VEDIOG SVAOR - In the Distance (Paragon International) - 01/07/2002 @ 18h00
Un drôle de petit ovni qui s'extirpe là de la besace d'un label américain pour le moins méconnu. Le nom du groupe n'indiquant pas grand chose, il faut savoir que Vediog Svaor sont bien de chez nous, des Isérois plus précisément. Quant à des titres comme " Pavel ", " Silex " ou " W ", ils ne sont guère révélateurs de l'école à laquelle le groupe s'affilie. Cela ne tombe pas plus mal, puisque ça fait apparemment un petit moment que Vediog Svaor a commencé à sécher les cours pour paver sa propre route, une Via Dolorosa escarpée pigmentée de noir et hérissée de calvaires, ceux du non-conformisme et du refus. Car c'est décidé, Vediog Svaor ne mordra pas dans le même fruit interdit que ses pairs, tout au plus consentira-t-il à partager leur exil, et encore seul dans son coin. Lancé par le cri strident d'un larsen, " In the Distance " ne connaît pas de droit chemin. Il y en aura d'autre des comme ça, semble hurler avec cynisme la muraille de son qui se dresse alors, amère et sûre d'elle et de son fait. Déboule une mélodie désenchantée livrée en picking étourdissant, posée sur des guitares crades comme la mort et rances comme la gerbe. On comprend que la batterie, pourtant bien tenue, n'aura pas le beau rôle dans le mix, pas davantage que le chant clair, perclus de négativisme touchant, dont les premières lignes asphyxiées parviennent à peine à l'oreille. Quelqu'un, à l'autre bout du CD, prend un malin plaisir à embrouiller les fils, si bien qu'on ne sait plus au juste si ces quelques secondes de stoner rock sudiste n'ont pas été un mirage et si cette poussée frénétique vers un black metal traversé de hurlements carnassiers (hybrides corrompus de Dani Filth et Varg Vikernes) est bien raisonnable. Et puis comment on est passé de l'un à autre, alors ça c'est encore moins clair. Et ces putains de larcens qui continuent de hanter les moindres recoins comme les fantômes d'un guitariste indigné par tant d'irrespect qui voudrait se mêler au foutoir. Enfin foutoir... Oui, peut-être, mais bizarrement un capharnaüm diablement jouissif à visiter, agrégat sordide de peaux mortes revêtues par Vediog Svaor pour se travestir en monstres autocratiques de leur manière de faire. Et celle-ci n'oublie jamais de laisser filtrer une recherche mélodique très intéressante, comme vers la fin du troisième track où la guitare s'adoucit subitement pour mieux asséner quelques notes de pure tristesse. Pas le temps de respirer qu'on repart pour le marathonien " Curled-up Stars " : plus de 15 minutes d'hallucinations metal psychotiques, d'abord parsemé de flambées de fièvre vocale totalement démente aux guitares si hostiles qu'elles en deviennent par instant intorchables. Puis le climat s'apaise une nouvelle fois le temps d'une discrète vague bluesy surmontée de hi-hats n'attendant que le prochain déferlement hystérique, qui d'ailleurs ne tarde pas. Vers le milieu du morceau un vide se creuse avant de faire table rase et de partir dans une nouvelle direction, flottante, tempérée, en pinçages de cordes désincarnés qui semblent se fuir eux-mêmes. Il ne faudra pas longtemps avant que reviennent les cris de sorcière au bûcher et ces riffs simples et rythmiques qui donneraient presque une impression de hardcore, n'y aurait-il ce son infect qui ne peut émaner que des enceintes des damnés. Le court titre suivant, le bien-nommé " W " est beaucoup plus radical dans sa genèse, le chaos engendré étant sans équivoque, mais une fois de plus on hésite à parler de black metal tant la structure rockisante des riffs, notamment dans les trente dernières secondes, prête à la confusion sur les intentions du groupe. En définitive le dernier morceau presque doomesque " Suffused ", qui ne donne pourtant pas sa part au chien pour ce qui est de l'imprévisibilité et du malsain, est pour ma part sacrifié sur l'autel des longueurs qui ont fini par avoir raison de mes nerfs en cette fin d'album. Il aura tout de même le mérite de nous laisser sur un ultime embrasement d'écorché vif qui repose sur cet album énigmatique un couvercle dont on ne sait si on a envie de le soulever de nouveau de sitôt tant l'épreuve passée fut laborieuse et avare de réponses. Cela se sent, Vediog Svaor ont dans le ventre l'art de des ruptures intelligentes et de la provocation fascinatrice, il leur reste à canaliser un surplus d'enthousiasme dans les excès vocaux, à cartilaginer l'ossature de leurs morceaux et peut-être quand même à réajuster légèrement ce son effrayant qui va - et c'est dommage - tenir beaucoup de monde à distance de ce " In the Distance ". Amateurs de sensations déjantées, retenez ce groupe à l'affut de vos têtes de listes!
Rédigé par : Uriel | 12.5/20 | Nb de lectures : 6868
Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site
Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs.
S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos
Rédigé par : Uriel | 12.5/20 | Nb de lectures : 6868