Après la réédition l’été dernier du “Kill Fucking Everyone” de WATCHMAKER, nous aurions pu penser que nos sens auraient été épargnés encore quelques temps du retour des dégénérés de Boston. Et pourtant nous revoilà exposés au matraquage monstrueux de l’une des formations les plus jusqu’au-boutiste de ces dernières années.

Les zicos de WATCHMAKER ayant jusqu’alors pour habitude de plus ou moins improviser leurs albums lors des enregistrements en studio, j’avais songé, dans un premier temps, à rendre hommage à leur démarche en agissant de même pour cette chronique. A savoir, de la concevoir sans avoir écouté le disque au préalable et de me laisser guider par une écoute en direct mais n’ayant pas la fibre hystéro-intellectuelle de nos Bostoniens, je me rabattais sur la méthode classique. N’ayant pas de craintes particulières pour ma santé mentale et physique (ou du moins ce qu’il en restait), je me lançais donc dans une série d’ingestions répétées d’ « Erased from the Memory of Man », nouveau pamphlet nihiliste de WATCHMAKER.

Présenté dans un packaging très noir évoquant l’anti-thèse du blanc « Kill Fucking Everyone », WATCHMAKER n’a pourtant pas revu à l’accalmie sa mise en musique de pulsions primales et décadentes. «Erased… » traduit par ses seize titres de grindcore noisy chaotique, les mêmes émotions que ses prédécesseurs discographiques. Des émotions toutes plus noires les unes que les autres : la frustration, la désillusion, la misanthropie exacerbée et surtout la haine absolue, celle qui conduit à des actes incontrôlés. C’est sans doute là que s’explique cet extrémisme. Pas étonnement qu’on leur prête, une certaine accointance avec le black métal moderne.

Sur certaines intro étrangement cohérentes, le style de WATCHMAKER évoque de vieux plans à la EXTREME NOISE TERROR, mais très rapidement, les tempos s’emballent pour inévitablement basculer dans la folie totale.
Ça part dans tous les sens, la saturation est continuelle et Brian Livoti s’explose toujours la glotte dans un style proche du claquement testiculaire (du reste, je serais curieux de savoir s’il a pris la peine d’écrire des textes pour cet album). WATCHMAKER ne se range pourtant pas dans la catégorie de ces groupes blastant à tout rompre, la nature de ce grind est plus déchirante que rapide. Mais le phénomène le plus étrange c’est que lorsqu’on se retrouve dans une phase empathique avec ce disque, les battements de votre cœur peuvent s’emballer de façon incontrôlable. Difficile d’expliquer pourquoi WATCHMAKER touche ses auditeurs à un degré qui ne se limite pas à une appréciation musicale. Il y a quelque chose, qui se transmet peut-être dans le style complètement intuitif du groupe.

La meilleure façon d’expliquer WATCHMAKER se situe sans doute dans les citations qui accompagnent chacune de ses œuvres. Si « Kill Fucking Everyone » nous renvoyait à une idée d’élimination totale de toute chose, tirée du « Red Bow » de Goerge Saunders, « Erased from the memory of man » met sobrement en avant une vision lucide du monde, extraite de « Grizzly Man de Werner Herzog. « The Common denominator of the univers is not harmony –It’s chaos, hostility, and murder ».

Génies clairvoyants ou imposteurs de talent, WATCHMAKER n’est, décidément, pas à mettre entre toutes les oreilles. Ames sensibles s’abstenir.



Rédigé par : Tonton | 15/20 | Nb de lectures : 12780