Soyons honnêtes, personne ne croyait à un retour de Skid Row à l'époque.
Le gang du New Jersey semblait reproduire le schéma des Guns, dont le break prolongé dégénéra en interminables et rocambolesques querelles internes.
Face à l'avalanche de points communs entre les 2 formations, la comparaison est d'ailleurs inévitable: un 1er album cassant la baraque en 1989, un succès fulgurant, une énorme activité scénique, des guitaristes complémentaires, un bassiste punk influent, un chanteur charismatique et grande gueule abonné aux scandales et autres faits divers.... sans oublier la participation des membres de Skid Row aux premiers albums solo des Gunners (voir mes kro de Duff et Gilby Clarke). Pire, depuis le phénoménal Slave to the Grind, sorti 4 ans plus tôt, notre scène a connu de profonds bouleversements. Que Skid Row ait assez de ressources pour pondre ce Subhuman Race relevait déjà de la performance, et beaucoup doutaient de leur capacité à se sublimer, à renverser la vapeur.
En effet, comme si donner suite à 2 classiques du hard n'était déjà pas assez, les Américains devaient prouver leurs capacités d'adaptation, tenter de se débarrasser de cette étiquette 'post-glam 80s' pour montrer que Skid Row se conjuguait bel et bien au présent.
Mais avant d'apporter une réponse, petit rappel bio. Voisin d'un certain Jon Bongiovi, le guitariste Dave 'Snake' Sabo fait brièvement parti du line-up originel de Bon Jovi en 1983. Mais sa place n'est pas là. Sa rencontre avec le bassiste Rachel Bolan débouche sur la création de Skid Row en 1986. Le guitariste Scotti Hill, le batteur Rob Affuso et surtout le fantastique chanteur canadien Sebastian Bach complètent le groupe quelques mois plus tard. Vous connaissez la suite. Non? Alors Sebastian Bach vous résume la chose: "Nous avions sorti 2 albums en moins de
2 ans, 10 millions s'en étaient vendus, on avait tourné comme des fous. Nous avons ressenti le besoin de nous replier sur nous-mêmes, pour savoir si notre... instinct musical était toujours le bon. Il est clair aussi que les 22 mois de la tournée Slave to the Grind nous avaient lessivés, mentalement et physiquement. Nous avons eu besoin d'un certain temps, plus long que prévu, pour nous remettre en selle." (n°14 de mai 1995 de Hard n' Heavy)
A cela il faut rajouter 2 choses. Dans l'intervalle, la discographie de Skid Row s'est enrichie d'un EP de reprises en 1992 (B-Side Ourselves) et de 2 VHS parues en 1993, Roadkill (présentant la vie du groupe en tournée) et No F*cking Frills (compilant leurs clips). Le dernier point, vous le sentez venir, il s'agit des embrouilles.
Bien mérité, ce break leur permet de recharger les batteries, de profiter d'une vie de famille jusqu'ici négligée.
Le premier à en mesurer les bienfaits n'est autre que le jeune chien fou de la bande, Sebastian Bach, qui met un frein à la picole, aux megateufs et reprend des cours de chant. Mais sa raison d'être étant la scène, il ne tarde pas à harceler le guitariste Dave 'Snake' Sabo pour qu'il réactive le groupe, obtenant la réaction inverse. Ce genre de cercle vicieux on l'a tous connu, notamment en couple (le mec veut baiser, la nana non, ça devient une obsession, etc). La faute à personne, c'est le genre d'aléa qui fait parti de la vie. Sebastian Bach se résout à évacuer son trop plein d'énergie sur scène avec Rob Halford et amorce un projet avec Mickael Monroe (Hanoi Rocks) qui n'aboutit pas pour raisons contractuelles. Mais heureusement, les tensions s'apaisent et Skid Row se remet au boulot.
C'est maintenant l'heure de répondre aux interrogations initiales: Subhuman Race est-il digne de ses illustres prédécesseurs? Ce 3ème album est-il à la page ou l'oeuvre d'un groupe resté bloqué dans le passé?
