Dark Rabbit
Aussi étrange que cela puisse paraître et ce malgré mon amour parfois immodéré pour ce Post-Black made in US qui a le don de provoquer des réactions nauséeuses chez mon très cher Prince, je n’ai jamais pensé que WITTR avait pour l’instant sorti un album que l’on peut classer dans les incontournables. Pis, je ne les associe pas vraiment à ce Black transgénique car en dépit de cette appropriation de l’héritage laissé par NEUROSIS, j’entends encore l’influence respectueuse de la Norvège des années 90. Ce qui est loin d’être l’apanage de leurs voisins. La grande qualité du combo est de peindre chacune de leur sortie d’une nouvelle couleur apportant un éclairage nouveau sur leur univers panthéiste.

Après un Black Cascade arborant les guenilles d’une nature dépressive et mélancolique, notre duo nous convie à un rituel chamanique d’une grande solennité. Nous avons le sentiment de suivre une lente procession funéraire progressant à travers une forêt enneigée. Le caractère religieux se voit personnifier par exemple par ce chœur féminin venant sur le bien nommé Cathedral Woodland. Un sentiment de recueillement vient s’abattre sur nos épaules me rappelant d’une manière diffuse l’atmosphère que dégageait certains titres de DEAD CAN DANCE (je sais, certains vont encore dire que j’abuse de la fée verte !). Par ailleurs, WITTR ne s’est jamais montré aussi lent et hypnotique comme sur le très long et sublime final Prayer of Transformation. Un titre à la fois lourd et éthéré qui vous enveloppe dans un linceul mortuaire. Le genre de titre que je peux écouter des heures durant sans éprouver un semblant de lassitude !

Par ailleurs, lors des explosions de violence, nos deux chamans renouent à ma grande joie avec les riffs épiques et héroïques de leur premier méfait. Nous voilà subitement galvanisés par le souffle fougueux qui nous incite à bomber le torse et à marcher fièrement un étendard à la main. De surcroît, ces instants de bravoure sont suffisamment poignants pour vous fouetter l’épiderme à l’instar des branches mortes de cette forêt hivernale.

A la fin de ce rituel ancestral et ce malgré de premières écoutes dubitatives, il m’est apparu que ce nouvel album de nos duettistes était sûrement le plus abouti de leur discographie. Ils ont vraiment réussi à gérer l’alternance entre les accès de colère et les passages complètement atmosphériques. De même, la mise à l’honneur du clavier inaugurée sur Black Cascade se fond dorénavant bien plus majestueusement dans leur univers. Là où j’entendais une sorte de décalage parfois saugrenu sur le précédent, j’y vois maintenant de grandes orgues m’invitant à communier lors de cette messe en l’honneur de cette nature divine.

Un album envoûtant !

16,5/20

Seb On Fire
Les blackeux écolos à lunettes sont de retour, une paire d’années après un « Black Cascade » mitigé et qui avait laissé ses couilles au vestiaire. C’est donc avec un peu d’appréhension qu’on lance « Celestial Lineage » qui, disons le tout net, redresse joliment la barre. Et place cette dernière livrée aux côtés de « Two Hunters », l’incontournable du groupe. Le duo olympiens n’a jamais eu son pareil pour créer des ambiances absorbant tout entier qui daignera s’y plonger, ne lui arrachant la tête hors de l’eau au dernier moment, histoire de reprendre son souffle. C’est encore le cas ici avec un titre d’ouverture puissant, racé, majestueux, habité, éthéré, hanté, envouté, violent, atmosphérique, mélodieux, brutal, tranchant, mystique, mythique et luisant. J’aurais pu encore ajouter une dizaine, voire une centaine d’adjectifs du même type mais je pense qu’on a compris que ce morceau était la perle de l’album voire, de la discographie du groupe. Conviant la puissance originelle du black metal et les relents postcore d’un Neurosis dépressif avec toute la vigueur et l’imprévisibilité dont est friande Dame Nature. « Thuja Magus Imperium » vaut, à lui seul l’achat, ou du moins l’écoute de l’album, tellement il transcende la musique de WITTR. Si les frangins Weaver tiennent le cap tout du long, on tient là l’album terminal du style.

Frustration j’écris ton nom quand déboule, une des tares, LA tare, de ce disque et du groupe en général. Des titres « ambiant » made in « Nature&Découvertes » relous et inutiles qui auraient plus leur place dans une boutique post new-age des quartiers bobos des grandes capitales mondiales en manque d'écologie que sur un album de black metal, tout écolo soit-il. On "mord sur sa chique" comme on dit chez moi et on passe sur un bon « Subterranean Initiation » plus enlevé, presque symphonique par moments avec ces claviers grandiloquents et sa voix de gargouille marécageuse. On retrouve là toute la puissance évocatrice et apocalyptique du groupe. « Subterranean Initiation » illustre la partie la plus agressive de la fratrie, sans pour autant renier ambiances et atmosphères sylvestres. Encore un interlude relou qui déboule dans la foulée, de quoi perdre tout l’influx du revigorant titre précédent. C’est généralement à cet instant que je décroche et que je laisse mon esprit vagabonder, embrumé par ce chœur féminin, ces clochettes et ces bruits de nature. Le groupe cède à la facilité et nique la cohérence de l’ensemble. Il faut du temps pour entrer à nouveau dans « Celestial Lineage ». « Astral Blood » est du calibre du titre d’ouverture, ou presque mais le cœur n’y est plus, quelque chose s’est cassé, les deux dernier morceaux font office de joli baroud d’honneur, c’est beau, de qualité et plein de panache, mais c’est plus pareil. Pourtant « Prayers Of Transformation » est beau et puissant à en pleurer mais à ce moment-là, on est déjà sorti de l’univers du groupe qui, à force de trop vouloir montrer a perdu son pouvoir évocateur, il ne le retrouvera que le temps d’un titre, le dernier, histoire de clore en beauté une belle histoire mais malheureusement gâchée par une volonté d’évidence, de démonstration trop appuyée. Vous avez le droit d’aimer la pluie et les fées messieurs Weaver mais ne vous sentez surtout pas obligés de le montrer en samplant la pluie et des clochettes, vous êtes trop talentueux pour ça et par-là même vous gâchez une partie de la magie de « Celestial Lineage ». Trois titres totalement dispensables sur sept, c’est trop, beaucoup trop.

14/20


Rédigé par : Dark Rabbit / Seb On Fire | 15,25/20 | Nb de lectures : 14430