera jamais distribuée, un nouveau venu, Season of Mist, se montrant intéressé. Enregistré à Trondheim en février 1996, leur 1er album Nine Worlds associe nouvelles compositions et morceaux issus de leurs Demos (chose courante à l'époque). A noter un changement de bassiste, Olav Malmin étant remplacé par Nils Arve Sandberg. Créatifs et inspirés, les Norvégiens croisent habilement doom/death et black metal, le tout saupoudré d'influences folk (l'usage de la flute) et de riffs voivodiens.
Le résultat est unique en son genre.
L'underground a fait bon accueil à cette 1ère offrande. En France, la promotion de Bethzaida a été à la hauteur, avec en point d'orgue leur participation au 1er sampler Metallian (réalisé par Adipocere). Les ventes sont suffisantes pour entrainer la réalisation quelques mois plus tard en édition limitée de l'EP A Prelude to Nine Worlds. Au programme un CD découpé en forme de marteau de Thor (initiative originale) et une sélection de titres issus des Demos. Le label marseillais croyait manifestement en son poulain (sa 2ème signature après Oxiplegatz), mais j'avoue que je n'ai jamais compris leur démarche. Pourquoi présenter les versions Demo de morceaux figurant sur Nine Worlds aux dépends de ceux restés inédits (comme Mortal Thoughts et Change of Seasons) ? Hormis cet EP, l'année 1997 voit Bethzaida changer de bassiste. Si les 2 premiers étaient d'illustres inconnus, le nouveau venu possède déjà une certaine expérience. Il s'agit de Tom Wahl, fraichement débarqué de Godsend où il officiait en tant que guitariste (l'album In the Electric Mist). Ce qu'il manque aux Norvégiens pour aller de l'avant ?
La possibilité de tourner.
Malheureusement la conjoncture est totalement défavorable à Bethzaida. Niveau concerts, la Norvège n'offre que peu de possibilités et devoir travailler pour vivre ne facilite pas non plus l'obtention de dates. Pour l'anecdote, Bethzaida se compose de 3 ingénieurs (dans les secteurs de la chimie et des télécoms), 1 boucher et 1 étudiant. Etre affilié (à tort) au death metal en pleine période BM ne les a pas franchement aidé non plus. Privé de tournées, Bethzaida s'est donc concentré sur le processus de composition d'un 2ème album attendu. Restés à Trondheim, les Norvégiens ont fait appel à un autre studio/producteur, Stein Bratland (futur technicien pour Atrox, Lumsk et Manes) succédant à Tor Breivik (connu pour son travail avec Keep of Kalessin et The 3rd and the Mortal). Mis en boite en mars 1998, l'intriguant LXXVIII (signifiant 78 en chiffres romains) possède un visuel enfin digne de ce nom, dont j'aurais volontier parlé si les crédits en avaient fait état. Ambiance purgatoire vu par Jérôme Bosch. Sympathique. Voyons maintenant quelles étaient leurs intentions pour ce 2ème opus.
