Hé bien, c’est pas trop tôt. Depuis le temps qu’on attendait ce satané album, tout le monde commençait à désespérer de le voir un jour tourner sur nos platines. Avec un enregistrement qui s’était douloureusement étiré en longueur et une date de sortie plusieurs fois repoussée, on se demandait si « In A Flesh Aquarium » verrait finalement le jour à l’instar d’un groupe comme SADISTIC INTENT qui est au death metal ce que la guerre de 100 ans est à l’histoire de France.

L’attente a été longue mais finalement payante puisqu’UNEXPECT engendre ici un album qui fera assurément date chez les amateurs de bizarreries en tous genres.

Fidèle à une multiplicité musicale hypertrophiée déjà mise en avant sur le mini « We, invaders », UNEXPECT laisse libre cours à une verve sans limite tout au long des soixante et quelques minutes de ce deuxième disque de sa carrière. S’inspirant du black, du métal, de l’ambiant, du folk, du jazz, du classique, de l’indus, de la musique contemporaine et de tout ce qui passe à portée de leurs neurones dégénérés, les sept protagonistes de cette abomination à la créativité disproportionnée cristallisent ici une œuvre qui se réfère à tout sans ressembler à rien de ce que nos oreilles ont pu connaître dans le passé. Ici les genres se succèdent ou fusionnent dans une véritable orgie expérimentale.

Difficile que de définir avec précision le cheminement tortueux que peut prendre le style d’UNEXPECT. Vouloir appréhender la musique de ces Québécois dans sa globalité reviendrait à commander tous les plats de la carte dans un restaurant. « In A Flesh Aquarium » est une sorte de voyage hors du commun, une initiation surréaliste où tous les paramètres ont été poussés à leur paroxysme, une immersion dans un univers étrange où les idées se télescopent littéralement.

Pour en apprécier, en saisir les nuances variables d’une écoute à l’autre, ce disque nécessite d’être écouté à de multiples reprises. Même si l’impression exaltante qui s’en dégage reste la même, l’analyse drastique permet de découvrir à chaque fois des détails qui nous avaient échappé l’instant d’avant. L’univers d’UNEXPECT est vaste et renferme une foultitude de subtilités un peu partout disséminées.

Il faut voir avec quelle minutie, le groupe nous concocte des passages ambiants, entraînants ou chargés d’un lyrisme à la pureté infinie pour les tailler littéralement en pièce la seconde d’après en prenant, du même coup, son auditoire à contre-pied. La force d’UNEXPECT réside dans la surprise, dans le fait que le groupe ne va jamais dans la direction dans laquelle on l’attendait. Sautant du coq à l’âne dans une effervescence ou une zénitude toute personnelle, le style tentaculaire d’UNEXPECT part un peu dans tous les sens. Pourtant et aussi bizarre que cela puisse paraître, l’ensemble reste toujours cohérent et parfaitement en place.

La multi-instrumentalisation du groupe n’est peut-être pas étrangère à la richesse de leur musique : outre les instruments « classique » à un groupe de métal on retrouve également un violon omniprésent, un pianiste énervé et des apparitions de saxo, de violoncelle, de clarinette et puis il y a également cette basse neuf cordes, véritable phénomène de foire, fabriquée sur mesure pour satisfaire la démence de son utilisateur.

L’autre grande réussite de « In A Flesh Aquarium » réside dans la diversité de ses voix. Outre, l’envoûtante Leilindel dont la seule voix suffit à rendre amoureux, les organes des deux guitaristes sont également de la partie. Comme si trois chanteurs ne suffisaient pas, la modulation des voix, de même que les variations de chant multiplient la diversification créant ainsi des sortes de dialogues qui donnent à ce disque les atours d’un opéra métallique déjanté.

S’il fallait souligner ce disque par un seul et unique adjectif, le mot « baroque » serait sans doute le plus adapté mais sera-il suffisant pour définir les vastes horizons qu’il nous reste à parcourir avec UNEXPECT ?

Un disque passionnant, rafraîchissant et haut en couleur qui conforte dans l’idée que tout reste encore à faire en matière de musique. Pour les amateurs de Mr BUNGLE, ATROX, ARCTURUS et autres bizarreries.


Rédigé par : Tonton | 18,5/20 | Nb de lectures : 14702