WIGRID - Hoffnungstod (No Colours Records) - 01/07/2002 @ 18h00
Question fatale : le black metal doit-il nécessairement rendre triste et méchant ? Parce que si oui, il se peut bien que j'aie sauté un épisode. Lorsque j'écoute en effet un CD comme " Panzer Division Marduk " voire une chanson du type " Transilvanian Hunger ", il n'est pas rare que je finisse dans un état proche de la jubilation intérieure, sourire aux lèvres et sentiment momentané de douce invulnérabilité. Pas que cela me rende gai comme un pinson, mais indéniablement les séquelles " positives " de telles musiques sur ma personne ont davantage de poids que les " négatives ". L'album en présence, le premier du one-man-band allemand Wigrid, semble être l'une de ces œuvres qui exercent un effet à contre-emploi. Entièrement dédié à la noirceur et à la prostration dépressive d'un individu livré à ses peurs, ses désillusions et au fardeau de la solitude, " Hoffnungstod " agit en quelque sorte comme la catharsis qui galvanise et injecte la force morale parfois nécessaire à affronter certaines réalités. Burzum nous salue plus d'une fois à travers ces titres longs dont les piliers sont des obsessions diffuses ressassées à l'aide d'une guitare inébranlable au fil aussi tranchant qu'un cimeterre aiguisé à la meule. La musique avance avec cet alliage d'allure pachydermique et d'apesanteur nébuleuse caractéristique de cette forme de black metal appelant au survol recueilli de panoramas sombres et pourtant étourdissants de beauté, des forêts fantasmatiques à perte de vue, inondées de brume glaçante, dont on ne peut que s'imaginer le dessous humide et sauvage où le soleil ne percerait jamais. La réussite de ces pièces dans leur entreprise est totale, tant le climat glauque qui s'installe dès les premières guirlandes de riffs ankylosés est convaincant, tant les mélodies semblent défaitistes et dénuées d'espoir sous-jacent. Une saine monotonie s'installe sans problème et accompagne cette funeste exploration de bout en bout, à peine troublée par les cris plaintifs et lointains qui déchirent le ciel sans connivence apparente avec le flux des images musicales. Si l'écoute devient une pénitence quasi mystique, Wigrid n'en a pas pour autant négligé de réserver des paroxysmes rythmiques électrisants comme l'ouverture survoltée de " Schreie der Verzweiflung " ou le plus gros du titre final " Der Weg in ein anderes Dasein " qui nous plongent dans un scénario cauchemardesque, hostile et sans couleurs ; des chasses impitoyables aux dénouements cruels et aux ennemis invisibles, telles que (peut-être mieux que) ce que Darkthrone a su si bien orchestrer avec un naturel déconcertant, notamment sur " A Blaze in the Northern Sky ". Je ne parle pas de " renouveau " car pour moi l'esprit originel du black metal (ce que certains s'accaparent plus ou moins bassement sous la vignette " true ") ne s'est jamais éteint, même s'il vacille constamment sous les vilipendes, les abus et les intérprétations aléatoires. Néanmoins, j'affirme haut et fort que Wigrid figure parmi ceux qui aujourd'hui perpétuent avec foi et intelligence cette conception distinctive d'un metal extrême de nos jours jeté en pâture aux majors et à des " businessmen " qui placent la notion de produit et de potentiel de vente bien avant celles de liberté créatrice et de respect de l'artistique fondamental. Comme il me faut toutefois demeurer impartial jusqu'au bout, je me dois de révéler aussi les petits détails qui me chiffonnent un peu sur " Hoffnungstod ". En premier lieu le fait que la guitare hoquette parfois de façon trop machinale, surtout sur les passages bien lents (cf. " Hoffnungstod "). Ce n'est pas un problème de son mais plutôt de technique ou je ne sais trop quoi qui donne cette impression saccadée assez désagréable de corde grattée en boucle. Enfin le chant plus effarouché (je n'ose pas dire efféminé...) qu'écorché diffère légèrement de la représentation que je me fais du complément vocal idéal de ce genre de musique. " Hoffnungstod " échappe encore au génie pour ces choses et aussi pour ne pas encore savoir saisir les perches qui conféreraient aux morceaux un visage lugubre et mélancolique encore plus prononcé. Mais l'heure n'est pas au pinaillage, Wigrid devient avec cet album, au même titre que des groupes comme Abyssic Hate, Nargaroth, Iuvenes ou encore Shining, un soldat immanquable de la charnière la plus obscure de la scène black. Un coup de poignard dans le dos de l'été qui s'annonce.
Rédigé par : Uriel | 14.5/20 | Nb de lectures : 7062
J'aime beaucoup l'instru mais la voix a tendance a bizarement me taper sur le système et c'est bien dommage. Enfin bon, c'est encore un de ces vinyls que j'enrage de ne plus pouvoir ecouter depuis la mort de ma platine :-X
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Rédigé par : Uriel | 14.5/20 | Nb de lectures : 7062