Les premières mesures de My Enemy (1er single de l'album) permettent de lever tous doutes. Skid Row n'est pas là pour faire de la figuration ou jouer la carte de la nostalgie. Pour l'anecdote je dois toujours avoir sur VHS la pub de Subhuman Race (diffusée sur M6 oui, oui). Le Skid Row de 1995 sonne plus HEAVY et surtout plus GROOVY que jamais, aidé en cela par une énorme production signée Bob Rock (le Black Album de Metallica). Ce 3ème opus est un bloc compact, homogène et couillu qui fait plaisir à entendre. Pour la première fois dans l'histoire de Skid Row, le processus de composition relève d'un effort collégial. Outre Sebastian Bach et le batteur Rob Affuso, on note que le guitariste Scotti Hill a coécrit la moitié des titres. Au rayon des innovations, Sebastian Bach dévoile un registre nettement plus étendu que par le passé, avec plus de nuances et de caractère (Beat Yourself Blind). Définitivement l'un des meilleurs chanteurs de la planète hard. La basse de Rachel Bolan n'avait jamais eu autant d'espace pour s'exprimer (Firesign ou Frozen pour la finesse, Iron Will pour l'énergie). Rob Affuso, le batteur amateur de rythm n' blues, s'adapte en conséquence et envoie du lourd (l'énervé Subhuman Race). Quant à la paire Snake/Hill, elle nous offre un festival de riffs surpuissants agrémentés de soli et d'arrangements discrets mais bien présents (l'excellent Remains to Be Seen).
L'intensité de ce 3ème album plaide en sa faveur, mais il est permis de le trouver un chouïa trop long (13 titres pour 53 minutes de musique). A mon sens le morceau éponyme n'apporte pas grand chose, et Iron Will, de surcroit mal placé en bout de course, me semble de trop. Un bémol qui n'enlève rien au mérite de Skid Row qui a su évoluer comme il le fallait. Plus riche qu'il n'y parait et un peu moins accessible que ses prédécesseurs, Subhuman Race révèle un groupe inspiré n'hésitant pas à repousser ses limites, l'agressivité de Bonehead (la décharge punk metal) côtoyant les mélodies de la power ballade Breakin' Down (single servant de générique au film Prophecy avec Christopher Walken) en passant par un clin d'oeil à la génération grunge avec Eileen (aux faux airs 'Nirvano-Alicinchainesque'). Alors certes Subhuman Race s'est moins bien vendu que les précédents, mais on ne peut imputer ce déclin relatif au groupe, car fidèles à eux-même les Américains ont mis toutes leurs tripes dans la balance. Vous en doutez? Essayez de résister au superbe Into Another ou à l'imparable Medecine Jar (énergie, groove, de purs soli) ... on pourrait en citer d'autres, la qualité est là. Quant à la scène, on se souviendra que Skid Row était placé plus haut que Slayer à l'affiche de l'édition 96 de Donington (avec une programmation signée Metallica), ou encore de leur inaltérable succès au Japon.
On peut nourrir des regrets quand on connait les raisons de l'éviction de Sebastian Bach fin 1996. KISS avait offert à Skid Row l'ouverture de leur tournée et Sebastian Bach énorme fan du groupe était le plus heureux des hommes. Mais peu emballé par la chose, le bassiste Rachel Bolan fit barrage (avant d'accepter une offre similaire quelques années plus tard). L'histoire se répétait une dernière fois, Sebastian Bach quittant définitivement le navire. Il formera un supergroupe éphémère, The Last Hard Men, en compagnie de membres de Frogs, Breeders et Smashing Pumpkins, avant de se consacrer à une carrière solo partagée entre comédies musicales à Broadway et formation rock sous son propre nom. Du côté de ses ex-comparses, Rachel Bolan s'investit dans son projet punk, Prunella Scales en compagnie du batteur Phil Varone (Saigon Kick). En 1998 Skid Row tente brièvement de se relancer avec un autre vocaliste sous le nom d'Ozone Monday. L'échec de cette tentative leur coûte le batteur Rob Affuso. Après? Il n'y a pas d'après...
