« This is where the dream ends… ».
Void of Silence touchent le fond, mais c’est pour la bonne cause. Remis non sans séquelles de la thérapie par les phobies majuscules administrée sur leur précédente œuvre « Criteria ov 666 », nous voilà déjà conviés à partir à la rencontre de nouveaux démons sous le joug de ces tortionnaires de l’accord bien rasé, jamais à court d’ustensiles persuasifs pour graver dans nos chairs leur interprétation acide du doom apocalyptique.
Fidèles aux recettes quatre étoiles qu’ils se sont prescrites depuis leurs débuts, nos fossoyeurs italiens mettent un point d’honneur à condamner toutes les trouées de lumière qui pourraient contaminer leur mémorial de douleur ambré de sulfure latent. Combien de groupes revendiquent le dernier degré de la sinistrose et restent fastidieux, tout au plus peu crédibles ? Void of Silence, eux, accostent les rivages de la perdition avec une facilité qui relève presque de l’insolence. Une facilité, oui, car en plus on a la preuve qu’il n’est nullement nécessaire d’en faire des tonnes pour vous mettre un moral à zéro. Avec un usage abondant mais très sélectif du sample et de la réverbération puissance delta à tous les étages, les conditions cadres sont réunies pour une symbiose charismatique d’éléments aussi complémentaires (pas forcément évident sur le papier) que de grosses guitares polies au cactus, une batterie stomacale qui a le mot « doom » tatoué sur toutes ses peaux si bien que chaque frappe de caisse claire fait penser à un coup de gong étouffé, du synthé cryptique à volonté, du piano et des chœurs samplés savamment produits – voire sur certains passages de la guitare acoustique dont le timbre blanc déteint comme de rien dans le bleu nuit épais qui glace l’environnement sonore. Au risque de me répéter, je répète à ceux que ça interpelle que Void of Silence pourraient être perçu comme le virus qui s’échapperait de la carcasse comateuse d’un Shape of Despair terrassé par un mauvais trip au savon rouillé. Comprenne qui voudra, mais ça veut presque tout dire.
D’un enfer à l’autre, la guitare trace une progression obsédante en allers-retours qui donne parfois l’impression de glisser sans résistance au gré d’une spirale guidant vers les entrailles de la musique. Vers l’un des abondants marque-pages, paragraphe symphonique ciselé ou césure de rythme dramatique qui, avec force mais sans précipitation, relance l’engrenage fatidique, comme un métronome que l’on remonte juste à temps avant qu’il ne s’éteigne dans le silence, ici comme un auditeur que l’on rattrappe par la main peu avant qu’il ne se noie sous la banquise de sa conscience faute d’avoir pensé à reprendre sa respiration.
L’intégration exotique au chant de l’Irlandais Alan N. Nemtheanga (Primordial) est une aubaine inattendue pour Void of Silence. Sa façon de gérer en adéquation avec la musique un chant clair violemment expressif est parfaite. Traînante mais non lymphatique, désespérée mais non larmoyante, sa voix devient aux instants choisis le pylone qui cristallise la personnalité de l’ensemble, jusqu’à revêtir une aura de menace lors de narratifs implacables destinés à accumuler la tension avant ou entre les développements mégalithiques (« Children, I call you to war… »).
En clair, ceux qui passent leur vie en quête de l’expérience ultime en matière de musique sombre et émotionnelle peuvent s’arrêter de chercher, si ce n’est pour de bon au moins le temps de savourer un album référence qui risque d’écrire une ligne indélébile dans le peloton de tête de leur palmarès.
Que pourrait-on bien trouver pour tirer un peu la note vers le bas ? Dire que les morceaux dévient un peu de leur focus dans la dernière ligne droite, notamment un « To a Sickly Child » qui, malgré une intro phénoménale, égare beaucoup de son influx malsain dans une construction en puzzle maîtrisée in extremis, trop tard pour en faire un winner. Dire aussi que, pour les pionniers du groupe, « Human Antithesis » sera de constitution globale trop apparentée à ses précécesseurs pour déclencher le même choc initial, par exemple ces déglutitions entre jouissance pure et intimidation qui accompagnèrent la découverte pétrifiée du poison mortel « Criteria ov 666 ». Rien de bien aggravant en somme, isn’t it ? Le thermomètre restera donc dignement bloqué à 17. En-dessous de zéro, s'entend...


Rédigé par : Uriel | 17/20 | Nb de lectures : 9590