UNITOPIA - The Garden (InsideOut/Wagram) - 02/01/2009 @ 09h43
(Ceci n’est pas une kronik…)

Unitopia, ça sonne bien comme nom, vous ne trouvez pas ? Ça fait idéal partagé, unicité chimérique, illusion d’une communauté d’esprit, bref ça fait très progressif. Car qui d’autres que les amateurs de prog peuvent vivre dans l’utopie ? Les métalleux ? Bah, ils commencent à avoir pignon sur rue ou sur télévision même câblée. Non, l’utopie est propre au rock progressif. C’est bien nous ça de croire que cette musique est capable de plaire à plus d’une poignée de fous, de rêveurs, d’irréductibles, encore à nous l’utopie d’espérer qu’un jour on entendra sur nos ondes autre chose que la soupe infâme servie à tours de bras par des médias vendus et ignorants.

Ça n’arrivera pas et vous voulez que je vous dise, c’est tant mieux. Car en fait, si tout le monde aimait le prog, celui-ci finirait par se banaliser donc s’appauvrir. Or, le fan de prog a ce particularisme en commun avec son compagnon d’infortune de métal: il a le sentiment que sa musique lui appartient et qu’il ne peut la partager qu’avec des connaisseurs, des « addicts », des passionnés. Être fan de prog, c’est le roman de toute une vie! Bien plus, c’est une vocation, un sacerdoce voire une mission.

Attendrissant et pathétique sans doute. Mais il se montre plus prétentieux encore et drapé dans sa superbe il pense que sa musique préférée ne peut être appréciée que par un cercle bien plus restreint d’individus « choisis », « élus », bref une élite. Dans son délire il ressent le besoin d’être moqué, vilipendé, de se faire montrer du doigt pour exister pleinement. Il jouit littéralement de cette mise à l’index, entretenue par l’inébranlable conviction d’être le seul à détenir la vérité. « Hum ! J’ai mal mais c’est bon ! ». Maso et mégalo le fan de prog ? Je plaide coupable.

Maintenant que j’ai fait ma petite séance d’autoflagellation, dois-je vous parler d’Unitopia ? Sincèrement, à quoi bon ? Vous êtes sûrs ? Bien.

Cette formation est née en 1996 dans la lointaine Australie autour du duo de compositeurs Mark Trueack (chant) et Sean Timms (claviers). Puis se joignent à eux Matt Williams (guitare), Shireen Khemiani (basse), 2 batteurs-percussionnistes, Monty Ruggiero et Tim Irrgang, et un multi-instrumentiste, Mike Stewart qui joue d’à peu près tous les instruments à vent : saxophones, flûtes, clarinette. (Et oui, ils s’y sont mis à 6 pour pourrir la vie des anti-prog. Ce n’est pas un groupe, c’est un véritable commando !). "The Garden" n’est pas leur premier album puisqu’en 2005 ils ont déjà sorti "More Than A Dream" qui a reçu un accueil « chaleureux » comme on dit hypocritement en contrées progressives. En vérité, ça veut dire « sympathique mais peut mieux faire ». Beaucoup mieux !

En ce qui concerne "The Garden", le « beaucoup mieux » est de sortie. Je lance donc mon cri de ralliement: « Oyez oyez braves gens (progueux bien sûr. On est d’accord que l’on est entre nous !) Vous qui pleuriez sur l’ombre des Flower King ou sur le fantôme de Spock’s Beard, vous qui regrettez l’époque bénie des Grands Anciens, relevez la tête et séchez vos larmes, la délivrance est là ! Enfin ! » (Les autres allez vous faire peindre les aisselles, ça chatouille et ça décore).

D’abord, matez-moi cette pochette. Une œuvre d’art ! Couleurs vives, naïves, décor enchanteur, entre la Belle au Bois Dormant et Shrek; nature accueillante, eau pure coulant paisiblement, porte ouverte sur un jardin que l’on devine paradisiaque. Ça sent l’herbe fraîche, la bouse de vache, l’époque bénie mais lointaine des "Foxtrot" ou plus récente des "Back In The World Of Adventures", des "The Light", des "Kaipa" nouvelle génération, des "Transatlantic", des "Magic Pie", des "Overhead", des "Beardfish", des "Moon Safari", bref de toute une kyrielle de groupes anciens et nouveaux, jeunes et insolents, pompiers, volontiers copieurs, dégoulinants de technique suffisante et de compos écoeurantes à la limite du supportable. (Alors là, volontairement, je noie les non-initiés sous une pluie de noms de groupes qu’ils ne connaissent pas. Ce faisant je vise 2 objectifs ; le premier est de faire étalage de ma science et le second de les dissuader d’aller plus loin – les non-initiés, bien sûr).