Rédigé par : forlorn | 1995 | Nb de lectures : 2181
Un album auquel je suis attaché pour pas mal de raisons, d'une part mon premier et dernier concert des Skids à l'Elysée Montmartre (pas longtemps après celui de Slash). Belle ambiance, j'en ai même perdu mes pompes sur Monkey Business ! D'autre part le dernier que j'ai écouté (et beaucoup ré-écouté depuis). Le départ de Bach a effectivement sonné le glas de ce groupe qui m'a longtemps accompagné. La puissance vocale du blondinet m'a toujours époustouflé. Elle est ici mise au service de titres riches, aventureux et méchamment agressifs par moments. A mon sens, le groupe avait mis le cap sur quelque chose de réellement intéressant alors que beaucoup attendaient un Slave to the grind 2. C'est un peu leur 34.788%... complete. La suite est vraiment désolante. Pour les Skids, retour au hard-rock planplan à la papa avec un chanteur qui fait pâle figure à côté de ma grande gueule préférée. Et pour Bach des albums solos comportant de bonnes choses (notamment Angel Down mis qui était un poil trop long, le suivant est beaucoup moins bon). Mais pour avoir vu des vidéos de son passage au Hellfest, la voix n'y est plus tout à fait même si le bonhomme y met du sien. Bon bah on va rester sur les 4 premiers albums et le mini (c'te pochette !), ranger le déambulateur et éviter trop de nostalgie. Beat yourself bliiiind !
Super chro, solide et bien menée. Et je persiste à dire que Prophecy était daubesque ;O)-
josh IP:31.37.177.239 Invité
Posté le: 26/05/2013 à 07h57 - (29403)
Superbe album bien trop souvent sous estimé... parce qu'il passe apres slave to the grind, parce que le contexte musical était compliqué. Bref pour moi c'est un album quasi parfait... J'apprecie la grande varieté de cet album avec ce petit côté Pantera dans certains riffs. Il me fait penser à l'album eponyme de Motley qui pour moi est aussi un grand album sous estimé... Marrant c'est le même producteur!
hammerbattalion Membre enregistré
Posté le: 26/05/2013 à 09h07 - (29404)
Ah alors là, je vais me faire descendre, je ne suis pas d'accord même si ta kro m'éclaire sur certains trucs. J'ai commencé Skid Row à la sortie de l'éponyme et le deuxième a bien enfoncé le clou. Je suis donc parti plein d'espoirs sur ce skeud, acheté donc, passé repassé, fait cent tentatives et au final, je n'en ai rien retenu, rien mémorisé, au point que je l'ai revendu un an après. Pas d'envolées sauvages à la Youth Gone Wild ou Monkey Business, une grosse déception à l'époque.
begbie Membre enregistré
Posté le: 26/05/2013 à 10h32 - (29407)
Excellent disque, je le trouve meilleur que Slave to the grind. On sent bien qu'ils ont tourné avec Pantera. Plus quelques discrètes influences Alice In Chains. On rajoute une prod massive et on obtient un album excellent.
(pareil que toi josh j'adore le Mötley avec Corabi)
H77 Membre enregistré
Posté le: 26/05/2013 à 11h10 - (29408)
J'en attendais beaucoup après les très bons Skid row et (surtout) Slave to the grind, cet album a été une des plus grosses déceptions de mon parcours de métalleux. Dommage.
TheUgly Membre enregistré
Posté le: 26/05/2013 à 12h01 - (29409)
Cet album a été une terrible déception pour moi après les 2 énormes premiers albums. La magie n'est plus là et les tensions au sein du groupe sont perceptibles.
Draftcore IP:81.64.174.240 Invité
Posté le: 26/05/2013 à 12h20 - (29410)
c'est peut-être le fait d'avoir découvert les albums dans le sens inverse chronologiquement parlant, mais je trouve que cet album a vraiment quelque chose de spécial.
Ils ne pouvaient pas mieux gérer leur évolution musicale à l'époque. Dommage que le succès commercial n'a pas été au rendez-vous.
Stéphane Membre enregistré
Posté le: 26/05/2013 à 14h20 - (29414)
Très bon album effectivement, qui a bien vieilli (à part les cris suraigus de Bach, trop systématiques). Même si je n'aime toujours pas ce son de caisse claire infâme, et que les guitares auraient mérité d'être un peu plus mixées en avant (flagrant sur le morceau "Subhuman race" par ex).
