Devenu batteur de Krieg, Chris Grigg n'en a pas oublié son projet solo à lui. Auteur de sorties restées dans les tréfonds de l'UG, le multi-instrumentiste va franchir le pas du line-up complet pour se lancer sur les planches après la sortie de son premier opus A Spell for the Death of Man en 2008. C'est ainsi entouré de ses copains de Woods of Ypres (avec qui l'idylle a déjà cessé) qu'il s'attèle ensuite à la réalisation de son nouvel opus, cette fois avec un groupe pourvu à tous les postes. C'est ainsi que nait ce Quietly, Undramatically qui ne renie pas son affiliation à la scène gay américaine.

Faisons ici un arrêt sur chronique, le qualificatif "gay" ayant tendance à irriter dans sa virilité le metalleux, aussi pileux soit-il. Cette boutade vient désigner un black metal délivré de ses entraves européennes, un black qui vient s'acoquiner avec le punk, le post-rock ou tous les trucs en -core que mon côté "vieux continent" ne peut endurer plus de quelques instants sans penser à Marlène Jobert se lovant dans un pull rose lavé avec Woolite. Si "black gay" vous choque, lisez à la place black-core. L'idée en tout cas est là: on parle d'une musique qui conserve partiellement ou totalement des éléments sonores black metal mais qui emprunte aux styles sus-nommés. Le résultat n'est pas du black pur jus, même si cela en a l'allure de prime abord, et est très en vogue chez les Ricains depuis quelques temps. Du blackeux en T-shirt jaune qui sait s'excuser sur son blog, si vous préférez. Pour les exemples concrets, surveillez les écoutes de Seb on Fire qu'il qualifie de "black" sur le forum. Fin de la parenthèse.

Quietly, Undramatically donne donc dans ce black-core, empruntant majoritairement les voix hurlées et les blasts, habillant l'ensemble d'une production aussi roots que ronde. L'agressivité n'est pas le point culminant d'un opus qui virevolte entre blasts et arpèges, alternant entre moments virulents et pauses métaphysiques. L'expression du mal-être est fort bien rendue, donnant plus l'impression du junkie à la dérive que du hooligan belliqueux. Et c'est le brassage sans complexe qui permet à Woe de tenir la distance et d'offrir un album qui s'écoute avec attention, qui cache ses petites surprises à l'orée du break. Le tout est très bien emballé, avec une mise en place parfaite et un jeu vraiment très vivant qui fait dodeliner de la tête sévèrement dans les brûlots punkoïdes comme "Without Logic".

Peu client des productions du genre, je dois avouer que ce Quietly, Undramatically m'a bien surpris. Je ne dirai pas que j'ai plus envie que ça de le faire tourner, mais les écoutes ne sont jamais un moment désagréable. Les éléments non-black ont déjà été entendus ailleurs mais sont suffisamment bien fichus pour que je me laisse prendre en cachette (faut pas déconner, j'écoute pas "Full Circle" en public). Les parties plus black ne sont pas exceptionnelles non plus, mais livrent suffisamment leur volume de tripes pour que ça semble bien sincère. Et l'assemblage est suffisamment bien fait pour que Woe laisse palpiter sa personnalité, qu'on devine aisément d'une nature pas très optimiste. A mon avis, c'est de la bonne pour les amateurs de black-core! Mais je ne peux que le supposer, n'étant pas gay comme eux.




Rédigé par : Prince de Lu | 14,5/20 | Nb de lectures : 1345