Il fait peu dire que que ce troisième album de ULCERATE, sorti en début d'année, était plus qu'attendu après la déflagration administrée en 2009 avec le dévastateur "Everything Is Fire", qui a fait grand bruit, plaçant du même coup le groupe comme un des plus intéressants du courant death plutôt en berne niveau création...
Faut dire que les Néo-Zélandais se sont forgé un style singulier avec cet album, une patte imméditement reconnaissable aux premières secondes, ce qui est rare de nos jours, avec un death suffoquant et écrasant façon Hate Eternal/Immolation, des riffs dissonants à la Gorguts/Deathspell Omega et surtout une ambiance tendue et sombre comme sur les premiers Neurosis. Ils avaient trouvé leur identité avec cet album qui est une vraie expérience plongeant l'auditeur dans un univers tellement grisant. Plus de deux ans après sa sortie, cet album me retourne toujours autant. C'est donc avec une certaine crainte que j'attendais une suite: d'une, la peur de ne pas retrouver cette force créatrice d'un chaos totalement maîtrisé et donc une oeuvre d'un même niveau et deuxièment, avoir droit à une petite redite.

Aux premières écoutes, pas d'autres constats possibles que d'admettre qu'il n'y a point de déception, ce nouvel album est aussi bon que le précédent, sauf qu'il n'y a pas vraiment de gros changement. Le trio continue d'explorer sa voie, quitte à ne pas changer sa formule, ce qui pourrait être vu comme un défaut. Et même si ce sentiment de bis repetita me dérange un peu, je me dis que le groupe cherche peut-être à atteindre une sorte d'aboutissement de leur vision en poussant le truc un peu plus loin... Tout cela s'oublie pourtant rapidement car l'on est littéralement happé par cette ambiance ultra sombre et pesante, parfaite bande son de fin du monde. Ils ont remis ça et c'est encore plus suffoquant. Il y a quand même un truc qui a changé chez Ulcerate: les nouvelles compositions sont surtout plus atmosphériques, aérées par de nombreux passages calmes grisants comme il faut, où le chant toujours aussi écorché se fait plus discret laissant de longues plages instrumentales. S'ils ont accentué cette facette-là offrant une dualité intéressante tant les transitions se font naturellements, les côtés rentre-dedans et dissonants n'ont pas disparu pour autant et je le trouve même plus opaque, plus difficile à mémoriser, bien plus dense également avec les guitares qui s’entremêlent comme jamais et offrent une nouvelle richesse. Les riffs sont fouillés et s'étirent bizarrement, il se passe toujours plein de choses avec des lignes mélodiques ici et là, une parfaite complémentarité des parties jouées par chaque guitare, surtout quand l’une joue une nappe de fond bien lourde, qui apporte un effet de profondeur impressionnant (comme sur "Burning Skies" ou « Dead Oceans »), et l’autre vient avec ses notes plus claires et inquiétantes… Grandiose. Le tout soutenu par le jeu atypique de Jamie Saint-Merat, avec son jeu de double grosses caisses nucléaire vif, précis et terrassant.
On pourra regretter un ensemble un peu linéaire, ça manque de nuances entre chaque titre, défaut que l'on pouvait trouver sur "Everything Is Fire", toujours cette même façon de construire ces morceaux. Heureusement que quelques morceaux se dégagent comme "Dead Oceans", avec son démarrage en trombe (bien soutenu par la double grosse caisse qui donne un effet rouleau compresseur), où le groupe hausse le tempo ce qui donne un aspect plus rentre-dedans bien que les riffs soient moins mouvants. Contraste saisissant.
Que dire de la longue intro glaciale et triste de "Omens" où l'on se sent bien seul, cette impression d'assister impuissant à quelques choses de tragique. Le morceau titre, de 10 minutes, concluant en apothéose cet album, montre bien le nouveau visage plus aéré du groupe même si cette odeur de souffre vous prend à la gorge.
Mais le morceau fort est sans conteste le pesant "Cold Becoming" avec ses riffs tourbillonnants, sa mélodie de fond tellement désespérée et son final majestueux avec un riffs énorme, bien épais et étrangement lumineux (bien que la batterie soit à fond derrière !!! ), qui donne plus de nuance à une œuvre bien noire. Et rares sont les moments de grâce comme celui-ci chez Ulcerate.

Les Néo-Zélandais suivent donc leur chemin, et les quelques défauts mentionnés n'entament en rien mon enthousiasme pour ce superbe album qui tourne depuis 6 mois. Belle confirmation pour ce groupe unique qui devrait ravir les auditeurs aventureux à la recherche de metal pour le moins tortueux.


Rédigé par : Arnaud | 16/20 | Nb de lectures : 13355