"Même si cela a été presque inconscient, nos chansons ont tendance à s'allonger. Je crois qu'elles sont devenues un peu plus complexes et plus matures. Mais les grandes différences viennent certainement de la production et de la qualité des textes écrits par Lars." Andre Svee (dans le n°41 de janvier 1999 de Hard Force mag)
"LXXVIII est beaucoup plus agressif que Nine Worlds, qui sonnait un peu trop calme à mon goût. Mais le souci de la mélodie reste présent sur ce nouvel album car c'est un axe important de notre musique. (...) Chaque chanson se termine par des nappes mélodiques qui constituent ce que l'on pourrait appeler le sceau musical de Bethzaida." Lars Ruben Hirsch (dans le n°12 de juillet/août 1998 de Metallian)
Ces déclarations se vérifient très vite. En comparaison de son prédécesseur, LXXVIII propose 4 minutes de plus pour un titre de moins. Dès les premières mesures de The Blasphemer, on sent que Bethzaida a musclé son jeu. Leur son a gagné en densité et la place accordée à la basse a été revue à la hausse. Plus riche qu'elle n'y parait, la musique de Bethzaida se fait plus difficile d'accès. La paire de guitaristes Andre Svee/Brian III se taille évidemment la part du lion, proposant un dark metal polymorphe et racé. Souvent black/death (Brief Is the Flame, Sumarian Rebirth), parfois viking/doom (Wolf's Desire, No Regrets Before Death), leurs partitions prouvent que des guitares peuvent développer de véritables atmosphères sans qu'il soit nécessaire de recourir aux claviers. A retenir également, les leads et harmonies de Lengsel LXXVIII. La promo de l'époque n'hésitait pas à décrire Bethzaida comme la réponse norvégienne à Voivod. C'est exagéré, même si l'influence du regretté Piggy est nette (c'est flagrant sur l'entame de Black Winter ou le final de The Curtain Falls). Andre Svee remercie les Québécois individuellement dans le livret de LXXVIII, une démarche de fan doublée d'une preuve de goût.
Concernant le batteur Terje Myhre Kråbøl, j'avais déjà eu l'occasion de le comparer à Asgeir Mickelson (ex-Spiral Architect et Borknagar) et Rune Hoemsnes (ex-The 3rd and the Mortal et Manes), des compatriotes au feeling et à la finesse appréciables. Je réitère cette déclaration, en précisant qu'il me semble un peu plus démonstratif sur ce 2ème opus. Pour profiter de sa dextérité, l'énervée Et Natens Eventyr me parait la plus indiquée. [Au passage je ne peux que regretter que la compo la plus originale du lot soit la plus courte, aussi placée en bout de course.] Par contre la basse de Tom Wahl est assez basique, ce dernier se cantonnant au rôle de bétonneur rythmique. Quant à Lars Ruben Hirsch, ses vocaux, à défaut d'innover, collent parfaitement aux compositions. Emprunts de mythologie et de mysticisme, ses textes rendent hommage à ses maitres à penser, E.A. Poe et H.P. Lovecraft. Dans un contexte globalement plus agressif, son usage de la flute gagne aussi en singularité, à l'image de ses interventions sur The Curtain Falls ou Et Natens Eventyr (oui encore).
Pour conclure, je dirais que sous une apparente homogénéité, ce 2ème et dernier album de Bethzaida cache pas mal de subtilités, en partie camouflées par ce regain de hargne et de gros son. C'est la raison pour laquelle je lui préfère la fibre juvénile plus naturelle de Nine Worlds. Cependant les Norvégiens avaient encore des choses à offrir, comme en témoigne le split avec Anata paru à titre posthume en 1999. Les formations possédant d'instinct une personnalité propre sont rares, le gâchis est d'autant plus grand. N'oubliez pas Bethzaida.
Pour les curieux, du split de Bethzaida ont émergé 2 groupes, Mist Enticer et Obumbrata, qui n'ont pas dépassé le stade des Demos. A l'heure actuelle 2 ex-membres de Bethzaida sont toujours actifs dans la musique. Le batteur Terje Myhre Kråbøl oeuvre dans Antidepressive Delivery, une superbe formation entre metal prog et jazz rock que je recommande vigoureusement (3 albums à son actif). Quant à Tom Wahl, il cumule les groupes de thrash/death sans envergure, tels qu'Exeloume et Maelström.
Rédigé par : forlorn | 1998 | Nb de lectures : 2118
Bon, ben, voilà une nouvelle excuse pour ressortir un album que je n'ai pas écouté depuis longtemps... :)
pamalach Membre enregistré
Posté le: 03/03/2014 à 11h57 - (30627)
Bonne chronique qui donne envie d'aller plus loin dans l'écoute...
Youpimatin Membre enregistré
Posté le: 03/03/2014 à 22h24 - (30628)
Excellente chro qui permet d'en apprendre plus sur ce groupe à part.
