Alors que « Samsara » leur deuxième album avait soulevé des débats passionnés mais quasi unanimes, saluant ce regard visionnaire et l’intérêt de la démarche atypique de YAKUZA, « les patrons du crime » de Chicago reviennent déjà à la charge un an plus tard avec un troisième album qui annonce la couleur dès son titre « Transmutations » ; une manière explicite d’indiquer à ses potentiels fans que le voyage ne s’est pas terminé avec « Samsara ».

En effet, « Transmutations » est une nouvelle occasion de s’immerger dans l’expérience YAKUZA, dans son trip initiatique, dans les tourments de sa musique chamarrée pour une heure définitivement particulière. Certes YAKUZA aurait pu accoucher d’un « Samsara2 » sans qu’on trouve quoi que se soit à y redire. Il est même probable qu’une resucée du filon déjà exploité aurait soulevé un nouveau plébiscite aussi bien chez les médias que chez les fans récemment conquis. Cela aurait été bien mal connaître le quatuor tordu de YAKUZA visiblement décidé à brouiller les pistes avec des albums qui se suivent mais ne se ressemblent pas. Même si on dénote immédiatement que les Américains ont gardé ce goût singulier pour les pochettes résolument anticommerciales sans titre, sans nom, sans mise en avant un visuel accrocheur ; juste une figure géométrique et un livret dépliable livrant une sorte de mandala désarmant de sobriété.

Bien entendu, « Transmutations » ne tranche pas aussi radicalement avec « Samsara » comme précédemment. YAKUZA a conservé cette démarche progressive tirant aussi facilement sur des passages violents que sur des interludes aériens purement ambiants irrésistiblement envoûtants où viennent se poser les litanies saxophoniques de leur chanteur. Car oui, le saxophone est toujours de la partie dans ce nouvel album même si son utilisation se veut nettement plus distillée, plus intégrée à la musique qu’elle ne l’était précédemment. Le panel vocal de Bruce Lamont est toujours aussi vaste. Tour à tour suave, agressif, rauque, hystérique ou tout simplement clair, la performance du chanteur est spectaculaire sans qu’elle n’empiète sur les véritables vedettes de ce disque que sont les instruments. YAKUZA a conservé également quelques réminiscences de ses incartades grind, death ou hardcore. Pourtant, « Transmutations » tend vers une musique peut-être moins fréquemment véloce sans toutefois renoncer à ce goût des contrastes. Flirtant toujours avec aisance entre les genres suscités mais également le jazz, le psychédélisme « floydien », l’ambiant, le noisy, les thèmes hypnotiques presque new age et un côté tribal plus nettement marqué sur quelques titres, YAKUZA traverse à multiples reprises, et avec une facilité déconcertante, la frontière confuse qui sépare les horizons familiers et les territoires inconnus de l’expérimentation.

Plus mystique dans sa progression, plus spirituel, plus étrange et plus fascinant, « Transmutations » ne fait pas plus partie de ces albums faciles à capter que ne l’était son prédécesseur. Cette nouvelle galette très originale retrace une sorte de périple fascinant conjuguant quelques îlots de simplicités au milieu de méandres complexes et implicitement méditatives. Au passage, il faut souligner le travail de James Staffel sur les rythmiques, stupéfiant par son dosage toujours finement calculé.

On saluera également la production signée par le multi instrumentiste Sanford Parker (RWAKE, PELICAN, MINSK) qui alterne les plaisirs en reléguant parfois en arrière-plan ce fameux saxophone si entreprenant un an plus tôt ou des trames de chant anecdotiques. Certes la rugosité du son des guitares ou les sonorités plutôt mates de la batterie en rebuteront peut-être certains

Est-il nécessaire d’écrire un article long comme l’avant-bras pour vous donner envie de jeter une oreille, à défaut des deux, sur ce disque assez particulier. A vrai dire, les mots d’une quelconque chronique, aussi détaillée soit-elle, ne sauraient rendre justice au travail incroyablement fouillé de YAKUZA. L’effet prodigué par « Samsara » ne trouvera peut-être pas le même écho pour « Transmutations » de la part des admirateurs mais cette galette devrait indéniablement figurer en bonne place dans le top 10 des albums marquants de 2007.
A écouter de toute urgence…

Pour info le groupe a enregistré ces derniers jours une reprise de PINK FLOYD « Lucifer Sam », toujours avec Sanford Parker. Un hommage qui devrait figurer sur un tribute album dédié à Syd Barrett et qui sortira vraisemblablement chez Dwell records.


Rédigé par : Tonton | 17/20 | Nb de lectures : 11545