VIRGIN BLACK - Elegant... and Dying (Massacre Records/M10) - 16/09/2003 @ 13h47
Surgis de nulle part avec leur premier album « Sombre Romantic », les Australiens de Virgin Black avaient alors posé une griffe affûtée sur les esprits esthètes en créant un style infiniment respectable entre black/doom à fleur de peau et orchestrations endeuillées de grande valeur. Ils étaient ainsi devenus un groupe à suivre, d’autant plus lorsqu’on eut appris que leur emblématique vocaliste, Rowan London, s’était engagé à perfectionner sa technique auprès d’un professeur spécialisé dans le chant opératique. Quelque part donc, et sans avoir écouté la moindre note de cet « Elegant… and Dying », je m’attendais presque à le voir débarquer en force dans mon top 5 de cete année déjà généreuse en albums gigantesques.
L’album désormais en ma possession et digéré depuis une semaine, me voilà tout désappointé. D’autant plus perplexe qu’il ne manque pas grand chose pour que « Elegant… and Dying » soit un chef d’œuvre… juste un intérêt. Compte-rendu : Virgin Black ont choisi d’aplanir leur style de façon à obtenir une masse musicale homogène. Concrètement, les guitares metal ne sont plus aussi incisives, mais sont coulées au cœur d’une sorte de symphonie globale où tous les éléments résonnent au même étage, en osmose sonore. Jusque là, tout va bien. Piano et violoncelle se livrent à des passes d’armes saisissantes de pureté, et le délicat amalgame de la section metal et du synthé ne souffre d’aucune bavure. Samantha assume comme sur « Sombre Romantic » quantité de solos aussi sobres que magnifiques où la locution « faire pleurer sa guitare » prend toute sa signification.
Les problèmes naissent lorsqu’on cesse de considérer les prouesses individuelles une à une pour essayer de se concentrer sur la vision d’ensemble du produit. C’est à ce moment là que la façade pimpante tombe en morceaux pour n’offrir qu’un vide conceptuel stupéfiant en spectacle. Je vais forcer un peu le trait pour me faire bien comprendre : les morceaux ne vont nulle part - et d’ailleurs ne commencent nulle part non plus -, ils ne présentent pratiquement aucune prise solide qui permettrait l’indispensable immersion dans leur évolution. En clair sur « Elegant… and Dying », il y a orgie de son et pénurie de substance.
Que la musique multiplie les tournants complexes et les changements dramatiques, cela est en soi une très bonne chose, mais Virgin Black oublient bien trop souvent que cela doit s’accompagner d’une lecture à peu près harmonieuse vu de haut, à plus forte raison lorsque l’on se lance dans des fresques d’une longueur ambitieuse. Or ici, rien qui remplisse cette fonction. En revenant rétroactivement d’une partie à l’autre, aucun signe avant-coureur, aucune logique ne permet d’expliquer le flux des événements. On nage en plein dans l’incohérence et le fragmenté, chose qui, si elle produit son effet dans des styles comme le death technique barré, est une condamnation à mort lorsque la musique se doit de fédérer les émotions d’amont en aval au fil d’une histoire. Je n’accuse en aucun cas Virgin Black de donner sciemment dans la démonstration gratuite, mais je leur en veux de ne pas avoir su imprégner leur art d’une conscience active. Même les paroles reflètent cette irrésolution, même le chant pourtant admirable de Rowan finit par agacer à force de parler dans le vide.
Et le plus rageant dans l’affaire c’est que oui, c’est très bien fichu ; oui, c’est beau ; oui, ca prend même à l'estomac parfois ! Virgin Black transportent le mariage du metal et du symphonique dans une dimension de classe infiniment supérieure à tout ce que des groupes comme Therion ont pu tenter à ce jour. Mais à la question toute simple et aveuglante d’évidence : « à quoi bon ? », ils ne parviennent décidément pas à apporter de réponse. L’écoute d’un tel album devrait être une extase prolongée, elle s’apparente trop vite à un labyrinthe dans lequel l’auditeur éparpille ses sentiments comme les caillous du Petit Poucet, dans l’espoir vain de trouver la clé de l’énigme…
Connaissant le talent individuel et le potentiel immense dont disposent les membres de Virgin Black, les voir passer le plus clair de leur temps à s’écouter jouer au lieu de donner un corps à leur musique, cela a quelque chose de terriblement frustrant. En définitive les Elend, Blut aus Nord et autres The Gathering peuvent dormir tranquilles, ce n’est pas cet album qui va mettre leur suprématie sur le grill… Il faudra donc se contenter pendant les deux prochaines années de ces bribes d’excellence, en attendant que le troisième essai donne éventuellement enfin lieu à une transformation.


Rédigé par : Uriel | 13,5/20 | Nb de lectures : 7826




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Commentaire
mydrin
Invité
Posté le: 16/09/2003 à 22h17 - (5327)
moi qui adore leur 1° CD, ta chronique ne me donne pas trop envie d'essayer celui la :-))

Uriel
Invité
Posté le: 17/09/2003 à 10h58 - (5334)
A mon avis tu vas aimer, n'hésite pas :)

Galhaeren
Invité
Posté le: 17/09/2003 à 21h23 - (5340)
Wouaaa comme il est pas gentil Uriel sur le coup là... Moi je le trouve magique cet album, na !

Ataraxie
Invité
Posté le: 03/01/2004 à 16h45 - (6640)
Superbe chronique.
Moi qui avait adoré leur 1er album, et attendant avec impatience leur 2e opus, je m'étais jeté dessus... et avait été largement laissé sur ma faim. Aucun pic d'émotion, une constante sensation d'imperfection, à chaque écoute des sentiments mitigés sur la réelle qualité de cet album.
J'essaie pourtant régulièrement de m'y remettre mais à chaque fois le même vide émotionnel, toujours indescriptible. Et là je tombe sur ce site et sur cette chronique, et tout s'eclaircit!!
Donc pour faire court : "tout pareil" que dans cette chronique si conforme à cette semi-déception (gâchis?).

incubation
Invité
Posté le: 27/07/2006 à 17h32 - (31210)
Voilà une oeuvre au combien génialissime! Rarement les musiques sombres nous offrent de tels degrés de subtilité. Cette même subtilité qui confère à ce disque son caractère mature, purement anti commmercial mais également un versant d' inaccessibilité certaine ; ce qui explique à mon avis le ressentiment de beaucoup à son égard. Trop particulière pour être appréciée à sa juste valeur par tous, la musique de virgin black laissera sur le carreau tous ceux qui seront "APTES" à s'en délecter, les autres auront beau persister, leurs esgourdes resteront de marbre. En résumé, une musique complexe et raffinée, à ne pas mettre entre toutes les mains.

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