WEEPING BIRTH - A Painting of Raven and Rape (Autoproduction) - 02/12/2003 @ 13h55
Si vous n’avez encore jamais entendu parler de Vladimir Cochet, c’est que vous ne passez pas suffisamment de temps sur Internet. Autrement dit, si vous n’avez jamais entendu parler de Vladimir Cochet, c’est que vous avez une vie, et soyez-en fier ! En même temps vous avez besoin d’une petite update : Vladimir naquit en Suisse en l’an de grâce 1982, cette même année qui vit comme chacun sait paraître l’ultime album de Roxy Music (relation de cause à effet ?). En garçon précoce et pragmatique, Vladimir saisit très rapidement que, pour assouvir ses ambitions musicales au sein d’un microcosme socio-professionnel gouverné par les producteurs clandestins de raclette au pinot et les guetteurs de marmotte hydrocéphale, la prescription était de prendre le chamois par les cornes sans trop compter sur le concours aléatoire d’un line-up complet et motivé. C’est ainsi que, parallèlement à des études de philosophie et à des activités de webdesigner (cf. notamment le site du magazine Metallian), Vladimir mène de front une artillerie de projets solos qui, chacun à leur manière, renvoient l’écho d’un caractère autodidacte et déterminé. L’année 2003, cette même année qui vit comme chacun sait le retour en grâce de Florent Pagny (décidément, les augures…), fut celle des premières couronnes, avec les signatures des projets Mirrorthrone et Unholy Matrimony, respectivement sous Red Stream Records et Melancholia Records, signatures qui coïncidèrent logiquement avec des sorties d’albums globalement distingués par la presse comme des essais transformés. A peine cette succession d’événements est elle dans le rétroviseur que Vladimir embraye déjà la troisième en lançant Weeping Birth à son tour à l’assaut de la planète metal. Ce dernier avatar est de loin celui qui présente le visage le plus extrême. Là où Mirrorthrone et Unholy Matrimony proposent un panachage de metal et de symphonique relativement égalitaire, chez Weeping Birth le synthé n’est guère que le discret sourcil accroché en surplomb de l’œil du cyclone.
« A Painting of Raven and Rape » s’organise comme un réquisitoire vindicatif à l’encontre des travers de l’humanité et des dégoûts qu’ils engendrent chez Vladimir. En conséquence c’est un profond puits de ressentiment qui transpire aussi bien dans la musique que dans des paroles fortes et extrêmement (délibérément ?) égocentriques - peu de lignes de texte qui ne se lisent à la première personne. D’un bout à l’autre de ce marathon colérique, impossible d’esquiver la mitraille serrée imposée par la boîte à rythmes. La façon dont celle-ci est programmée mérite bien un chaleureux bravissimo, car une besogne aussi fouillée au niveau des intervalles et des superpositions de frappes à un degré de chaos aussi total réclame sans nul doute une grande patience et surtout une parfaite maîtrise des synchronisations avec les guitares. La brutalité de Weeping Birth, caractéristique du black/death nouveau-siècle (cf. Zyklon, Myrkskog, etc.), va ici de paire avec un sang-froid à toute épreuve, signe d’une préméditation efficace : la minutie dans l’ouvrage, la résolution de ne pas laisser la musique déborder vers une sauvagerie moins audible. Plus c’est carré, plus les coups portent au cœur de leur cible, leur impact rendu plus pernicieux encore par un chant death froid et ample : la voix du châtiment. En outre, même dans les segments rythmiques les plus stables, le flux des percussions est continuellement « émaillé » par de mini-dépressions qui ne sont pas tout à fait des cassures, mais servent d’appoint à de très brefs embyons de motifs en cordes majeures, avec pour résultat qu’on ne sait plus trop où donner de la tête entre hyperactivité précaire et entames volontairement avortées. Ces effusions de technique casse-tête (mais jamais vaniteuse) à toute berzingue remettent en mémoire un autre fameux projet solo de death metal sophistiqué, j’ai nommé Necrophagist sur l’album « Onset of Putrefaction » : les connaisseurs pourront resituer le contexte.
Contrepartie : ceux qui supportent mal le côté infiniment aseptisé - voire inhumain - de la boîte à rythmes risquent fort d’en être pour leurs frais, sans parler du fait qu’il serait la plupart du temps naïf de croire qu’un batteur puisse reproduire à l’exact la rapidité et la densité de tous les chocs qui tombent comme une implacable pluie d’acier. Certains pourront donc déplorer l’aspect démesurément « irréaliste » de Weeping Birth et trouver que s’abstenir de se plier au moins à une assise rythmique rationnelle équivaut à une tricherie envers les groupes qui s’échinent à repousser les frontières de l’agressivité avec des moyens exclusivement humains ou presque. A titre personnel, sans m’amarrer à ce type de doléances déontologiques, je considère effectivement qu’au bout d’un moment, les orgies de bpm utopiques ont quelque chose d’indigeste, bien qu’il faille reconnaître que les relâches du tempo sont suffisamment fréquentes pour éviter l’abus.
Les synthés parviennent tant bien que mal à glisser une atmosphère de temps à autres et, même si celles-ci tiennent de l’anecdotique au prorata du carnage, elles permettent ici et là d’entrevoir une éclaircie respiratoire judicieuse - grâce notamment à un son puissant et absolument radieux, surtout celui des orgues de type cathédrale. Ceci étant, j’aurais personnellement trouvé intéressant de profiter des breaks pour introduire davantage d’éléments organiques en guise de contraste (piano, guitare acoustique…), comme avaient su le faire avec élégance Aeternus sur leur chef d’œuvre « Shadows of Old » ; mais Vladimir a choisi à dessein de coller sans compromis au spectre esthétique de la cyberviolence. Nul doute qu’il y trouvera un auditoire réceptif parmi les déçus de Limbonic Art, voire les nostalgiques d’Oxyplegatz. Chat noir absolu, heureusement très rare, les tentatives de chant lyrique évitent scrupuleusement de s’imbriquer dans les tons souhaitables, et de ce fait assassinent des couplets pourtant prometteurs dans le placement et l’écriture. Deux solutions : apprendre à chanter ou économiser pour s’offrir le concours de Mikael Akerfeldt…
De tous les projets du stakhanoviste Vladimir, Weeping Birth est donc sans aucun doute celui qui a le plus impérieusement besoin d’un batteur de chair et de sang, ne serait-ce que pour assurer le gros de la base rythmique. Ceci étant, si vous êtes de ceux qui goûtent volontiers une bonne grosse louche de death chirurgical et moderne dans votre black metal brutal, « A Painting of Raven and Rape » mérite amplement l’obole d’une oreille, voire des deux. Plus j’écoute cet album, en prenant note de ses qualités comme de ses défauts, et plus j’ai le sentiment tenace que le prochain album de Weeping Birth sera un coup de tonnerre…
http://www.weepingbirth.com


Rédigé par : Uriel | 12/20 | Nb de lectures : 8393




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Commentaire
micky willis
Invité
Posté le: 23/10/2004 à 01h42 - (11139)
une pure merveille, exellentissime.

ZeSnake
Membre enregistré
Posté le: 19/02/2009 à 15h09 - (68136)
les trois premiers titres et le dernier poutrent à fond!!
par contre les titres plus sympho sont bien moins convaincants... le soufflet retombe trop et du coup l'album est trop hétérogène... dommage!



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