Mike Scheidt est chanceux. Du haut de son mètre 70, tignasse composée de crin de cheval, agrémenté de tatouages baveux, petit bidon entouré d’une veste sans manche en cuir, il a tout de même le plaisir de caresser les fesses de la jolie Stevie Floyd (Dark Castle) avant d’éteindre la lumière pour aller au lit. Si cette demoiselle lui porte un intérêt, c’est sûrement car Mike est un artiste, doté d’un doigté de guitare jouissif. Cet instrument qu’il fait évoluer vers des sonorités légèrement stoner, plutôt heavy et bien sûr complètement doom, le tout dans un enrobage (autrefois) psychédélique, confère à Yob un réel intérêt métallistique.

Depuis 1996, Yob compose de vrais morceaux de bravoure, qui te font vivre l’espace sonore avec aplomb grâce à la lourdeur éléphantesque de leurs riffs. Le groupe d’autrefois n’est plus, celui d’aujourd’hui avait pourtant fière allure avec "The Great Cessation", excellent, qui a permis aux Ricains de se remettre en selle après le court split de 2005. "Atma" se confond dans la même ambiance que son prédécesseur, mais ne l’égale malheureusement pas, pour sûr. Tout y est pourtant, et le petit livre du bon doomster a bien été suivi, mais le chemin est moins aventureux, sans nouveauté à l’horizon. Surprise, Où es-tu? Voici la première question qui m’est venue à l’esprit. Scheidt respecte les codes de sa musique, de l’empreinte qu’il a laissée avec ses précédentes réalisations mais ce nouveau disque s’auto-parodie presque. Le manque de prise de risque déçoit un peu.

Lourdeur et puissance. Comme chaque album de ce trio, il faut se laisser du temps pour s’immerger totalement dans l’atmosphère sombre et répétitive, tout simplement doom. Grosse guitare aux riffs posés et grisants, et voix trafiquée à l’extrême, nappent l’espace. Les sonorités psychédéliques d’autrefois avaient laissé place à ce côté sombre, grandement développé sur "The Great Cessation". Cette face psychédélique justement de la musique yobienne s’atténue, voire s’efface, à l’image du précédent. Mais Yob respire le doom et est toujours un modèle du genre. Le groupe n’innove pas et recycle ce qu’il maîtrise, mais toujours avec cette classe dans ce riffing si caractéristique. La tête pensante du combo sait faire tourner un riff forcément cyclique sans créer d’indigestion. Toujours quelques notes cristallines, faites de mélodies mélancoliques à s’en émouvoir lors de chansons longues comme le bras (cassé), ça va de soi. Ecoute "Adrift in the ocean", qui clôt l’album, pour t’en convaincre.
Un petit mot sur l’apparition de Scott Kelly ? Je la trouve inutile et trop importante, la star s’autorisant une plage horaire de qualité (5 minutes sur le 3ème titre) qui rompt l’homogénéité de cette sixième galette. La rareté d’une chose lui donne de la valeur, et Kelly ne semble pas appliquer cette remarque à ses apparitions. A force de le voir partout, sa présence n’en a plus rien d’exceptionnelle. Titre "Before we dreamt of two", totalement Neurosisien qui fait tache avec le reste de l’album tant Mike fait office de guest et Kelly de chanteur officiel.

Opus sans surprise qui n’apporte rien de nouveau à leur discographie. Hors contexte discographique, "Atma" est trippant. Remis dans la suite chronologique des sorties du trio de l'Oregon, c’est un des moins marquants de leur parcours. Mike se laisse aller sans contredire sa démarche initiale, mais ne renouvelle plus la scène comme il avait pu le faire par le passé. Est-ce donc décevant ou toujours captivant ? Un peu des deux, tout dépend de votre connaissance de leur univers. Mais quoi qu’il en soit, Yob reste un grand Monsieur de la scène doom, et sa musique hypnotique invite toujours au voyage.




Rédigé par : Bras Cassé | 13.5/20 | Nb de lectures : 14824