Heureux sont les groupes qui ne vivent pas de leur musique. Pas de stress, ni d’obligation de calendrier à suivre concernant les sorties d’albums et les tournées. Non, juste la satisfaction d’être libre, et le plaisir de prendre 5 longues années pour pondre les 15 petites minutes de ce nouvel Ep. On module son style aussi, en délaissant le sludge stonerisé pour des sonorités au tempo plus rapide. On quitte un bon label pour aller chez le petit poucet, celui qui n’est pas capable de sortir physiquement ton skeud. Bref, Zozobra évolue en toute décontraction pour nous offrir ce Savage Masters.

Abrasifs, véloces et très courts, ces 6 titres n’ont que peu de ressemblance avec ce qu’ils nous offraient autrefois. Les ricains choisissent l’urgence, probablement pour favoriser la débauche d’énergie et accentuer ce rendu punchy. La férocité et la furie de ces nouveaux morceaux surprennent. Etre concis semble aussi être le leitmotiv d’aujourd’hui puisqu’en maximum 3 minutes par titre, tout est dit. Les gimmicks propre au sud des Etats-Unis sont toujours de mise, qu’ils soient stoner ou sludge, mais le trio post-hardcorise davantage son propos, un poil trop serais-je tenté de dire. L’aridité du Nouveau Mexique transpire constamment à travers ce court quart d’heure de musique, mais l’on ne retrouvera ni le côté bancal, inachevé mais extrêmement charmant d’Harmonic Tremors, ni le recueil de tubes qu’est Bird of Prey. Rares sont les formations qui marquent une scène avec un Ep, en voici un nouvel exemple. Un petit côté bas du front qu’un Lair of the Minotaur ne renierait pas noircit quelque peu le tableau, renforcé par ce désagréable sentiment de n’avoir trois fois rien entre les mains, viennent frustrer l’écoute de ces faméliques 15 minutes. Zozobra donne aussi l’impression qu’ils n’ont pas envie qu’on les écoute, puisque se procurer cette galette est un vrai casse-tête, soit par vinyl et uniquement sur commande, soit par téléchargement payant. Dommage, l’artwork de Glyn Smyth (Unearthly Trance, Wolves in the Throne Room, Cough) est de qualité (ou plutôt il correspond à mes gouts) et donne envie de l’avoir entre les mains. Quant à la prod’, elle n’assomme pas l’auditeur, mais sa forte connotation live respecte la nouvelle teneur des compos.

Le très bon riffing te rappelle cependant pourquoi tu aimes Zozobra. La patte du trio est toujours présente, et mélange comme auparavant ce groove à ces sonorités sludgy. Mais la proportion de post-hardcore a accru depuis. Chaque membre ayant déjà la liberté de s’exprimer musicalement ailleurs, Zozobra leur donne tout le loisir de faire exactement ce qui leur chante. Le résultat est Savage Masters, bourré d’énergie, taillé pour la scène, et correcte, à défaut d’être indispensable. C’est aussi leur effort le plus virulent et direct à ce jour. Aucune de leurs sorties ne se ressemble, et c’est tout à leur honneur.

Avec la très grande affection que j’ai pour leurs 2 premiers opus, je rêvais d’autre chose, et c’est surement le frein qui m’empêche de complètement m’extasier. Mais ne boudons pas Caleb Scofield et ses 2 comparses, qui offrent un Ep certes trop court, mais rageur et incisif. Et dépêchez-vous de lire cette chronique, il serait embarrassant qu’il faille plus de temps pour la lire que pour l’écoute de l’Ep en lui-même.


Rédigé par : Bras Cassé | 7/10 | Nb de lectures : 12344