Allez, cette fois-ci c’est la bonne. On va enfin pouvoir affirmer que la scène Djent tient son premier disque « chef-d’oeuvresque ». PERIPHERY avait certes frappé fort pour son premier disque éponyme, mais quelques défauts de jeunesse avaient terni la bestiole. One de TESSERACT, bien que plutôt bonnard, avait souffert de son statut d’arlésienne Djent (VILDHJARTA va-t-il suivre la même voie ?). Et une autre arlésienne, en voici une avec Februus, le premier album d’UNEVEN STRUCTURE, groupe franco-suédois assez éparpillé géographiquement bien qu’originaire de Metz. Oh, le disque n’était pas non plus attendu depuis 10 ans mais il faut dire que l’impatience s’était fait sentir, Februus ayant été annoncé dans la foulée de l’EP 8 sorti en décembre 2009, soit il y a presque 2 ans. Et quelques vidéos postées sur YouTube ont fait monter la sauce, de même que le premier extrait (une version démo de "Frost" contenant aussi le début de "Hail") posté à Noël 2010 provoquait chez l’auditeur quelques relents de « aaaargh, mais sortez cet album le plus vite possible ! ». 10 mois plus tard, le voilà. Enfin.

Formé en 2008, UNEVEN STRUCTURE a démarré de manière plutôt classique dans la scène Djent, à savoir en livrant un EP très « Meshuggesque ». 8, proposé en téléchargement libre par le groupe, présentait 8 morceaux qui ne font qu’un, avec une tendance pour les plans syncopés lancinants et accordés très (très !) bas. La horde de détracteurs du Djent en mode « repompe de MESHUGGAH » aura pu s’en donner à cœur joie (on aurait presque pu appeler cet EP Catch 8, héhé), mais nombreux sont ceux qui auront reconnu le talent des musiciens d’UNEVEN STRUCTURE qui nous auront livré un premier EP certes influencé mais parfaitement ficelé et diaboliquement efficace (raah, cet enchaînement "Confused Waveforms"-"Delusions of Grandeur"…). En s’affirmant comme un des groupes les plus intéressants, et donc un grand espoir de la scène Djent, UNEVEN STRUCTURE allait pourtant travailler dans l’ombre pour sortir un premier opus longue-durée nettement plus personnel, articulé autour de son line-up florissant. 3 guitaristes dont les deux têtes pensantes du groupe, Auré Pereira et Igor Omodei, ainsi qu’un nouveau chanteur recruté en 2010 à savoir Matthieu Romarin d’ANANTA. Ceux qui avaient investi dans In Media Res. auront déjà été happés par le chant clair étincelant de Matthieu, qui va avoir la charge d’illuminer Februus. Et qui dit chant clair, dit musique un chouïa plus atmosphérique…

Car UNEVEN STRUCTURE va désormais s’intégrer dans la frange la plus progressive et la plus atmosphérique du Djent, celle représentée notamment par TESSERACT (l’autre frange s’inspirant plutôt du metalcore/deathcore ricain, comme VOLUMES). Mais résumer UNEVEN STRUCTURE à un TESSERACT bis (comme certains commentateurs sur YouTube veulent le faire croire) serait un jugement très hâtif. UNEVEN STRUCTURE dégage une aura bien plus personnelle, une ambiance plus originale et des structures (irrégulières ?) plus travaillées. Une ambiance à la fois sombre et lumineuse (bien mise en valeur par la pochette, superbe), très progressive, qui accueille les parties Djent incisives et accrocheuses, qui ne laisse rien au hasard. Februus est le travail de plusieurs années, travail d’orfèvre qui va trouver sa récompense avec cette sortie chez le label qui monte, Basick Records. Au programme du voyage, on va donc trouver des passages très calmes portés par le chant clair de Matthieu et par les grattes semi-acoustiques radieuses, des accès polyrythmiques écrasants à souhait, et des montées d’ambiances tout à fait saisissantes. Le mariage de tout cela nous donne un concept-album nommé Februus.

