WOODS OF BELIAL - Deimos XIII (Firebox Records/Adipocere) - 16/04/2004 @ 15h07
Suicide Doom… Voilà bien une combinaison de mots dans l’air du temps. Il ne s’agit plus de stupéfier en provoquant la capacité d’imagination, ni même de transporter en ranimant des ponts spirituels avec un lieu, une situation, un cadre de réflexion. Il s’agit, de façon aussi crue et désespérément pragmatique que possible, de saigner l’artère de la fantaisie pour installer l’auditeur devant la plate évidence la plus ignoble, la plus crainte et la plus inéluctable qui soit : la contingence du tombeau. C’est une excroissance logique de la mutation des styles et non un simple phénomène d’époque qui voit aujourd’hui la multiplication de groupes qui, sous couvert d’apologie plus ou moins réclamée du suicide, du néant et d’autres concepts définitifs, se complaisent à produire du dégoût à la chaîne, en pervertissant l’essence de leurs instruments, en érigeant l’immobile et la négation en valeurs, en déclinant toute invitation à rejoindre le camp des défenseurs de la mélodie, en excluant de leur conversation l’immense majorité des personnes qui, on peut les comprendre, sont réfractaires à l’idée de s’infliger une heure durant les certitudes auto-destructrices d’autrui. Forgotten Tomb, Abyssic Hate, Ondskapt, Shining, Unearthly Trance… Dans cette famille encore restreinte et un peu éparpillée dans des styles de rattachement divers – on peut en discuter bien sûr – Woods of Belial fait avant tout figure de groupe réservé à ceux qui n’en ont jamais assez. Forts d’une identité sonore marquée qui ne permet pas longtemps le doute quant à la ligne directrice générale (guitares lestées de plomb, percussions spongieuses, mix général solidaire dans l’asphyxie…) ils auront sur cet album le désavantage de ne jamais vraiment extirper leur jeu de constructions bien trop étroites pour pouvoir prétendre susciter chez l’auditeur en repérages la réaction qui pousse à enclencher le cerveau sur le mode « écoute approfondie ». Le groupe se contente trop fréquemment de dupliquer des chaînes d’accords minimaux en se reposant sur du binaire anodin en toile de fond, avec pour conséquence que la partition offre peu de prises de contact, d’instants clés où la surface s’ouvre et où il est possible de plonger la tête dans ce gouffre béant qu’on s’échine à vouloir nous dépeindre. Peut-être que ce marasme technique est justement délibéré, peut-être que c’est là toute la finalité d’une épreuve concoctée pour les tympans les plus stoïques. Allez savoir pourquoi, je me représente plein de façons moins arides et moins décourageantes d’illustrer efficacement le panel des évocations extrêmes dont il est question, et qui ne passent d’ailleurs pas forcément par une musicalité accrue, mais tout au moins par une certaine témérité dans la défense d’idées dont les germes n’ont pas été récoltés à droite, à gauche et rafistolés sans dessein propre en un modèle de platitude. En tout cas, éparpiller à tort et à travers quelques grappes de hurlements possédés tous plus ou moins jumeaux sur un assemblage informe de décalquages et de banalités ne fait pas partie des concepts retenus. Jugement sévère peut-être, mais fidèle expression d’une pénible insensibilité à cet album pourtant affranchi de vices de fabrication criants. En résumé, Woods of Belial s’embarrassent rarement d’additifs et de bretelles. Au lieu de jongler avec A, B et C, ils s’évertuent (s’entêtent ?) à rendre A aussi dense et uni que possible. Où conduira cette via dolorosa à l’avenir ? On ne risque pas sa chemise à parier qu’il s’agira, dans une logique de surenchère, de s’enfoncer toujours plus profondément dans les entrailles de la démence, de dompter les incandescences pour rendre les aspérités plus torses, les dangers plus sournois, et le noir plus poisseux. Et ce sera peut-être l’épitaphe d’un groupe dont les meilleurs arguments ressortent justement dans les trop chétifs passages à contre-emploi d’un « The 13th Horror », seule carte de visible véritablement viable, où les battements de cœur de la musique s’emballent dans un éveil spontané souligné de synthés aussi économes que décents – merci à eux, même s’ils ne sont, là encore, que le miroir un peu passé de choses vues et revues depuis que le doom est doom (orgue d’église entre autres…). Sans aller jusqu’à plaider la conversion généralisée de Woods of Belial au mid-tempo et à l’atmosphérique, on pourrait aisément supporter de les voir proposer davantage de ces intervalles de lumière, fut-elle gangrenée, plutôt que de laisser obstinément s’étioler des projets anti-harmoniques livides (« Pervertum II ») ou des dérives à rallonge sans grand relief (« Desolate »). Pour l’heure, les Finlandais au logo prémonitoirement à moitié effacé ont le postérieur coinçé entre deux chaises trop hautes pour leurs courtes jambes : la première se nomme Void of Silence et représente le nec plus ultra dans la maîtrise d’ambiances apocalyptiques et suffocantes à mi-chemin entre le doom organique et l’enfer des paysages synthétiques, la seconde n’est autre que Bethlehem qui, avec l’infâme « Dictius Te Necare », ont plus ou moins installé cette fameuse notion de Suicide Doom et qui, en terme d’extrémisme et de degré d’écœurement, n’ont vraiment aucun souci à se faire pour la sauvegarde de leur trône.


Rédigé par : Uriel | 07/20 | Nb de lectures : 7810




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Commentaire
Ocean
Invité
Posté le: 19/04/2004 à 11h05 - (8270)
Ptain Uriel, même pour un disque que tu n'aimes pas tu écris un roman ! :D
Tu as la plume facile lol !

Another-Perfect-Circle
Membre enregistré
Posté le: 03/07/2006 à 15h13 - (30384)
Très belle chro!!!
Aussi incompréhensible et tordu qu'un essai philosophique ..... Bref

Moi j'aime beaucoup ces napes atmos et ces lourdes guitares, je ne peux pas remettre en cause l'originalité, je découvre ça 2 ans après la sortie, mais c'est prenant !!
J'aurais mis 15, uhu

schrissse de nice
Invité
Posté le: 21/09/2006 à 01h37 - (33414)
y a eu une kro bien space dans hard n heavy, ca promet ce truk... faut que jécoute ca, ca a l'air completement zarb d'apres les deux kro....

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