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Selon d'anciennes croyances sumériennes, le lieu de naissance de l'Antéchrist serait Bethzaida. Ce patronyme est adopté en 1993 par un groupe de dark metal fondé par le guitariste Andre Svee et le batteur Terje Myhre Kråbøl (ex-Minas Tirith et Thorns). Lars Ruben Hirsch (vocaux/flute) et Brian III (guitare/orgue) les rejoignent rapidement. Dawn leur 1ère Demo parait en mai 1994. Osmose prod. approche Bethzaida mais les négociations échouent. Les Norvégiens planchent sur de nouveaux morceaux, mais leur 2ème Demo ne sera jamais distribuée, un nouveau venu, Season of Mist, se montrant intéressé. Enregistré à Trondheim en février 1996, leur 1er album Nine Worlds associe nouvelles compositions et morceaux issus de leurs Demos (chose courante à l'époque). A noter un changement de bassiste, Olav Malmin étant remplacé par Nils Arve Sandberg. Créatifs et inspirés, les Norvégiens croisent habilement doom/death et black metal, le tout saupoudré d'influences folk (l'usage de la flute) et de riffs voivodiens.
Le résultat est unique en son genre.
L'underground a fait bon accueil à cette 1ère offrande. En France, la promotion de Bethzaida a été à la hauteur, avec en point d'orgue leur participation au 1er sampler Metallian (réalisé par Adipocere). Les ventes sont suffisantes pour entrainer la réalisation quelques mois plus tard en édition limitée de l'EP A Prelude to Nine Worlds. Au programme un CD découpé en forme de marteau de Thor (initiative originale) et une sélection de titres issus des Demos. Le label marseillais croyait manifestement en son poulain (sa 2ème signature après Oxiplegatz), mais j'avoue que je n'ai jamais compris leur démarche. Pourquoi présenter les versions Demo de morceaux figurant sur Nine Worlds aux dépends de ceux restés inédits (comme Mortal Thoughts et Change of Seasons) ? Hormis cet EP, l'année 1997 voit Bethzaida changer de bassiste. Si les 2 premiers étaient d'illustres inconnus, le nouveau venu possède déjà une certaine expérience. Il s'agit de Tom Wahl, fraichement débarqué de Godsend où il officiait en tant que guitariste (l'album In the Electric Mist). Ce qu'il manque aux Norvégiens pour aller de l'avant ?
La possibilité de tourner.
Malheureusement la conjoncture est totalement défavorable à Bethzaida. Niveau concerts, la Norvège n'offre que peu de possibilités et devoir travailler pour vivre ne facilite pas non plus l'obtention de dates. Pour l'anecdote, Bethzaida se compose de 3 ingénieurs (dans les secteurs de la chimie et des télécoms), 1 boucher et 1 étudiant. Etre affilié (à tort) au death metal en pleine période BM ne les a pas franchement aidé non plus. Privé de tournées, Bethzaida s'est donc concentré sur le processus de composition d'un 2ème album attendu. Restés à Trondheim, les Norvégiens ont fait appel à un autre studio/producteur, Stein Bratland (futur technicien pour Atrox, Lumsk et Manes) succédant à Tor Breivik (connu pour son travail avec Keep of Kalessin et The 3rd and the Mortal). Mis en boite en mars 1998, l'intriguant LXXVIII (signifiant 78 en chiffres romains) possède un visuel enfin digne de ce nom, dont j'aurais volontier parlé si les crédits en avaient fait état. Ambiance purgatoire vu par Jérôme Bosch. Sympathique. Voyons maintenant quelles étaient leurs intentions pour ce 2ème opus.
