L'inconvénient lorsque l'on a pris deux années sabbatiques loin de VS comme je l'ai fait, c'est qu'on est un peu largué lorsqu'on revient au charbon. La vélocité avec laquelle la scène se développe, change, vire, donne parfois le sentiment de sortir d'un long coma.

Ainsi, quelques semaines en amont, lors d'une pause de concert, alors que je suggérais à l'un de mes camarades (oui, oui, toi Phil) de confisquer à sa chérie sa collection de disques de PARADISE LOST pour la punir de son outrecuidance, j'entendis l'effrontée me répondre « Ah mais j'ai un peu lâché PARADISE LOST ces derniers temps. Je suis à fond dans VALLENFYRE, le projet death/doom de Gregor Mackintosh. C'est terrible. Ça devrait te plaire. Il revient aux sources. » Honteux d'avouer mon ignorance, je promettais de remédier à cette lacune dans les meilleurs délais.

Et me voici, ô vénérés lecteurs, drapé ma plus simple humilité, m'apprêtant à décortiquer l'énigme du premier album de VALLENFYRE, groupe dont j'ignorais même l'existence voilà encore un mois.
Au premier abord, en découvrant le line-up de la bête, on croit avoir en main un « all star band » de plus. Jugez plutôt : Hamish Hamilton Glencross (MY DYING BRIDE), Adrian Erlandsson (AT THE GATES, PARADISE LOST, BRUJERIA), Scoot (DOOM, EXTINCTION OF MANKIND), un anonyme du nom de Mully et enfin Gregor Mackintosh (éminence grise de PARADISE LOST). Avec un tel pédigree VALLENFYRE avait les atours d'un projet pour arrondir les fins de mois entre potes et pourtant... Pourtant les motivations qui ont conduit à cette formation sont bien éloignées de toutes démarches bassement mercantiles. Pour les comprendre, il faut remonter jusqu'en 2009 ; année où décède John Robert Mackintosh, le père de Gregor, après plusieurs mois de lutte contre le cancer. Mettant en berne PARADISE LOST, Gregor trouve l'exutoire idéal au deuil dans l'écriture et la composition. Ainsi naît le projet VALLENFYRE. Parallèlement, son frère dessinateur, produira une BD traitant du drame familial sous le nom de « Seeds » (qui donne aussi son titre à l'un des morceaux de « A Fragile King »).

S'entourant de quelques amis proches, Mackintosh étale l'enregistrement des morceaux de ce premier album, et d'un EP deux titres, sur quelques mois début 2010 pour accoucher d'une œuvre très personnelle catalysant douleur, tristesse, colère, frustration, impuissance. Un disque dans lequel il parle du combat de son père contre la maladie, de la mort et où s’imbriquent des révoltes plus sociales et politiques. Du titre de l'album faisant expressément référence aux derniers mois de John Mackintosh jusqu'à sa sortie la veille de la fête des morts, rien ne semble avoir été fait au hasard.

Et quand est-il sur le point musical me demanderez-vous judicieusement ? Même si la musique semble quelque peu secondaire dans l'optique d'une telle œuvre, elle s'accorde parfaitement avec la nébulosité des textes. Gregor Mackintosh revient à la source de son art en nous prodiguant un death/doom parfois écrasant de noirceur. On pense, bien évidemment au PARADISE LOST des tout débuts, de « Lost paradise » mais aussi des premières démos vibrantes d'inspirations qui avaient défrayé la chronique dès 1988.
On y retrouve également l'influence majeure des premiers CELTIC FROST réellement criante sur un titre comme « All will suffer », d'AUTOPSY pour son côté putride et haineux (« As the World collapses », « A thousand martyrs ») ou encore les réminiscences d'un grindcore/punk des 80's qu'on n'appelait pas encore « Crust » (« Ravenous whore », le refrain de « Cathedrals of dread »).
Dominé par les riffs doom lancinants, VALLENFYRE se permet quelques envolées de guitares mélodiques de H.H. Glencross, qu'on croirait empruntées à MY DYING BRIDE (comme sur le magnifique « Cathedrals of dread ») imprégnant sporadiquement le disque d'une touche mélancolique. Est-il nécessaire après ces quelques informations de vous préciser qu'il s'agit d'un disque particulièrement sombre ?

Produit par Mackintosh lui-même, mixé et masterisé par le fameux Russ Russel, « A fragile King » s'orne du son propice à la puissance austère d'un death/doom passéiste de haute volée. Ce disque aux atours biographiques signe l'arrivée d'un poids lourd dont Mackintosh nous assure déjà la pérennité live dès 2012 (premier concert annoncé le 2 février prochain au Tasvistia club d'Helsinki).

Difficile de ne pas regretter l’absence de cet album dans le best of 2011 de notre rédaction. Une lacune que je compte bien corriger fin 2012.

« A fragile king is dead... long live to the king »


Rédigé par : Tonton | 17/20 | Nb de lectures : 16731