Cela fait maintenant une dizaine d'années que Vektor s'est formé. Ce quatuor américain a commencé à faire parler de lui avec son premier méfait, «Black Future», publié en 2009. Un album de thrash progressif et technique époustouflant, qui s'était avéré être une des meilleures sorties de thrash de ces dernières années, sans l'ombre d'un doute. Dans un style où l'originalité n'est en rien une priorité face à l'efficacité, il fallait bien que de jeunes fougueux décident d'un peu renverser les codes établis. Alors non Vektor n'est pas un groupe qui mélange le thrash avec une tonne d'influences et styles divers, mais plutôt un groupe qui essaie de structurer de manière un peu moins simpliste et habituelle ces morceaux. La durée de ces derniers en est déjà un peu la conséquence, mais regardez Metallica, et la longueur de ses titres (notamment sur «Death Magnetic»), est-ce pour autant que l'on peut qualifier les Four Horsemen de thrash progressif ?

Mais là n'est pas le débat principal, laissons de côté les étiquettes, Vektor joue et transpire le thrash. «Black Future» est un album monstrueux, mais rangé à ses côtés «Outer Isolation» ne démérite pas, loin de là. La recette n'a pas beaucoup changé entre les 2 albums, le groupe joue une musique survitaminée et agressive, qui se pourvoit malicieusement de passages plus 'aérés' et mélodiques («Venus Project» pour en attester). Le chant de David DiSanto se veut très aigu, parfois à la limite de l'hystérie, dans un registre pour autant extrême, plein de hargne et de férocité (parler d'un croisement entre Dani Filth et Cuck Schuldiner est tout à fait approprié) et permet de donner appui à des guitares qui du début à la fin vous agrippent et vous cisaillent les tympans, emportées par des rythmiques sauvages et (quelques) parties de blasts beats décoiffantes. Pour autant, là où bon nombre de groupes se contenterait d'envoyer le bousin sans nuance, Vektor prend souvent le temps de développer ses morceaux, qui mine de rien sont loin d'être dépourvus en atmosphères menaçantes, et qui viennent nous peser sur la tête.

«Outer Isolation» est un album qui a le mérite de présenter très peu de défauts : sa durée (52 minutes environ) pour 8 titres, est idéale, quand bien même «Cosmic Cortex», le morceau d'ouverture dépasse les 10 minutes. La production, elle, sied parfaitement au style pratiqué, ni trop clean, ni old school, elle (en plus du mixage) propose un équilibre parfait de chaque instrument. Cet album n'est peut-être pas la perfection incarnée, mais en même temps il ne souffre d'aucun temps faible ou morceau moins bon. Vektor, c'est comme dans le cochon, tout est bon. Très bon surtout. Les premières minutes de «Cosmic Cortex» permettent justement une plongée dans le sinistre univers du combo, jusqu'à ce que la première grosse salve de riffs vienne tout dévaster. Le groupe propose par la suite, avec les titres «Echoless Chamber», «Dying World» et «Dark Creations, Dead Creators» des structures qui paraissent assez identiques, c'est-à-dire une montée crescendo, se traduisant par des 2ème parties de morceaux (à chaque fois entre 2:20 et 2:40) tonitruantes ; Tout vient nous exploser à la figure, avec l'apport de riffs qui, chirurgicalement, dézinguent tout sur leur passage. DiSanto semble dans ces moments, complètement possédé, au même titre que le batteur, qui matraque ses fûts et la double pédale avec rage. On pourrait croire bêtement qu'il n'y a aucune finesse dans tout ceci, mais bien au contraire, tout est parfaitement millimétré et franchement certaines harmonies et duels de guitares semblent venir d'un autre monde.

Le fracassant «Tetrastructural Minds» fait partie de ces moments totalement sidérants, les vitesses d'exécution et les riffs variant d'une minute à l'autre, la furie a également le temps d'un peu ralentir sur un superbe passage mélodique (3:30) qui laisse place à un final hallucinant de furie et brisage de nuque. «Fast Paced Society» est, quant à lui, peut-être bien le morceau le plus dur à apprivoiser, en tout cas il m'a semblé être le plus complexe. On a affaire à une véritable girouette sonore, n'hésitant pas à aligner une multitude de fluctuations musicales, qui en plus de nous faire tourner la tête, nous permettent d'éviter un petit ennui qui aurait pu se faire une place à ce moment précis de l'album. Et histoire de bien nous mettre à genoux, les guitaristes ont décidé de sortir des soli à faire pleurer Chris Broderick, et des va-et-vient sur les manches à tomber par terre, qui pour autant ne donnent pas vraiment l'impression d'être une démonstration technique dénuée d'âme.

Le thrash pratiqué par Vektor (avec les paroles sous les yeux, c'est encore mieux) pourrait être la bande son d'un monde en péril, au bord du gouffre, qui face à l'infini grandeur du cosmos est réduit à disparaître. Si il y a bien quelques accalmies musicales, «Outer Isolation» est une véritable tempête emportant tout sur son passage. Des roulements de toms fracassants de «Echoless Chamber» aux nombreux breaks qui alimentent le morceau éponyme (surtout à partir de 5:00) en fin de parcours, tout est d'une maîtrise ahurissante, et l'on regrette que «Dark Creations, Dead Creators» ne s'étende pas sur 2 minutes supplémentaires. On note que le groupe a clairement son identité, et que si influences il y a, elles sont très discrètes. Tout juste pourra-t-on penser à du Coroner ou du Mekong Delta pour le côté alambiqué de certains riffs, et on pourra aussi relever quelques lignes vocales et des 'mélodies' de guitares, claires et glaciales, qui sont davantage propres au black metal.

Alors oui, certains estiment que «Outer Isolation» est moins bon que «Black Future» ; il me serait un peu difficile de les contredire dans le sens que j'ai réellement découvert Vektor avec ce 2ème album. Or il s'avère que quelques-uns ont reçu une telle claque avec «Black Future» qu'ils ont trouvé «Outer Isolation» un cran en dessous. Mais honnêtement, l'un comme l'autre, ce sont 2 albums époustouflants, qui ne sont pas près de quitter ma CDthèque. Si le thrash ne semble pas encore près de disparaître au vu du nombre croissant de (jeunes) formations le pratiquant, nul doute que Vektor fait partie de ceux qui sont déjà au-dessus du lot (musicalement parlant bien entendu), et qui, une fois les mastodontes du genre disparus pourront encore nous faire rêver et nous en mettre plein les oreilles. C'est tout ce qu'on leur souhaite !




Rédigé par : gardian666 | 18/20 | Nb de lectures : 19041