Parfois, je me dis que c’était écrit. Il n’a fallu qu’un coup d’œil à cette pochette pour que ma curiosité s’éveille. L’effroi n’était pas loin car cette iconographie renvoyait aussi bien à du Goth à donzelle qu’à du Funeral plombé. Mais après renseignements pris, le combo venait de Hollande et comportait en son sein des gens ayant joué dans Toxocara, excellent groupe de Death. Damned, c’est leur deuxième album ! Comment se fait-il que je sois passé au travers ? Il faut dire que le premier remonte à 2003 et qu’apparemment il y eut pas mal de mouvement chez les Bataves.

A part ça, je me suis pris une vilaine mandale dans ma sale gueule. Non pas qu’ils aient réinventé ou redéfini la manière de faire du Death mais c’est les sentiments exprimés à travers la brutalité qui s’avèrent assez peu usités pour le style d’où cette pochette évitant l’amicale des tripes. Imaginez la rencontre improbable entre d’une part l’agressivité d’un Nox (pour rester sur leurs terres !) et la sombre mélancolie d’un Ghost Brigade par exemple. D’un côté, attendez-vous à vous faire fracasser à coup de blasts, de growl et de riffs carnassiers mais d’un autre préparez vos mouchoirs et vos poils car chaque titre va déployer des lignes mélodiques plus émouvantes les unes que les autres qui vont vous nouer les boyaux.

Alors là, vous allez me dire : « Oh l’autre, mais qu’est-ce qu’il nous chie, il a craqué ou quoi ! Il veut nous revendre un vieux Death mélodique pour la nouvelle sensation Kiss Kool ! »
Certes, comme je vous l’ai dit, n’attendez pas une révolution mais il faut bien admettre que cela sonne assez unique. D’abord, ils évitent les traquenards qui les attendaient au coin du Death. Le risque principal était de tomber dans la catégorie surpeuplée du son Göteborg. Or, malgré l’aspect mélodique, il ne se dépare jamais de leur brutalité et ne se vautre jamais dans du Power sautillant. D’autre part, on aurait pu se dire que l’aspect écrasement facial nous renverrait à l’école polonaise mais là aussi, nos Bataves esquivent la chute dans les abîmes du clinique stérile.

Allez, je concède volontiers que "To Preserve From Precipice" possède une petit côté The Black Dahlia Murder de Nocturnal d’autant plus que le growl se voit seconder par une voix criarde mais loin de l’alternance tranchée d’un Carcass, on est plus dans le rehaussement léger à la Deicide. Assez étrangement et en parlant de Carcass, le combo qui m’est venu à l’esprit est Impaled et en particulier le dernier album en date, "The Last Gasp", lorsque nos bouchers s’amusent à faire du Thrash de rouquemoute. Cette idée saugrenue m’a effleuré à l’écoute du sublime "A Psalm To The Fallen" où apparaît un incroyable riff tournoyant gorgé de nostalgie et de désespoir qui rappelle foutrement le morceau titre de l’album d’Impaled proche d’une vieille rengaine pleine de regrets.
Victimizer découvre une autre facette lors de la longue conclusion (8 minutes) en proposant un Death plus ambiancé et plus atmosphérique nous plongeant dans un recueillement final avec arpèges déchirants et une voix parlé se perdant dans les ténèbres.

Le plus épatant dans cet album improbable sur le papier, est qu’on ne ressent jamais de frictions contradictoires entre d’une part l’aspect brute épaisse et de l’autre le côté émotif triste. De plus, les transitions entre du riff scie circulaire et de l’échappée de désespoir sont d’une grande fluidité et aucun de ces éléments constitutifs de l’œuvre ne l’emportent garantissant ainsi un équilibre, une cohérence et une identité propre. Le plus fort est qu’il n’y a rien à jeter. Tous les morceaux se voient octroyer un ton particulier. Chacun a le droit à ses leads à lui qu’ils soient héroïques ou désespérés. Mieux, à tous les coups ils font mouche et nos poils se dressent.

Le seul bémol viendra des soli. Bon, il n’y en a que deux donc ce n’est pas non plus la mer à boire. Disons que nos mirifiques Hollandais ont tendance à mettre un peu trop de pathos sur leur tartine et c’est parfois si démonstratif que le nom de Brian May germe dans notre esprit.

Sinon le rendu sonore fut habillé par maître Swanö et comme d’habitude, c’est du boulot de pro, c’est à dire clair et d’une puissance à toutes épreuves.

Certes, Victimizer n’a pas réinventé l’eau tiède à couper le beurre mais pratique un Death brutal typiquement hollandais dans une optique personnelle. Point de rites sataniques occultes, encore moins d’équarrissages de blondasses à coups de machette, non, juste l’expression du mal être, de la difficulté d’exister et du désespoir. En fait, les garçons viennent de réussir ce que nos compatriotes d’Hysteria ont manqué de très peu de réussir sur leur dernier album, c’est-à-dire combiner lattage de tronches et émotions sans pour autant tomber dans les travers de l’un ou de l’autre. Moi qui me désespérais du sabordage de God Dethroned, je ne peux que me réjouir de la découverte de ce remplaçant de première bourre.

Tout simplement un putain de skeud de Death qui va vous sucer la cervelle plus sûrement que le petit bonhomme en mousse!


Rédigé par : Dark Rabbit | 17/20 | Nb de lectures : 13467