"Il n'y a pas d'après..." : je trouve cette phrase injuste. "Thickskin" est pour moi un album très sous-estimé (réécoutez-le bon sang!), qui aurait reçu bien des louanges si Bach avait chanté dessus. Alors qu'à l'arrivée il est clairement du niveau de ce "Subhuman race"...
forlorn Membre enregistré
Posté le: 26/05/2013 à 21h29 - (29416)
Allez je complète mes propos.
J'ai découvert Skid Row gamin via le tape-trading. Un mec m'avait fait une K7 où y avait des trucs comme Sins of Omission de Testament, Spanish Fly de Van Halen, mais aussi des trucs comme Mordred, Wolfsbane... et surtout Youth Gone Wild.
Enorme coup de coeur, résultat j'ai récupéré Skid Row et Slave to the Grind (qui venait de sortir) dans la foulée. Pour ma part ces albums sont intouchables, Slave to the Grind étant ce que le groupe a fait de mieux.
Concernant leur évolution, je partage le point de vue de Draftcore. Chaque album de Skid Row est plus heavy que le précédent, c'est une évolution naturelle, dans la continuité. A l'époque de Slave to the Grind, Skid Row tournait non-stop, ça se ressent et c'est ce qui en fait sa force. Ça explique aussi sa proximité avec le précédent.
Subhuman Race relève d'une autre démarche, puisque le groupe a pris le temps de se poser et mûrir ses compos. Du temps a passé, c'est pour ça qu'il se distingue des 2 premiers. Je comprends la réaction des déçus, je suis aussi passé par là. J'avais acheté le digipack avant de le revendre... ce que j'ai regretté. Mais lorsqu'on lui donne sa chance, Subhuman Race a ses propres qualités à faire valoir.
J'encourage les déçus à retenter le coup. Qui sait vous percevrez peut-être cet album différemment. Pour ma part je vais suivre le conseil de Stéphane et réessayer Thickskin.
Stéphane Membre enregistré
Posté le: 26/05/2013 à 21h49 - (29418)
Cool forlorn! ;)
Excellente chronique au passage!
"Thickskin" est pour moi dans la continuité de "Subhuman Race", vraiment. Et même si c'est pas Baz au chant, je trouve que Solinger a une très bonne voix sur cet album (qui, comme SR, comporte 1 ou 2 titres plus faibles que le reste).
Youpimatin Membre enregistré
Posté le: 27/05/2013 à 10h23 - (29419)
Un album que j'ai réecouté pas plus tard que hier.
Autant je n'étais pas fan de "Slave to the Grind" à sa sortie (album que j'ai appris à aimer depuis), autant ce "Subhuman Race" m'a plu tout de suite : gros son, un côté plus adulte, plus méchant et une pochette d'une simplicité folle. Je l'aime toujours autant maintenant et il n'a finalement pas si vieilli que ça.
totoro IP:194.206.254.8 Invité
Posté le: 27/05/2013 à 14h23 - (29423)
Je l'aime bien ce disque! J'ai découvert Skid Row par hasard, en me rendant en 1995 chez le disquaire Master Of Rock situé métro La Fourche à Paris. J'étais à fond dans Megadeth à l'époque et j'avais demandé au vendeur un truc dans le genre; il me sort donc ce Subhuman Race, qui m'avait plutôt bien latté à l'époque (même si le rapprochement avec Megadeth m'a toujours paru un peu cryptique...), et que j'apprécie toujours autant aujourd'hui. Effectivement, il s'agit d'un album assez méchant (Bonehead!) mais bien chargé avec ce qui me plaît le plus chez Skid Row: la Power ballad! Et là entre mon morceau préféré "Eileen" et "Breakin'down" (pas vraiment power pour le coup, mais bon...), mon côté fleur bleue est juste ravi!!! J'ai découvert le reste de la disco des Skids plus tard, et son sommet reste évidemment Slave To The Grind, mais Subhuman Race s'inscrit parfaitement dans la continuité stylistique et qualitative des précédents disques! Et pour rebondir sue le com' de quelqu'un ci-dessus, il est vrai que Thickskin est plutôt chouette, dans une continuité de Subhuman Race...mais sans Bach, donc moins bon quand même! Quest-ce je ne donnerais pas pour des concerts de reformation avec le line-up de la grande époque! Très bonne chro Forlorn...comme d'habitude!:)
lébronzéfonduskidro IP:57.86.133.98 Invité
Posté le: 27/05/2013 à 15h31 - (29424)
très déçu aussi de cet album à sa sortie
mais faudrait que je réécoute, en hommage à cette chouette kro !
