Le Canada ne nous a guère habitués à ce que ces sauvageons occultes de Weapon délivrent aujourd’hui. D’ordinaire, on avait soit le droit à une musique moderne et technique pour la partie anglophone ou soit à un Black à – 40° produit par notre Belle Province. Weapon laboure un Black/Death old school bien terreux. Deuxième album en deux ans, ça ne chôme pas chez nos amateurs de sirop d’érable. Pas de grands changements exceptés d’avoir signé chez Agonia pour mettre à disposition ce nouveau méfait en dehors de leur continent d’origine.

Si vous vous voulez avoir une idée de leur musique il suffit de mater leur logo avec cette touche viscéralement organique et cet aspect vieux flyer. Attendez-vous à un vieux Death/Thrash de bûcheron rehaussé par du Black blasté bien sauvage. Rien de bien novateur dans cette formule et ça va même creuser dans du vieux Celtic Frost lorsque l’auditeur surprend quelques Ugh ! assenés par le chanteur hirsute.

En revanche, entre des vociférations d’outre-tombe, les accélérations violentes et une prod bien rugueuse et dégoulinante sur les bords, on a l’impression d’être enseveli sous une avalanche de magma boueux car un genre d’hystérie apocalyptique se déchaîne lors des phases véloces. Il est difficile de ne pas sentir une légère trouille lorsque l’on se retrouve sous cette déflagration chaotique.

On s’aperçoit assez vite qu’il ne s’agit pas d’un simple bourrinage rétrograde. D’une part, les morceaux se montrent assez longs (presque une heure de zic quand même !) avec tout ce que cela comporte en ponts et en soli plutôt techniques. Une véritable dynamique se crée via le contraste entre d’un côté la brutalité cataclysmique et de l’autre ces soli classiques et ces leads développant d’étranges ambiances occultes. En effet, à l’instar de la cover arborant une représentation de Kali, la musique développe une sorte d’ésotérisme aux frontières du psychédélisme grâce à certaines intros rappelant Ravi Shankar ou grâce à des motifs orientalisant confinant à l’hypnose. D’autre part, Weapon apprécie aussi les atmosphères horrifiques développées via un clavier mimant soit les grandes orgues, soit des chœurs fantomatiques (pour les cinéphiles, j’ai bien pensé à la BO de Phantasm à un moment…).

L’obscurité est bien présente, le groove aussi mais, car il y a un mais. Le truc est que mon objection est relativement indéfinissable… J’ai beau écouté l’album avec une certaine gourmandise, je ne peux m’empêcher de ressentir un manque. Il est fort probable que ce voyage aux confins du psychédélisme glauque soit sensiblement trop long. Il arrive que notre transe se relâche lors de certains passages du rituel. De même, l’instru placé en plein milieu était sûrement dispensable. Mais il n’y a pas que la durée, il manque définitivement un petit quelque chose pour transformer la cérémonie en une expérience inoubliable pour les adeptes. En définitive, il est possible qu’il manque le supplément de folie pour transcender ce périple oldschool et le faire entrer dans une relecture actuelle et personnelle de ces schémas anciens.

Très loin d’être un mauvais album, c’est même plutôt bon, mais j’aurais apprécié d’être transporté beaucoup plus loin voire de ressentir l’horreur vécue par la victime sacrificielle de Thugs. Ils ne se sont peut-être pas aventurés assez loin dans ce concept. De bonnes choses mais pas assez frappantes pour que la rondelle sorte de la masse pléthorique des sorties.

Manque pas grand-chose… Rageant…


Rédigé par : Dark Rabbit | 13,5/20 | Nb de lectures : 12802