Trio venu d’Angleterre, Witchsorrow a pris son temps pour sortir son premier album. En effet, le groupe est né en 2005, et cette première galette ne sort que cette année. Entre-temps, ils se sont fait les cordes sur une démo sortie de manière assez confidentielle, au format cassette, contenant une répétition et éditée à 100 exemplaires. Pour l’album, c’est Lee Dorrian et son fameux label Rise Above (Electric Wizard, Witchcraft, Orange Goblin, Grand Magus…) qui s’est chargé de la sortie. Vu le nom du groupe et du label, je pense que tout le monde se doute que les Rosbifs ne font pas de zouk, et qu’ils évoluent dans des sphères plus… lourdes.

Car oui, les trois Angliches font du doom, dans la plus pure tradition en plus. Ici, pas de romantico-doom pour dragouiller de la gotho-pouf, ou de doom mélodique à la finlandaise pour pleurer avec son nounours. Non, ici, on a affaire à du doom de poilu, de veste-à-patchu. Des mecs (et fille, qui s’occupe du gros manche) élevés au houblon et à Saint Vitus et Cathedral. Des mecs qui préfèrent passer des soirées avec du whiskey à écouter Reverend Bizarre (on en reparlera) qu’à siroter des cocktails dans les soirées goths sur des péniches. Car tout chez Witchsorrow respire le metal et le doom. De l’artwork de l’album (très réussi) aux photos promos, en passant par la musique, le trio a fait clairement parler sa passion plutôt qu’un appel à une mode quelconque.

Musicalement, le groupe évolue dans un doom lourdos fortement inspiré de Reverend Bizarre, avec quelques gouttes de Electric Wizard (pour le chant). Accordés plus bas que terre, et le gros instrument d’Emily Witch en avant, Witchsorrow fait clairement parler les basses et infra basses, pour tirer six pieds sous terre l’auditeur. Le son fait clairement la part belle à ces basses, et est juste assez sale pour garder un cachet underground pas désagréable. La guitare est d’ailleurs presque en retrait. Par exemple, le solo sur "Thou Art Cursed" est bien caché derrière le vrombissement de la basse et le martellement des fûts. Je disais plus tôt que Reverend Bizarre faisait partie des influences du groupe. Et le souci est que Witchsorrow a un peu de mal à digérer complètement ses influences. Certains morceaux et certains riffs ("The Trial of Elizabeth Clarke" et surtout "Thou Art Cursed", qui est soit un plagiat, soit un hommage vibrant au Révérend) semblent carrément venus des Finlandais. De même, le chant de Nekroskull (ouais, c’est la classe comme petit nom) est parfois très (très) emprunté à Jus Osborne, la réverb à outrance en moins.

Ce manque de citrate de bétaine dans les influences de Witchsorrow fait qu’on ressort de l’écoute avec un sentiment un peu mitigé. On se sent un peu floué par le groupe, qui, à certains moments, fait presque trop pâle copie de ses aînés. Et c’est assez injuste, car Witchsorrow a des atouts plutôt affutés, avec un sens du riff pachydermique assez rare aujourd’hui, surtout depuis la disparition du Reverend. Le groupe sait s’y prendre pour plomber une ambiance, entre des riffs pesants et un chant écorché. Le groupe sait même y faire avec des morceaux plus rapides, en témoigne la cavalcade sur "Gomorrah". Au final, les buveurs de Guiness nous proposent avec cet album éponyme un premier jet prometteur. Le groupe a prouvé qu’ils savent faire du bon doom, des morceaux de plus de 9-10 minutes sans susciter l’ennui, avec des riffs bien poilus et gras. Maintenant, à eux de digérer mieux leurs influences et de proposer un prochain album plus personnel. D’ici là, il faudra surveiller l’évolution lors des nombreux concerts du groupe, en Albion ou en Europe dans les divers festivals et dates doom.


Rédigé par : Kryde | 10,5/20 | Nb de lectures : 12883