Puisqu'il paraît qu'Arkona "c'est des vendus" (ce qu'il faut pas lire comme âneries sur le net, parfois), intéressons-nous aujourd'hui à un groupe de pagan slave moins connu. Et quand une jeune fille de l’Est vous susurre "Tou devrrrais écouter Tverrrrd", il ne faut jamais la décevoir. Le patronyme Tverd devrait d'ailleurs évoquer quelque chose aux réguliers des scènes de l'Est. Et effectivement, Tverd n'est autre que le nouveau projet de Vetrodar, qui n'est pas un acteur porno mais le leader de feu-Pagan Reign à qui ce nouveau combo emprunte le nom de son ultime album. Le projet est né des cendres de Pagan Reign et de la volonté de Vetrodar de constituer un groupe de folk metal aux consonances slaves. Je n’ai jamais eu l’occasion de vous causer des excellents Pagan Reign de leur vivant, alors autant se rattraper avec Tverd et, j’espère, vous donner envie de découvrir ces deux formations (si ce n’est déjà fait).

Follow the Sun's Way est le premier album de Tverd, et même sa toute première sortie. Comme fréquemment, l'opus existe en deux versions : la version russe sortie par CD-Maximum en octobre 2008 et la version occidentalisée sortie par Wicked Music en mai 2009. Les deux versions sont identiques, à la traduction des textes près. Le pressage Wicked propose une traduction anglaise de la tracklist de la back cover (english spoken) et du livret (à une page près, sûrement pour nous entraîner). Malgré mes lacunes abyssales en russe, le quatrième de couverture ne me semble pas non plus présenter en quelques dix mots la tartine de la page russe correspondante. Mais globalement, vous trouverez un livret identique mais traduit, et vous économiserez de l'emmerdement à ne pas vous dégoter la version russkof.

Loin d'un folk metal plus produit à la Arkona, Tverd s'immerge complètement dans son mélange détonant de musique traditionnelle et de metal. Les notes virevoltent et les enchaînements sont aussi nombreux dans un album qui est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Le tout est porté par les voix vibrantes mâle et femelle de deux vocalistes "opératiques", auxquels s'ajoutent les growls du leader. Usant d'instruments tradi authentiques, la formation ne s’inscrit pas dans un folk metal formaté en studio. Plutôt que de proposer pléthore d’instruments et de douces vocalises, le groupe russe va plutôt exprimer un folk metal très varié de manière brute et sans détours dans une production assez roots. Indéniablement slave, le vibrato des voix est semblable à ce qu'on peut trouver chez Chur et ces hurlements du terroir risquent bien de déplaire aux chiens d'occidentaux capitalistes que vous êtes. Il n’empêche que c’est la pulsation puissante des steppes qui bat sous les atours rêches de Tverd.

On cause des bidules folkloriques, mais le metal est évidemment très présent dans cet opus. Soutenant en rythmique les éléments traditionnels, il apporte la puissance de feu et la fureur nécessaires. L'équilibre avec les parties folk et électriques semblent très naturels et on est transporté d'un riff heavy à un passage de balalaïka avec une aisance sidérante. Les riffs sont nombreux, dans des titres qui évoluent très rapidement ("Wide Maslenitsa" part en sucette en une minute). Et si Tverd ne privilégie que rarement la force de frappe, le groupe sait enchanter avec des mélopées et des cavalcades qui évoquent les grandes heures des Tsars. De quoi donner envie de sortir sans honte le bonnet en poil de yack que mémé Suzette vous a confectionné.

Pour agrémenter notre voyage dans la toundra, Tverd nous réserve aussi de bien bonnes surprises (vous en conviendrez certainement si vous avez écouté l’album jusqu’au bout). A l'instar de "The Motherland's Heart" qui renvoie Temnozor dans sa niche ou du souffle épique d'un "The Bogatyr's Gates", certains titres sont simplement des brûlots qui transportent leur auditeur bien loin de ses chaussures. A moins d'habiter à Moscou, auquel cas le voyage sera plus bref, évidemment. Côté défauts, je trouve l’album un peu long. Évidemment, l’auditeur en veut pour ses roubles quand il investit deux mois de son salaire d'ouvrier dans un bout de plastique. Mais l’impact s’en trouve un peu réduit et quelques titres auraient peut-être mérité d'attendre la prochaine livraison.

Fort différent des sorties folk metal qui envahissent les étals, ce premier album de Tverd est une réussite, dotée d'une personnalité et d'une belle maîtrise. Ce produit estampillé label rouge slave sera un mets de choix pour les aficionados de la scène pagan russo-ukrainienne en manque de sensations. De quoi se divertir en attendant le second album Rus déjà à l'enregistrement (avec des parties en 5.1, ça promet). Je me doute bien que Tverd ne conviendra pas au plus grand nombre, mais nous ne sommes pas en démocratie. Pour moi, cet album bute.


Rédigé par : Prince de Lu | 17,5/20 | Nb de lectures : 13841