Dans de nombreux foyers du monde, beaucoup se demandent encore quelle vertu peut apporter le visionnage intensif des matchs de foot à la télé. Hormis des tensions familiales et des risques d'infarctus, il faut avouer que tenir une bière et un paquet de chips devant un téléviseur en commentant chaque choix tactique du sélectionneur ne paraît pas, de prime abord, apporter de quoi briller en société. Et pourtant, avec son air de beauf, l'amateur de football peut vous niquer la face sans effort aux questions géographie du Trivial Pursuit!

Hé oui, cet être d'apparence débonnaire peut vous situer Bratislava les yeux fermés en donnant le nombre de places du stade. Il connait des villes turques dont personne n'a jamais entendu parler. Et il sait situer les îles Féroé, un tout petit archipel danois perdu dans l'Atlantique, au nord de l'Ecosse, qui abrite la 194ème équipe dans le classement mondial de la FIFA. Mais cette dernière connaissance, l'amateur de foot la partage désormais avec le métalleux amateur de viking. Tremble, footeux!!

Car depuis quelques années, une formation dénommée Týr vient enchanter nos chaumières avec les coups de boutoir de son heavy/viking progressif. Quand je relis la chronique de "Ragnarok" dans les pages de VS, je me dis "Ouah, quel enthousiasme de ma part!". Ne croyez pas un instant que je renie mes propos, que nenni. "Ragnarok" m'a bien laissé sur le cul, même si je garde une préférence manifeste pour les premiers efforts du groupe des Féroé. Týr reste un groupe magique avec une personnalité unique, de la trempe de ceux qui font voyager loin du morne quotidien.

"Ragnarok" avait alourdi et recentré le propos sur les lignes vocales exceptionnelles chantées par le groupe. Malgré un set apparemment écourté, les Parisiens ont récemment pu constater que les organes des membres du groupe sont bien aussi puissants et imposants que leurs albums le laissaient supposer (non, y'a rien de cochon là-dedans). Il faut juste à l'auditeur la volonté de se laisser embarquer dans une musique assez spéciale. Et j'avoue avoir traîné un peu les pieds (ou plutôt les oreilles) avec "Land", le quatrième opus de la formation.

Continuant dans le sillon de "Ragnarok", "Land" propose 68 minutes d'un viking lourd, mêlant toujours le heavy et des éléments progressifs aux exceptionnelles lignes de chant. Poussant le bouchon un peu plus loin, "Land" épure encore les éléments rythmiques pour laisser le maximum de places aux chants inspirés des sagas scandinaves. Alors oui, les chants sont magnifiques et font voyager l'auditeur entre l'islandais, le norvégien et le féroïen. Les leads qui reprennent en grande partie ces lignes mélodiques participent à l'ambiance générale apaisante de l'opus.

Mais ce sont les rythmiques qui pâtissent de la quête de mélancolie du groupe. Au sein d'un morceau, elles se limitent fréquemment à la même suite d'accord et donnent l'impression que le groupe entre musicalement dans un certain ronronnement. On est loin des compos variées, des ponts musicaux et des errances rythmiques d'un "Eric the Red". A tempo égal et traitement très similaire, tous les titres se ressemblent, sans jamais vraiment sortir du port, hormis dans l'excellent et épique titre éponyme (qui monte en puissance au long de 16 minutes). Mais à part ce brûlot nostalgique d'un autre temps, l'album me paraît longuet, évaporant la magie des précédents forfaits.

Dotée d'une production lourde et puissante et d'une interprétation impeccable, "Land" pèche à mon goût par son manque d'énergie et un sentiment de grosse répétitivité dans les riffs. Les amateurs de viking qui ont découvert le groupe récemment ou avec l'album précédent pourront trouver leur bonheur. Je reste nostalgique des deux premiers efforts, plus variés et rentre-dedans, tout en restant très mélodiques. Bref, comme dans un match de foot, Týr manque de qualités offensives et adopte une tactique défensive un peu trop connue…


Rédigé par : Prince de Lu | 13/20 | Nb de lectures : 11620