Le combo francilien Valhôll s'est fait connaître par ses nombreuses prestations scéniques dans la région. Le groupe est composé du line-up de Cruxifiction, auquel s'ajoute à la guitare Vaerohn de Pensées Nocturnes. Pour laisser de la place à la gratte, Belial, guitariste chez Cruxifiction, passe ici derrière les fûts. A noter que l'initiateur du projet est le guitariste/vocaliste Saroth (tant que Sapeth pas trop, c'est supportable). La formation a pour ambition de nous mêler mélodies ancestrales et black brutal. Foutredieu, comme dirait ma mémé. Et c'est Intensified Records qui sert de tremplin à la première sortie du groupe, qui propose directement un album.

J'avoue une certaine difficulté à me glisser dans le slip en peau de bête de Valhôll. S'il est louable de s'intéresser à la culture nordique, je reste circonspect qu'un groupe français embrasse pleinement et fantasme cette vision pour son album, alors que le terreau historique et culturel national reste largement sous-exploité. C'est peut-être con, mais j'y vois un manque d'originalité assez flagrant pour des Franchouillards. Le phénomène est hélas fréquent et nombreux se tournent vers une autre culture. Soit dit en passant, cela n'influe pas mon avis sur la musique de Valhôll, puisque je peux faire le même reproche à Himinbjorg que j'aime beaucoup. Mais c'est juste un point que je trouve vraiment dommage, un de ceux qui participent probablement au complexe d'infériorité des groupes français.

Ceci mis à part, Valhôll nous balance trois quarts d'heure d'un black énergique et varié. Si les thématiques des textes semblent orientées pagan, la musique me semble plus proche d'un black mélodique fort tonique, dont les tremolos enlevés portent leur part de mélancolie. Et si Valhôll aime ces accès de rage à fond les ballons (la première partie de "L'Adieu"), une influence de Belenos est également palpable ("A la Gloire Guerrière"). Les amateurs de Helrunar pourront aussi apprécier certains aspects plus lourds ("Courage"). Bref, l'album s'avère bien agressif et mélodique, mais quelque peu en marge du pagan pur jus.

Toutefois, le groupe ne reste pas aussi statique que ça et les compos évoluent grandement, alternant attaques frontales et passages atmosphériques. Dans les parties les plus aérées, les thèmes de Pensées Nocturnes refont surface, allant parfois jusqu'à des riffs un peu trop "lovers" (l'intro de "Majestueux Ancêtres"). Mais le groupe place aussi des alternances plus surprenantes (l'enchaînement central de "A la Gloire Guerrière" avec un riff thrashy à la Rotting Christ, suivi d'un riff à la Belenos avant de re-virer au black mélodique tous trémolos dehors).

Si la farandole de riffs est enthousiasmante de prime abord, l'album donne l'impression de papillonner, avec des compositions peut-être pas toutes contemporaines et parfois inégales (notamment "L'Animal du Médiocre"). Les intro, outro, interludes et autres nombreuses parties retenues ou/et acoustiques cassent aussi la dynamique de l'album un peu trop souvent à mon goût. Difficile de pouvoir être en même temps brutal et mélodique et mélancolique et efficace et réfléchi. Valhôll se casse un peu les crocs sur cet aspect et il est dommage que l'album perde autant en intensité sur sa fin.

Le second écueil vient de la production. Valhôll a privilégié ses moyens propres, enregistrant seuls et confiant le mix à Saroth. Le résultat est cru pour les cordistes (ce qui est bien agressif comme j'aime), avec une batterie recalée de manière stricte qui fait perdre beaucoup de naturel pour du pagan. Le pire reste les hyper-blasts à roulements de mitraillette servis sur "L'Adieu" et "Majestueux Ancêtres" qui donnent l'impression du déchaînement mécanique d'une BAR. Valhôll n'échappe pas à la règle: la sonorisation de la batterie reste un problème majeur des enregistrements-maison. En plus de ces soucis de fûts, la guitare rythmique est complètement écrasée au moindre lead, ce qui donne l'impression de suivre un master class de trémolos bien isolés. Si j'ajoute la voix que je n'aime pas du tout, vous aurez compris que ces nombreux écueils m'auront empêché de m'immerger pleinement dans l'album. Les lames sont globalement sorties mais les fourreaux pour les accueillir mériteraient un plus grand soin. A noter que le chant clair sur "A la Gloire Guerrière" a été interprété par BST (Aborted, Balrog, Garwall, Aosoth).

Au bilan, voici un album encourageant, qui pourra plaire à des amateurs de black mélodique à consonance pagan. Si l'énergie et la rage sont là, je ne suis pas encore convaincu par le résultat. Mais je garderai un œil sur cette formation qui ne manquera pas de se produire sur scène près de chez moi.


Rédigé par : Prince de Lu | 12/20 | Nb de lectures : 11862