Et qu’on se le dise, la musique d’Unitopia est purement, intégralement d’obédience progressive. Elle symbolise incarne, personnifie le parfait archétype du genre honni et concentre tous les poncifs, les clichés et gimmicks qui s’y rattachent : patronyme, visuel, contenu (double CD conceptuel bien entendu), morceaux à rallonges, tiroirs et labyrinthes ("The Garden" 22min et "Journey’s Friends" 16min), imbrication de thèmes hétéroclites, incursion tapageuse et outrancière dans le classique, le jazz ("Don’t Give Up Love"), le hard soft à papa et même la world musique. (Le Gab doit en faire des cauchemars !).

(Bref, tout l’attirail repoussoir pour le commun des mortels. Et quand je dis « commun », attention hein, je cible, j’arme mon fusil à cartouches spéciale dédain ultra perforantes, je dis « banal », je dis « petit », je dis « vulgum pecus » dans toute l’horreur de sa médiocrité).

Et moi j’adore ça. Je me délecte, je me pâme, je me roule dans la « ringardise », dans l’extravagance surannée avec le même plaisir que celui de l’hippopotame dans la boue du fleuve qui le nourrit. Ecoutez-moi ces envolées lyriques, ces claviers grandiloquents, véritable orgie de sons « bontempesques » - du miel pour mes oreilles mais une hantise pour les adeptes du riff gras et lourd. Entendez ces solos de guitare, légers et interminables, ces chœurs d’une limpidité, ces voix d’une clarté à semer l’épouvante parmi les « growlers » les plus noirs et les plus enragés de la scène black/death !

Non content de cela, il n’y a pas 1 mais 2 albums soit près de 2 heures de musique dans le même registre; de quoi révulser, repousser, rendre marteau le métal warrior pur et dur, le mordu de la double pédale, le flingué du blast-beat, le toqué de la 7 cordes réglée 3 tons en dessous de la normale.

(Chateaubriand a écrit : « Soyez économe de votre mépris, il y a tant de nécessiteux ». Aussi dans un esprit de partage, ajouterais-je pour n’oublier personne que tout ceci déplaira également aux adeptes de rock indé, de reggae, de rap, de punk - chers ennemis intimes, de pop, de variété, de jazz, de drum bass, de flamenco etc..
Et que dire des journaleux de « rote and fuck », des inrocks, de Télérama- Cher Hugo Cassavetti, je te hais cordialement - bref à peu près la quasi-totalité de la planète musique. Liste non exhaustive).

Oui, on peut le dire, j’aime cette débauche de sucreries alambiquées qui fait grincer les oreilles des « grinders », cette abondance de douceur naïve et de candeur bon enfant, supplice des « hardcoreux ». Oui, pour moi ce disque est un petit bijou et un excellent remède contre la morosité ambiante. Car, chers camarades lecteurs et kronikeurs, il m’arrive parfois d’avoir envie d’être joyeux et ce disque m’autorise cette dispendieuse folie. Notez bien que je ne dis pas « heureux » ; c’est un objectif trop ambitieux.

Alors docteur, la question est la suivante: « Comment fais-je pour concilier mon attrait pour une musique aussi décriée, ostracisée et mon penchant étrange voire suspect mais bien réel pour le côté obscur et plus consensuel d’Opeth, Riverside, Division By Zerro, Symphony X, Vanden Plas, Dream Theater, Pain of Salvation, Wolverine, Andromeda et tant d’autres qui ne sont pas les chantres de la bonne humeur ? »

Plusieurs réponses à cela :

1) je suis le plus éclectique (et modeste) kronikeur de VS.
2) ma bipolarité reconnue me permet tous les écarts de styles.
3) je n’ai aucun goût et je prends tout ce qui passe.
(Rayez la mention inutile)

Finalement, l’explication est peut être plus simple ; j’aime les enluminures propres au progressif quand elles ne sont pas uniquement le prétexte à copier bêtement les références ; quand elles s’apparentent à du travail bien fait, que la sincérité des protagonistes est non feinte et que mes émotions sont sollicitées sans racolage. Or donc, malgré une production un peu en fade, Unitopia - sans réinventer quoi que ce soit mais en prolongeant un rêve dont il faudra bien finir par se réveiller - correspond tout à fait à ces critères. Et youp la boum, la vie est belle ! Enfin presque…


Rédigé par : Karadok | 16/20 | Nb de lectures : 11046




Auteur
Commentaire
Nekobibu
Membre enregistré
Posté le: 02/01/2009 à 12h55 - (66251)
On cite Spock's Beard dans une chronique ? A moiiiii !! :D



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