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Le gang du New Jersey semblait reproduire le schéma des Guns, dont le break prolongé dégénéra en interminables et rocambolesques querelles internes.
Face à l'avalanche de points communs entre les 2 formations, la comparaison est d'ailleurs inévitable: un 1er album cassant la baraque en 1989, un succès fulgurant, une énorme activité scénique, des guitaristes complémentaires, un bassiste punk influent, un chanteur charismatique et grande gueule abonné aux scandales et autres faits divers.... sans oublier la participation des membres de Skid Row aux premiers albums solo des Gunners (voir mes kro de Duff et Gilby Clarke). Pire, depuis le phénoménal Slave to the Grind, sorti 4 ans plus tôt, notre scène a connu de profonds bouleversements. Que Skid Row ait assez de ressources pour pondre ce Subhuman Race relevait déjà de la performance, et beaucoup doutaient de leur capacité à se sublimer, à renverser la vapeur.
En effet, comme si donner suite à 2 classiques du hard n'était déjà pas assez, les Américains devaient prouver leurs capacités d'adaptation, tenter de se débarrasser de cette étiquette 'post-glam 80s' pour montrer que Skid Row se conjuguait bel et bien au présent.
Mais avant d'apporter une réponse, petit rappel bio. Voisin d'un certain Jon Bongiovi, le guitariste Dave 'Snake' Sabo fait brièvement parti du line-up originel de Bon Jovi en 1983. Mais sa place n'est pas là. Sa rencontre avec le bassiste Rachel Bolan débouche sur la création de Skid Row en 1986. Le guitariste Scotti Hill, le batteur Rob Affuso et surtout le fantastique chanteur canadien Sebastian Bach complètent le groupe quelques mois plus tard. Vous connaissez la suite. Non? Alors Sebastian Bach vous résume la chose: "Nous avions sorti 2 albums en moins de
2 ans, 10 millions s'en étaient vendus, on avait tourné comme des fous. Nous avons ressenti le besoin de nous replier sur nous-mêmes, pour savoir si notre... instinct musical était toujours le bon. Il est clair aussi que les 22 mois de la tournée Slave to the Grind nous avaient lessivés, mentalement et physiquement. Nous avons eu besoin d'un certain temps, plus long que prévu, pour nous remettre en selle." (n°14 de mai 1995 de Hard n' Heavy)
A cela il faut rajouter 2 choses. Dans l'intervalle, la discographie de Skid Row s'est enrichie d'un EP de reprises en 1992 (B-Side Ourselves) et de 2 VHS parues en 1993, Roadkill (présentant la vie du groupe en tournée) et
No F*cking Frills (compilant leurs clips). Le dernier point, vous le sentez venir, il s'agit des embrouilles.
Bien mérité, ce break leur permet de recharger les batteries, de profiter d'une vie de famille jusqu'ici négligée.
Le premier à en mesurer les bienfaits n'est autre que le jeune chien fou de la bande, Sebastian Bach, qui met un frein à la picole, aux megateufs et reprend des cours de chant. Mais sa raison d'être étant la scène, il ne tarde pas à harceler le guitariste Dave 'Snake' Sabo pour qu'il réactive le groupe, obtenant la réaction inverse. Ce genre de cercle vicieux on l'a tous connu, notamment en couple (le mec veut baiser, la nana non, ça devient une obsession, etc). La faute à personne, c'est le genre d'aléa qui fait parti de la vie. Sebastian Bach se résout à évacuer son trop plein d'énergie sur scène avec Rob Halford et amorce un projet avec Mickael Monroe (Hanoi Rocks) qui n'aboutit pas pour raisons contractuelles. Mais heureusement, les tensions s'apaisent et Skid Row se remet au boulot.
C'est maintenant l'heure de répondre aux interrogations initiales: Subhuman Race est-il digne de ses illustres prédécesseurs? Ce 3ème album est-il à la page ou l'oeuvre d'un groupe resté bloqué dans le passé?
