Il est toujours étonnant de remarquer que les êtres les plus misanthropes (revendiqués) de la scène Black-Metal soient capables de s’associer entre eux. C’est cette association inédite qui avait fait grand bruit lors de la formation de TWILIGHT (non, rien à voir avec ce-que-vous-pensez), le « All-Star Band » de l’USBM. Après l’enregistrement d’un premier album éponyme en 2005, le tout n’a pas tenu longtemps et le projet a splitté en 2008 avec le départ des plus misanthropes du lot (ils n’ont peut-être pas supporté le fait de se retrouver avec leurs semblables, finalement), à savoir Malefic de XASTHUR et Hildolf de DRAUGAR. Split de courte durée vu que le projet renaîtra dès l’année suivante pour enregistrer un second album. Autour du trio fondateur Wrest (LEVIATHAN), Imperial (KRIEG) et Blake Judd (NACHTMYSTIUM), on retrouve donc de nouvelles têtes : Aaron Turner (ex-ISIS), Sanford Parker (MINSK, nouveau venu chez NACHTMYSTIUM) et Stavros Giannopolous (du groupe de Stoner THE ATLAS MOTH). C’est cette fine équipe qui se charge d’enregistrer Monument To Time End.

Après un Twilight correct mais très convenu dans le style USBM (ce qui fait que le projet a souvent été taxé de « pétard mouillé »), TWILIGHT a décidé d’évoluer un peu. La présence de membres de NACHTMYSTIUM (qui a pris un virage très psyché), d’ISIS et de THE ATLAS MOTH n’y est pas étrangère, et tout laisse à penser qu’on va entrevoir avec Monument To Time End un album plus expérimental. Mais alors que NACHTMYSTIUM a, à mon sens, raté le coche dans ce registre (Assassins m’a très vite gonflé, et j’applique l’adage « trop de psyché tue le psyché » à Addicts), TWILIGHT va permettre à Judd et à Parker de rectifier le tir avec l’aide de leurs camarades de jeu.

Psyché, Monument To Time End l’est, assurément. Ceux qui sont allergiques à ce genre d’ambiances bien fumeuses risquent donc de rester à quai. Mais n’étant pas du tout aficionado de psyché, Monument To Time End (que j’avais découvert par pure curiosité grâce au pedigree du line-up) m’a scotché, comme quoi tout reste possible. La première chose qui m’a convaincu dans cet album c’est l’ambiance : une ambiance glauque et morbide, et psychédélico-spatiale à la fois. Le tout est porté par la voix possédée d’Imperial, absolument jubilatoire par moments (argh, ces cris d’écorchés vif sur "Red Fields", ces râles déchirants sur "Deacying Observer"…). La voix de Judd est excellente également, les deux vocalistes se partagent le boulot à merveille. Un album purement hypnotique, dont le seul but semble être d’endoctriner votre âme, et de la perdre dans les abysses de la fin du temps. Mais l’ambiance ne fait pas tout, les riffs concoctés par le collectif sont souvent géniaux, comme la partie centrale implacable de "Fall Behind Eternity", les montées de "Red Fields", le très véloce "Convulsions in Wells of Fever", ou au sein de ce tube assez efficace qu’est "8,000 Years". Les leads quasi-funéraires sont également d’excellente facture tout en participant à l’ambiance, notamment sur l’introductif "The Cryptic Ascension", et que dire des rythmiques Doom écrasantes à souhait. Les claviers sont particulièrement épiques, et se lâchent assez souvent ("8,000 Years"), tout en assurant le côté purement psyché avec des nappes stellaires ("Fall Behind Eternity"). Et pour couronner le tout, le jeu de batterie de Wrest est bien dosé et est parfaitement en accord avec la musique, le frontman de LEVIATHAN s’avère encore une fois être un des tout meilleurs batteurs du monde du Black « Underground ». Très cohérent, et très varié dans les tempos, dans les compositions et dans les atmosphères, Monument To Time End fait mouche, et s’avère être un véritable bijou de Black Psychédélique, parfois pas loin du Post-Black (bien qu’il n’y ait pas tellement d’influs Post-Metal malgré la présence de Turner), et est au final assez unique en son genre. Un travail collectif qui était loin d’être évident (surtout que l’on pouvait être assez exigeant par rapport à ce que le groupe a à nous proposer sur le papier), mais qui s’avère être une réussite totale avec cet album. Je n’y vois pas de gros défauts (hormis les deux derniers titres assez longuets), les membres du projet ont suffisamment de bouteille pour maîtriser leur sujet de A à Z.

Alors bien sûr, il est vrai qu’aujourd’hui TWILIGHT peut se résumer à un NACHTMYSTIUM plus étoffé qui aurait piqué quelques éléments à LURKER OF CHALICE et KRIEG, mais Monument To Time End est bien plus que ça. D’autres vont inévitablement taxer TWILIGHT de « hype » (Southern Lord toussa…) et hurler à la surenchère de psyché dans un collectif de Blackeux qui se veulent « true » (quoique ça se discute). D’autres auront du mal à faire l’effort car Monument To Time End est un disque dense, qui ne laisse pas apprivoiser facilement, qui demande du temps pour être digéré mais qui tient parfaitement sur la durée, et qui s’avère être diaboliquement accrocheur en plus d’être mystérieux et intriguant au premier abord. D’autres n’y arriveront pas car ils ont la scène USBM en horreur (ce que je peux comprendre), mais quoi qu’il en soit ce deuxième album de TWILIGHT est une sacrée curiosité, qui peut plaire à tout le monde si on se laisse posséder par l’ambiance sombre et unique en son genre développée ici. Un quasi-exploit après un premier album anecdotique et les efforts récents de NACHTMYSTIUM qui n’ont pas fait l’unanimité. Un monument, tout simplement…


Rédigé par : ZeSnake | 17/20 | Nb de lectures : 13519