V.L.E. - Book of Illusions Chapter 1 (Autoproduction) - 01/01/2002 @ 14h45
Les initiales de ce projet solo américain signifient « Virtual Listening Experience », et honnêtement il aurait été difficile de trouver patronyme qui colle davantage à cette musique que cette pragmatique définition. Nous sommes en présence d’un musicien autodidacte dont le dessein avoué est de dépeindre des atmosphères à travers diverses techniques d’improvisation et d’amalgames fusionnels des instruments qu’il utilise et des sons qu’ils génèrent. Au delà de ce briefing un peu opaque ce que propose concrètement V.L.E. est une synthèse spécifique de musique d’ambiance, de guitares électriques et de batterie, un peu comme si on greffait des architectures metal sur un CD de relaxation méditative, et j’exagère à peine… Le résultat est saisissant à l’oreille, quoique quelque peu bridé par des traits d’amateurisme à gommer à l’avenir (son étouffé, arrangements pas toujours très fluides, morceaux qui s’achèvent de façon trop abrupte).

L’éclectisme est à l’honneur tout au long des sept titres de ce « Book of Illusions », dont certains lorgnent du côté du doom avec guitares bourdonnantes et tempos paralytiques (« Freedom to fly » et son chant de cathédrale, « Drift » ou « Behold the Night, Beyond Sunsets » où le langoureux dialogue des guitares entrecroisées – lourd riff de base contre decrescendo répétitif en aigu – ouvre même la porte à des suppliques agonisantes à la Agalloch). Sur d’autres passages – à mon sens les meilleurs – comme le bien trop bref « Kano » ou l’ouverture de « Behold the Night, Beyond Sunsets », ce sont les lamentations saturées des guitares qui accompagnent des dérives apathiques mais planantes, tout comme certains longs solos rock d’antan injectaient des effluves d’adrénaline dans l’échine d’un parterre de fans déchirés à la fumette (remember Van Halen sur « Respect the Wind » ou Pink Floyd à la fin de l’éprouvant « Comfortably Numb »). Et lorsque V.L.E. met sa guitare au placard (cf. « Stark ») on se retrouve à errer au milieu de rêves synthétiques et lyriques dignes de ces films de SF du début des années 80, type « Blade Runner », dont les anticipations manichéennes au seuil de l’an 2000, à cheval entre le glauque et le kitsch, étaient encore plus réjouissantes que ce qu’il en est advenu.

La musique fondamentale de V.L.E., aussi désuète qu’elle puisse sonner pour celui dont le cœur se situe loin du conduit auditif, possède cette vertu rare de remplir de son aura les quatre coins d’un espace sonore, de pulvériser des particules d’ambiance que chacun traduira en images émotionnelles de manière différente suivant son humeur et ses perceptions. Pour ma part – à titre indicatif seulement – lorsque j’écoute « Book of Illusions » les yeux fermés, je me représente un bateau voguant de nuit, sereinement, au milieu de l’océan. Quelqu’un, seul sur le pont, vit à plein les dernières minutes d’éternité qui précèdent l’aurore, se gorge du spectacle des étoiles pâlissantes alors que le ciel prend une couleur de métal. Puis, doucement, l’astre iridescent s’élève avec majesté à l’horizon (comprendre qu’une puissante nappe de synthés s’évade des enceintes), et le miroir des eaux ténébreuses se recouvre de pépites scintillantes, donnant au voyageur solitaire l’impression vertigineuse d’être aspiré dans un univers d’or en fusion, d’être propulsé d’un néant paisible vers un jardin de délices.
Mais je m’égare…

Le plus important dans tout ça est de retenir que V.L.E. inaugure une sensation d’écoute d’un genre nouveau, ou tout au moins à l’osmose quasi parfaite – rarement accomplie auparavant – de l’infinité des panoramas musicaux et d’une puissance graduelle et emphatique née de l’intelligence de composition (chaque instrument à sa place, propension à créer un certain suspense évolutif), tout en gardant à l’esprit que beaucoup des structures seraient soi-disant improvisées ! Alors, génie visionnaire ou aboutissement d’un désir non-conformiste ? Les deux sont sans doute un peu vrais sans pour autant sembler s’appliquer au personnage. Je me demande quel genre d’œuvres intemporelles cet artiste va être capable de nous livrer lorsqu’il aura acquis une plus grande maîtrise de ses instruments et qu’il bénéficiera de conditions de travail optimales. Au final il serait superflu de continuer à mettre à sac le champ lexical de l’esthétisme pour qualifier « Book of Illusions » : beau et fascinant suffisent.

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Rédigé par : Uriel | 15/20 | Nb de lectures : 6207




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