Chez V13, on aime le cinéma. Après un premier album appelé « Overlook Hotel » v’l’a-t-y pas qu’ils font appel à l’acteur Rufus pour leur pochette et qu’ils piochent dans le patrimoine cinématographique afin de nommer leur morceaux. « Overlook Hotel » était un bon disque de post-hardcore/rock français qui présentait un groupe avec un univers original et une identité très marquée. Paroles pleines d’un réalisme désabusé, chant en français et visuel soigné. Un groupe qui essaye autant que possible de s’écarter des clichés inhérent à la scène metal. Sur ce second album « Traqueurs » le groupe renforce son identité, creuse ses sonorités et livre un disque sombre, désenchanté et musicalement plus fouillé, plus précis et pointu que son prédécesseur. « Traqueurs » c’est un album qui se découvre sur le long terme, qui s’apprécie et qui se démarque de la masse du tout venant « post-machin ». Parce que V13 sait ce qu’il fait, sait où il va et sait comment y arriver. Un disque qui détonne sur la scène française, au carrefour de postcore, du postrock, du rock lourd et de la chanson.

V13 possède cette capacité de mixer finesse d’écriture et de composition avec un gros son porté par une basse incandescente qui emmène tout sur son passage permettant au guitares de débarquer en nappes lourdes ou plus aériennes. « Ricardo Klemente » ouvre le bal de la plus belle façon avec un titre lourd, velu et construit comme un classique du post-core avec cette longue montée hypnotique préfigurant une explosion de note sauf qu’ici l’explosion ne vient pas et le groupe enchaîne avec une reprise toute en lourdeur, en dissonances, bruits et autres sonorités sorties de la powernoise. Un morceau qui montre que le groupe maîtrise les codes de sa musique et va s’amuser à les détourner pour toujours surprendre son auditoire. « Ricardo Klemente » est un morceau d’ouverture qui sonne comme un titre de fin d’album. V13 ne fait rien comme les autres et c’est assez déstabilisant. Les premières écoutes sont difficiles, on se demande où on met les pieds et ce qui ressort ne sont que les aspects négatifs mais malgré tout, sans trop savoir pourquoi on y revient, on le réécoute et l’album se découvre sur la longueur, sur la durée. Puis en fin de compte on y revient beaucoup plus souvent qu’on ne l’aurait cru porté par cet univers particuliers. On découvre les subtilités musicales, la richesses des textes et la cohérence de l’ensemble.

Le groupe se montre aussi à l’aise avec les morceaux directs à la vibe presque hardcore (« Personne m’attend »), les morceaux rock portés par une guitare slide par exemple (« 21 Grammes ») ou les morceaux plus calmes flirtant avec la chanson française (« Belle de Jour », « Nuit Blanche ») et faisant la part belle à la voix de Laurent qui surprend avec son timbre rappelant par moment Bertrand Cantat. En poussant le bouchon un peu plus loin, on pourrait affirmer que V13 pratique une espèce de post-chanson française boostée par un son de plomb et une production rock/core signée Steve Albini. Ca calme. Le groupe chante en français et pour une fois, ils se sont cassés le cul à écrire de très beaux textes tout à tour réalistes, métaphoriques mais toujours désespérés et désenchantés. Cette faculté d’écriture constitue l’un des gros points forts de la musique de V13 qui sort des sentiers battus et suit sa voie sans se poser de question. Comme pour accentuer son côté et sa filiation rock, V13 invite Olivier Depardon de feu Virago à poser sa voix sur un titre. On appelle ça un passage de témoin.

V13 est plus qu’un énième groupe de rock français, en deux albums ils se sont forgés une vraie identité sonore, textuelle et visuelle. En brassant une large diversité d’influence, V13 est un bel exemple d’intégration réussie. Post-rock, rock, post-hardcore, tout ça cohabite et se mêle avec une très grande facilité et homogénéité. Pratiquant le contre-pied avec habileté ils surprennent en ne se trouvant jamais là où on les attend. Maintenant cette diversité d’influences éloignées du Metal pourra en rebuter certains, les autres, les curieux, les aventuriers s’y jetteront avec délectation et y reviendront car le jeu en vaut la chandelle.


Rédigé par : Seb On Fire | 16/20 | Nb de lectures : 13411