L’œuvre s’éveille par "Awaken", qui démarre dans une intro mélodique sublime avant de se transformer en hit Djent redoutable, aux riffs percutants et accrocheurs et au refrain en chant clair magnifique. Constitué de 10 pistes qui n’en font en réalité qu’une seule (même si chaque morceau est différent des autres, bien que le livret présente l'intégralité des paroles sous forme d'un seul et unique texte), Februus est parfaitement varié dans les tempos et dans le placement des atmosphères. Arrive alors très vite "Frost", le premier extrait à avoir été dévoilé est définitivement la pièce maîtresse de cet album, avec son départ épuré très prenant et son passage central ultra-puissant en chant harsh qui décoiffe. Sans temps mort, le sextette enchaîne avec "Hail" qui tourne à la démonstration polyrythmique assez jouissive, toujours avec le chant clair éblouissant de maîtrise de Matthieu. Si le groupe nous montre de quoi il est capable sur le plan purement Math-Metal, il va vite nous montrer qu’il est aussi capable d’équilibrer le tout avec ses atmosphères lumineuses, laissant apercevoir d’autres influences comme le Post-Core. C’est ainsi que "Buds", qui débarque après l’interlude ambiant "Exmersion", va mettre l’auditeur en émoi : après une première partie épurée qui laisse l’occasion au batteur Christian Schreil de s’exprimer tout en finesse, ainsi que Matthieu pour le chant très posé, la montée en puissance va se produire et nous amener progressivement vers un final pesant et salvateur comme jamais, avec des vocaux hurlés déchirants. Mais après ce morceau en forme de montée aux cieux, on va redescendre illico sur terre à grands coups dans la tronche, grâce au frappadingue "Awe" : une déferlante de riffs alambiqués à toute berzingue, dont on arrive quand même à extirper un refrain en chant clair très accrocheur au milieu de 3 minutes de chaos. Court mais intense : la baffe de l’album !

A partir de là, UNEVEN STRUCTURE va nous faire une fin d’album pépère. Ouais bon, c’est peut-être dur à entendre, mais à vrai dire c’est un peu le sentiment que j’ai eu aux premières écoutes, trouvant résolument que tout a été dit sur les 6 premiers morceaux, qui peuvent aisément se suffire à eux-mêmes. Mais au fil des écoutes, on assimile mieux la cohérence de l’album tout entier, et ces 4 dernières pistes sont quand même de très, très grande qualité. "Quittance" présente des gimmicks vocaux très accrocheurs (« This Is Not… ») et des riffs plus simples et directs, faisant de ce titre l’autre hit immédiat de l’album avec "Awaken". L’autre interlude ambiant, "Limbo", va nous introduire la très jolie "Plenitude", démarrant de façon assez étrange avec des percussions un peu tribales qui laissent l’ambiance lumineuse se mettre en place en toile de fond, avec à nouveau une montée en puissance jusqu’au final en rouleau-compresseur, final prolongé par l’instrumental "Finale" qui aligne les riffs polyrythmiques au sein d’une ambiance particulièrement épique. 55 minutes parfaitement ficelées de bout en bout, passionnantes et magnifiques, l’ennui ne se fait jamais sentir même si ceux qui sont peu habitués au Metal progressif très atmosphérique risqueront de déceler quelques longueurs. 55 minutes prolongées par les 35 du second disque de Februus : mais il s’agit en fait de 3 morceaux entièrement ambiants, proche des travaux de Auré Pereira dans WORC (l’album Plychrmatic 0.1), ambiant beau et relaxant mais un peu longuet et manquant de variations pour apporter une véritable plus-value. Mais les amateurs du genre apprécieront ce bonus, qui est malgré tout dispensable (même s'il permet d'emballer le tout dans un somptueux double digipack, héhé).

Inutile de dire que comme tout groupe du genre, la production bute (réalisée par Igor Omodei lui-même à l’Uneven Box), mettant bien en valeur tous les instruments et rendant les parties Djent particulièrement groovy et incisives, bien mieux que sur le premier album de TESSERACT. Même si l’univers est nettement différent entre les deux formations, je vais quand même jouer au jeu des comparaisons brutes (surtout qu’il y a des similitudes dans la forme, à savoir un Math-Metal progressif atmosphérique tendant vers le « Post ») en disant que Februus d’UNEVEN STRUCTURE enterre nettement One de TESSERACT. Le combo franco-suédois nous propose ici un premier album tout à fait saisissant, avec un apparat très personnel dans l’ambiance et les structures, des musiciens de talent non négligeable (Matthieu étant vraiment un chanteur de premier choix), et un développement musical excellentissime avec des passages bluffants. Februus fait déjà figure de disque indispensable dans une scène Djent dont on ne sait toujours pas trop jusqu’où elle sera amenée à aller. Voire même au-delà, les fans de TEXTURES peu enclins aux Djenteries à la base, les amateurs des disques les plus progressifs de DEVIN TOWNSEND ou encore les mordus de Post-Core lumineux à la ISIS ou CULT OF LUNA qui n’ont pas peur de quelques plans syncopés, peuvent aisément tenter l’aventure. Un album riche, pas forcément évident à digérer au premier abord (j’ai même eu peur qu’il me déçoive vraiment à un moment, n’arrivant pas à me faire à la fin de l’album un tout petit peu moins intéressante que le début), mais d’une très grande qualité en son genre, presque un chef-d’œuvre surtout pour un premier album. Thall.


Rédigé par : ZeSnake | 17/20 | Nb de lectures : 16917