Voici une chronique qui ne devrait s’adresser qu’à une petite frange de l’auditorat Métal: les fans de Brutal Death Technique. Cette population qui ne vit que pour des tempos ne tombant que rarement sous les 230 bpm, qui connaît toutes les déclinaisons du terme blast, qui est généralement capable de disserter sur les avantages des olives en titanium, d’un tirant de 11-52 sur le 10-48, des cordes filetées ou des frettes jumbojet. Bref, une petite confrérie d’intégristes (avec tout ce que cela peut impliquer de péjoratif) à laquelle votre serviteur à la honte d’appartenir.
En plus d’arborer fièrement une calvitie et des montures double foyer, le fan de Brutal Death Technique, fort d’un abonnement chez Neurotic, se doit de connaître VISCERAL BLEEDING.

En 2002, les Suédois sortaient “Remnants Revived”, album au son grasseyant qui mélangeait des riffs bonhommes et prenants, à des ingrédients beaucoup plus techniques et des soli virtuoses. Un album hyper efficace, versatile, qui me faisait alors penser à INFERNAL TORMENT. “Remnants Revived” laissait présager d’un avenir méchamment glorieux. “Transcend into Ferocity”, leur deuxième album m’avait ensuite considérablement déçu. On sentait l’influence énorme de leurs potes SPAWN OF POSSESSION à travers des compositions très techniques, rapides et, à mon sens, ennuyeuses. Les goûts ne brillant pas par leur universalité, “Transcend into Ferocity” reçut un excellent accueil de la part du public et de certains chroniqueurs (l’excellent Tonton en ces pages par exemple).

“Absorbing the Disarray” s’inscrit en droite ligne de “Transcend into Ferocity”. Après une petite intro, VISCERAL BLEEDING submerge l’auditeur d’un flot de blasts et de notes - on ne peut en effet plus réellement parler de riff, la notion de riff impliquant une certaine répétition et une propension à l’identification.
Un déluge. Un torrent de notes. Quelques harmoniques couinent jusqu’à l’accalmie, apportée par des accords dissonants, très math-core que le groupe aurait pu emprunter à leurs compatriotes MESHUGGAH. La structure se répète puis vient le solo, dissonant lui aussi, qui se greffe sur un riff ultra complexe. Voici succinctement décrite “Disgust the Vile”, première chanson de l’album, mais cette structure se répétera tout au long des 11 chansons d’”Absorbing the Disarray”, à quelques nuances près. Les riffs simples se font rares, la musique est très chaotique et désoriente l’auditeur. Le son est puissant, laissant la part belle à la batterie bloquée sur bomblast ( ou cannibal blast ou ....:-p ) et aux guitares acérées: un son massif qui contribue à la sensation de musique impénétrable.

Il faudra vraisemblablement de très nombreuses écoutes à chaque auditeur pour pouvoir apprécier la musique de VISCERAL BLEEDING, s’il est possible de l’apprécier. Au final, quelques parties plus accrocheuses se dégagent ce qui permet de distinguer quelques nuances dans la musique des Suédois et de discriminer les différentes chansons. “Absorbing the Disarray” est cruellement indigeste. Trop technique, trop rapide, le groupe a perdu le sens du groove qui faisait saigner les tripes sur “Remnants Revived”: après le Brutal Death plat et sans âme décrié par certains il y a peu, voici le Brutal Death coercitif.

Etre un intégriste de la technicité frise parfois le ridicule, et l’on reproche souvent aux musiciens qui recherchent la complexité d’oublier que la musique a une âme. S’il est difficile d’insuffler de la vie à travers un son, a fortiori dans un style extrême, il est au contraire aisé de se perdre dans les méandres d’une musique trop cérébrale. “Absorbing the Disarray” me laisse sur les berges d’un Styx trop glauque pour que j’en aperçoive le fond.


Rédigé par : La Myxine | 13/20 | Nb de lectures : 11095