Ah, l'heure de l'envoi des promos. Ce moment exaltant où le chroniqueur communique avec le rédac-chef pour définir quelles pépites viendront jalonner ses proses dans les semaines à venir.
"Ouais, je te prends aussi celui-ci, puisque tu insistes... Bon OK, aussi celui-là, celui-ci et ta merde-là... Pfff, t'es relou. Tu peux pas refiler ça à quelqu'un d'autre?... Non, je m'en cogne que personne n'en veuille. T'as qu'à bizuter un nouveau... Bon d'accord, mais t'es un bel enculé... Non, je retire rien de ce que j'ai dit. T'es un bel enculé et puis c'est marre... Ouais, ben si tu le prends comme ça, ça va aller! Tu fais chier, tu sais où tu peux te les mettre tes promos pourris?"
Je baisse maintenant un voile pudique sur cette scène touchante d'émotion. Surtout que l'album du jour fait partie des surprises, un peu comme un enfant non désiré qui débarque par la cheminée. Sauf que là c'est dans la boîte aux lettres.

Quand j'ai vu passer le nom de Tyrann, j'ai juste levé un sourcil soupçonneux et j'ai délicatement adressé une prière à mon rédac-chef ("Quel con ce Greg, il a encore fait un faute dans le nom"). Mais après une rapide vérification (non, pas sur metal-archives, la fiche n'existait pas), mon caleçon a connu sa première crise du logement de l'année. "P'tain, Tyrann... C'est... C'est le projet du guitariste Draugluin, ex-Tsjuder. P'tain, il y a aussi le batteur de Tsjuder..." En fait, il y a également Seidemann de 1349 à la basse, mais je vous avouerai qu'à ce stade de mon investigation, je m'en cognais un peu.

Donc Tyrann est le projet de Draugluin. Tout d'abord solo, la bestiole née en 2002 n'a rien donné de concret, le gratteux étant trop accaparé par Tsjuder qui lui ingurgitait toutes ses compositions. Mais une fois le monstre norvégien arrêté, Draugluin s'est lancé dans la composition d'un album de Tyrann, album qui a été enregistré à l'été 2007. Et plus d'un an plus tard, c'est Dark Essence/Karisma qui se sort enfin les doigts pour proposer la vibration animale sur ses étals.

La comparaison avec Tsjuder est inévitable, étant donné que c'est son compositeur qui est également derrière le projet. De Tsjuder, vous gardez les blasts carnassiers et les riffs plus groovy. Mais là où le furieux combo visait avant tout l'efficacité brute et un assaut auditif sans concession, Tyrann s'avère bien plus sournois. Le groupe varie les plaisirs et la durée de ses compositions, au fil de l'exploitation des riffs. Il n'hésite pas à proposer des moments de noirceur plombés avec amour (le passage central de "Trial by Fire" est excellent). Les atmosphères de Shadows of Leng se trouvent moins directement guerrières que ce que proposait Tsjuder, même si la patte de Draugluin est reconnaissable sans équivoque. Les ambiances morbides et haineuses se mettent en place dans des titres poussant au headbang. Jusqu'à un épilogue de carrément onze minutes qui nous repousse dans la tombe. Diantre.

Développant des thèmatiques Lovecraftiennes ou une fascination inquiétante pour la mort, Shadows of Leng est une pièce noire de black furibard à l'ancienne. Alors que Krypt manquait d'accroche, Tyrann réussit le pari de conserver l'essence de Tsjuder et de la mettre dans un moteur qui a sa propre personnalité. Ca watte, ça groove, ça bute. Hell yeah et pis c'est tout!


Rédigé par : Prince de Lu | 17/20 | Nb de lectures : 13262