Les premières mesures de My Enemy (1er single de l'album) permettent de lever tous doutes. Skid Row n'est pas là pour faire de la figuration ou jouer la carte de la nostalgie. Pour l'anecdote je dois toujours avoir sur VHS la pub de Subhuman Race (diffusée sur M6 oui, oui). Le Skid Row de 1995 sonne plus HEAVY et surtout plus GROOVY que jamais, aidé en cela par une énorme production signée Bob Rock (le Black Album de Metallica). Ce 3ème opus est un bloc compact, homogène et couillu qui fait plaisir à entendre. Pour la première fois dans l'histoire de Skid Row, le processus de composition relève d'un effort collégial. Outre Sebastian Bach et le batteur Rob Affuso, on note que le guitariste Scotti Hill a coécrit la moitié des titres. Au rayon des innovations, Sebastian Bach dévoile un registre nettement plus étendu que par le passé, avec plus de nuances et de caractère (Beat Yourself Blind). Définitivement l'un des meilleurs chanteurs de la planète hard. La basse de Rachel Bolan n'avait jamais eu autant d'espace pour s'exprimer (Firesign ou Frozen pour la finesse, Iron Will pour l'énergie). Rob Affuso, le batteur amateur de rythm n' blues, s'adapte en conséquence et envoie du lourd (l'énervé Subhuman Race). Quant à la paire Snake/Hill, elle nous offre un festival de riffs surpuissants agrémentés de soli et d'arrangements discrets mais bien présents (l'excellent Remains to Be Seen).
L'intensité de ce 3ème album plaide en sa faveur, mais il est permis de le trouver un chouïa trop long (13 titres pour 53 minutes de musique). A mon sens le morceau éponyme n'apporte pas grand chose, et Iron Will, de surcroit mal placé en bout de course, me semble de trop. Un bémol qui n'enlève rien au mérite de Skid Row qui a su évoluer comme il le fallait. Plus riche qu'il n'y parait et un peu moins accessible que ses prédécesseurs, Subhuman Race révèle un groupe inspiré n'hésitant pas à repousser ses limites, l'agressivité de Bonehead (la décharge punk metal) côtoyant les mélodies de la power ballade Breakin' Down (single servant de générique au film Prophecy avec Christopher Walken) en passant par un clin d'oeil à la génération grunge avec Eileen (aux faux airs 'Nirvano-Alicinchainesque'). Alors certes Subhuman Race s'est moins bien vendu que les précédents, mais on ne peut imputer ce déclin relatif au groupe, car fidèles à eux-même les Américains ont mis toutes leurs tripes dans la balance. Vous en doutez? Essayez de résister au superbe Into Another ou à l'imparable Medecine Jar (énergie, groove, de purs soli) ... on pourrait en citer d'autres, la qualité est là. Quant à la scène, on se souviendra que Skid Row était placé plus haut que Slayer à l'affiche de l'édition 96 de Donington (avec une programmation signée Metallica), ou encore de leur inaltérable succès au Japon.
On peut nourrir des regrets quand on connait les raisons de l'éviction de Sebastian Bach fin 1996. KISS avait offert à Skid Row l'ouverture de leur tournée et Sebastian Bach énorme fan du groupe était le plus heureux des hommes. Mais peu emballé par la chose, le bassiste Rachel Bolan fit barrage (avant d'accepter une offre similaire quelques années plus tard). L'histoire se répétait une dernière fois, Sebastian Bach quittant définitivement le navire. Il formera un supergroupe éphémère, The Last Hard Men, en compagnie de membres de Frogs, Breeders et Smashing Pumpkins, avant de se consacrer à une carrière solo partagée entre comédies musicales à Broadway et formation rock sous son propre nom. Du côté de ses ex-comparses, Rachel Bolan s'investit dans son projet punk, Prunella Scales en compagnie du batteur Phil Varone (Saigon Kick). En 1998 Skid Row tente brièvement de se relancer avec un autre vocaliste sous le nom d'Ozone Monday. L'échec de cette tentative leur coûte le batteur Rob Affuso. Après? Il n'y a pas d'après...
Rédigé par : forlorn | 1995 | Nb de lectures : 2181