"Même si cela a été presque inconscient, nos chansons ont tendance à s'allonger. Je crois qu'elles sont devenues un peu plus complexes et plus matures. Mais les grandes différences viennent certainement de la production et de la qualité des textes écrits par Lars." Andre Svee (dans le n°41 de janvier 1999 de Hard Force mag)
"LXXVIII est beaucoup plus agressif que Nine Worlds, qui sonnait un peu trop calme à mon goût. Mais le souci de la mélodie reste présent sur ce nouvel album car c'est un axe important de notre musique. (...) Chaque chanson se termine par des nappes mélodiques qui constituent ce que l'on pourrait appeler le sceau musical de Bethzaida." Lars Ruben Hirsch (dans le n°12 de juillet/août 1998 de Metallian)
Ces déclarations se vérifient très vite. En comparaison de son prédécesseur, LXXVIII propose 4 minutes de plus pour un titre de moins. Dès les premières mesures de The Blasphemer, on sent que Bethzaida a musclé son jeu. Leur son a gagné en densité et la place accordée à la basse a été revue à la hausse. Plus riche qu'elle n'y parait, la musique de Bethzaida se fait plus difficile d'accès. La paire de guitaristes Andre Svee/Brian III se taille évidemment la part du lion, proposant un dark metal polymorphe et racé. Souvent black/death (Brief Is the Flame, Sumarian Rebirth), parfois viking/doom (Wolf's Desire, No Regrets Before Death), leurs partitions prouvent que des guitares peuvent développer de véritables atmosphères sans qu'il soit nécessaire de recourir aux claviers. A retenir également, les leads et harmonies de Lengsel LXXVIII. La promo de l'époque n'hésitait pas à décrire Bethzaida comme la réponse norvégienne à Voivod. C'est exagéré, même si l'influence du regretté Piggy est nette (c'est flagrant sur l'entame de Black Winter ou le final de The Curtain Falls). Andre Svee remercie les Québécois individuellement dans le livret de LXXVIII, une démarche de fan doublée d'une preuve de goût.
Concernant le batteur Terje Myhre Kråbøl, j'avais déjà eu l'occasion de le comparer à Asgeir Mickelson (ex-Spiral Architect et Borknagar) et Rune Hoemsnes (ex-The 3rd and the Mortal et Manes), des compatriotes au feeling et à la finesse appréciables. Je réitère cette déclaration, en précisant qu'il me semble un peu plus démonstratif sur ce 2ème opus. Pour profiter de sa dextérité, l'énervée Et Natens Eventyr me parait la plus indiquée. [Au passage je ne peux que regretter que la compo la plus originale du lot soit la plus courte, aussi placée en bout de course.] Par contre la basse de Tom Wahl est assez basique, ce dernier se cantonnant au rôle de bétonneur rythmique. Quant à Lars Ruben Hirsch, ses vocaux, à défaut d'innover, collent parfaitement aux compositions. Emprunts de mythologie et de mysticisme, ses textes rendent hommage à ses maitres à penser, E.A. Poe et H.P. Lovecraft. Dans un contexte globalement plus agressif, son usage de la flute gagne aussi en singularité, à l'image de ses interventions sur The Curtain Falls ou Et Natens Eventyr (oui encore).
Pour conclure, je dirais que sous une apparente homogénéité, ce 2ème et dernier album de Bethzaida cache pas mal de subtilités, en partie camouflées par ce regain de hargne et de gros son. C'est la raison pour laquelle je lui préfère la fibre juvénile plus naturelle de Nine Worlds. Cependant les Norvégiens avaient encore des choses à offrir, comme en témoigne le split avec Anata paru à titre posthume en 1999. Les formations possédant d'instinct une personnalité propre sont rares, le gâchis est d'autant plus grand. N'oubliez pas Bethzaida.
Pour les curieux, du split de Bethzaida ont émergé 2 groupes, Mist Enticer et Obumbrata, qui n'ont pas dépassé le stade des Demos. A l'heure actuelle 2 ex-membres de Bethzaida sont toujours actifs dans la musique. Le batteur Terje Myhre Kråbøl oeuvre dans Antidepressive Delivery, une superbe formation entre metal prog et jazz rock que je recommande vigoureusement (3 albums à son actif). Quant à Tom Wahl, il cumule les groupes de thrash/death sans envergure, tels qu'Exeloume et Maelström.
Rédigé par : forlorn | 1998 | Nb de lectures : 2118