WHEN - Pearl-Harvest (Jester Records/VME/Adipocere) - 20/01/2004 @ 11h09
Jester Records a toujours représenté une forme d’autorité morale en terme d’avant-garde, à plus forte raison depuis que les autodidactes Ulver, objets de culte comme de discorde, se sont réfugiés sous leur aile. La dernière ponte en date à la ferme Jester accouche d’un œuf à la géométrie improbable : When. Pas inconnus au bataillon, puisque déjà titulaires de plusieurs albums et d’un CV dont la première ligne remonte à une date du dernier millénaire à laquelle je portais encore des couches-culottes (ou pas loin), When viennent de confectionner un OVNI défiant toute description dans lequel beaucoup verront la glorification ultime de l’anachronisme musical, et ceci pas forcément à tort… Au fil de titres dont eux seuls définissent les hypothèses, When n’auront aucun scrupule à lanterner d’une forteresse stylistique à l’autre en prenant bien soin de brouiller les repères, réduisant ainsi l’auditeur à une sorte d’internaute paumé, surfant au hasard de lien en lien sur un réseau contaminé par des messages subliminaux couvrant une palette hétéroclite de coercitions émotionnelles, de la séduction au psychédélique en passant par l’absurde et même le cauchemardesque. Pensez qu’on peut passer arbitrairement d’une douce brise atmosphérique à une synthèse de metal progressif et de rock féérique barré façon Mercury Rev, le tout charcuté par une coalition contre-nature entre des percussions tribales granuleuses et une flûte traversière condamnée à s’exprimer par stridences suffocantes. Ou bien que diriez-vous d’un petit slalom improvisé entre les gouttes syncopées d’une mélopée arabisante agrémentée d’effets électro à en perdre le nord ? Ou encore d’un monologue guttural directement attribuable à un méchant monstre de mauvaise série B sur un fond sonore kitschissime semblable à un générique de jeu TV ? Et que dire lorsque s’ouvre toute grande une porte jusque là dissimulée au fond du magasin, et que pénètre à renfort des bruitages adéquats tout un cortège de figures burlesques tout droit échappées d’un épisode des Looney Tunes… Exact, on laisse pendre la mâchoire et on secoue la tête, définitivement incrédule mais quelque part (on ne saisit pas encore bien où aux premières écoutes) émerveillé par le feu d’artifices qui se tire autour de nos tympans peu habitués à un tel traitement. Et lorsque vient le moment, on accroche ou on décroche. On devient fan ou on tourne le dos, par indifférence, par crainte ou par incapacité à accepter que les particules de ce qui nous est agréable, ne soient que cela : des particules, diluées dans un océan où elles sont impitoyablement bousculées par mille autres. Quant à ce qu’il faut retenir de cette entreprise irrationnelle, on pourrait s’arrêter à un passage en revue de polyvalence technique et de capacités de composition hors du commun. Il faut essayer - ce n’est pas évident - de transcender cette idée somme toute assez plate en accolant des images aux événements musicaux, afin d’en exploiter pour soi-même le potentiel « cinématographique ». Si « Pearl-Harvest » s’adresse avant tout à un public initié à des brassages sonores très expérimentaux - ou, à défaut, au rock progressif puriste -, il trouvera peut-être également grâce aux yeux des fans du nouvel Arcturus à travers quelques parallélismes marquants avec « The Sham Mirrors », notamment les couples chant-synthé nourris à l’emphase qui chevauchent « The Ebony Horse ». Nous sommes les heureux voyageurs d’une ère de création sonore où les termes originalité et syncrétisme s’abreuvent d’une émanation de plus en plus concrète, et on ne peut que s’en réjouir. Mais When sont encore plus que ça, ils sont au rock et à ses affluents l’incarnation la plus évoluée imaginable de la schizophrénie musicale, ils sont le labyrinthe où tout embranchement est possible et où, fatalement, toute possibilité se matérialise, au mieux lorsqu’on s’y attend le moins. Ils sont les Pères Fouras qui gardent jalousement sous scellés toutes les clés de leur inspiration volcanique. Et en toute sincérité, je ne sais plus vraiment si mon petit cortex étriqué s’en réjouit outre mesure. En tout cas pas à tout moment de la journée. Ni même de la semaine. Ni même…


Rédigé par : Uriel | (11 < x < 17)/20 | Nb de lectures : 7368




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