Ce mois-ci, j'ai testé pour vous... le post-hardcore/sludge/ambient-metal (à tes souhaits!). Je me suis improvisé chroniqueur dans ce style vu la pénurie actuelle au sein de la rédaction et j'espère donc ne pas trop raconter d'âneries. Je ne connaissais Year Of No Light ni d'Eve ni d'Adam, ainsi m'a-t-il fallu faire quelques recherches pour arriver à pondre une intro: ce groupe bordelais s'est monté dès 2001 mais a dû attendre 2004 avant d'enregistrer sa première démo et tourner un peu plus intensivement dans le sud de l'Hexagone. Il faut reconnaître le manque de buzz autour d'eux alors que le genre post-hardcore se porte très bien un peu partout, mais si vous voulez mes 2 centimes d'avis, cela va changer très vite. Et voici pourquoi.

Tonton n'était apparemment pas trop réceptif au concept du groupe lors d'une date de Year Of No Light en première partie de Mumakil et Blockheads. Je comprends mieux pourquoi, puisque plus surprenant encore qu'un ancêtre à sonotone assistant à un concert de groupes grind furieux, un groupe de post-hardcore qui ouvre pour eux! Les accros aux blasts ont dû halluciner. En effet, le mot d'ordre du quintette est 'zeeeeeen, on a le temps de vous pilonner la tête, on y va lentement mais sûrement, pas comme certains barges nancéens'. Et le pire dans tout ça, c'est qu'ils réussissent très bien à nous la retourner, la tête! Le lièvre et la tortue, quoi...
Trêve d'ellipses foireuses, le combo exerce bien un métal incroyablement planant, presque exclusivement instrumental, une musique qui s'inscrit dans la mouvance initiée par Neurosis et prolongée par Isis un peu plus tard, avec quelques inspirations doom (euuuuh My Dying Bride, c'en est ?) voire drone (Earth et compagnie). J'y trouve même un ptit goût de pomme, euh de sludge Buzzoven-esque, à ce groupe. Le truc que j'avais pas percuté quand j'ai accepté de faire cette chro, c'est que ça prend un temps incroyable d'assimiler l'album: les morceaux font 6 minutes en moyenne, soit la moitié d'un album de grind ou de fastcore complet! Seulement, cela valait le coup de s'investir, le groupe utilisant ces 6 minutes intelligemment. Il n'y a pas moyen de s'ennuyer une seule seconde, sous réserve d'être un tantinet réceptif aux ambiances et aux émotions transmises, bien entendu (je ne vise aucun possesseur de pacemaker, yek yek yek).
La musique navigue parmi plusieurs eaux, principalement dans celles d'Isis sur des titres comme 'Tu as fait de moi un homme meilleur', 'Prosodia' ou 'Somnambule', tous trois particulièrement réussis et ne souffrant aucunement de la comparaison avec leurs modèles! 'L'angoisse du veilleur de nuit' ou 'Par Economie' se situent dans une veine plus Neurosienne, c'est-à-dire plus noisy, frénétique et confuse mais largement aussi maîtrisée et tout aussi jouissive. Les pistes instrumentales que sont 'Librium' et 'L'oeil dans l'oeil' explorent elles des contrées plus électroniques, au point qu'on les verrait très bien figurer sur la BO de Shining ou d'un thriller quelconque, tant l'ambiance instaurée est oppressante. Les morceaux restants constituent la veine plus doom/drone de l'album et m'auront, en fait, moins emballé que les pistes sus-citées, sans pour autant dire qu'ils soient 'mauvais' non plus. Du point de vue technique, il n'y a pas grand chose à dire, les musiciens paraissent maîtriser leurs instruments et sont tout sauf démonstratifs, ce qui est logique vu le style pratiqué. Les quelques parties 'râlées' sur certains passages m'ont paru par contre anecdotiques tant les émotions demeurent majoritairement véhiculées par les instruments. De la tristesse absolue de 'Somnambule' à la quiétude extrême de 'Sélénite' en passant par la rage explosive de "L'angoisse...", les ambiances inquiétantes si ce n'est angoissantes de 'L'oeil' et de 'La Bouche', le spectre entier des sensations 'négatives' est ici balayé avec un brio certain. Et c'est en cela qu'on juge la qualité intrinsèque d'un album de post-hardcore, de doom ou d'ambient-metal-grind-musette. Nord vous plonge dans des atmosphères diverses et prenantes avec la maestria de vieux briscards, c'est en effet vertigineux de se dire qu'il s'agit là de la première véritable oeuvre des Bordelais! On pourrait bien évidemment émettre quelques réserves, certaines inhérentes au style, comme la très grande répétitivité des riffs, la sensation de 'déjà-entendu ailleurs', l'abus de cymbales ou l'impossibilité relative de se réécouter l'album plusieurs fois d'affilée. D'autres sont propres à l'album, comme la trop grande ressemblance entre 'Sélénite' et 'Traversée', un 'Prosodia' et un 'Librium' faisant un peu 'remplissage'... Tout ceci reste finalement bien mince comparé à la qualité globale de compositions, à la production parfaite et tout simplement au plaisir que procure l'écoute de Nord !

Year Of No Light frappe fort avec Nord (j'adore! ok ok, je sors...) et se place directement dans les groupes majeurs du style en Europe aux côtés de Cult Of Luna, Taint ou Capricorns, rien de moins. Si vous recherchez une musique qui vous transporte loin, vous fait passer par différents états et vous redépose comme si de rien n'était alors que vous n'êtes déjà plus le même, cet album est fait pour vous. Gageons que lors de leurs prochaines tournées, les Bordelais n'ouvrent plus pour des groupes de grind et jouent devant un public acquis à leur cause.


Rédigé par : Candiria-Thon | 15/20 | Nb de lectures : 13510