Avant Pelican fut Tusk… cette phrase sibylline, presque biblique, en surprendra plus d’un tant le volatile amphibie aura su imposer sa marque au fil des années pour devenir un incontournable de la scène post-core-rock-instru-metal-machin.

En effet, Pelican aura sorti depuis son EP éponyme de 2001, pas moins de 3 albums, 2 autres EPs, 3 splits et 2 DVDs, le tout par le biais d’Hydra Head, c’est dire si la formation post-instru-metal aura pris le pas sur TUSK qui nous propose aujourd’hui son troisième méfait seulement (ou plutôt quatrième si l’on compte leur premier enregistrement sorti sous la forme d’un split avec les grindeux tarés de Hewhocorrupts).

Mais quid de TUSK ? « Un chef-d’oeuvre bizarroïde signé du génial Alessandro Jodorowsky !!! » répondront les plus cinéphiles d’entre vous… nous ne nous étendrons cependant pas sur le sujet tant il est vrai que nous sommes là pour parler de musique…

TUSK est initialement un quatuor formé de ¾ de Pelican (les 2 guitaristes, dont 1 à la basse, et le batteur) et d’un hurluberlu à chemise à jabot du nom de Jordy Minnoch au « chant ». Pour ce qui est de leur musique, on parle alors d’une sorte de grind progressif, psychédélique, voire expérimental, doté d’un son assez proche de Pelican, en particulier en ce qui concerne le traitement de la guitare. C’est en tout cas ce qui ressort des premières écoutes de « Get Ready ! », premier album réédité il y a peu par le label Hewhocorrupts Inc., qui avait justement déjà produit la première édition. Au menu, de la violence musicale donc, à base de blasts et de descentes de manches, mais abordée d’une manière assez atypique pour le style… Des morceaux longs, se perdant parfois dans des digressions surprenantes, tendance qui se confirmera avec « The Tree Of No Return », second LP sorti sur Tortuga Recordings (label apparenté à Hydra Head). Discordance Axis meets Yes, du chaos-metal teuton à la Acme, Mörser ou Systral joué par des fans de This Heat ou de Don Caballero… un peu comme si Steve « Today Is The Day » Austin avait pris le contrôle de Pelican (par les fesses), le tout agrémenté des vocaux déjantés d’un capitaine au long cours (véridique !!!) en goguette sur la terre ferme, et de divers instruments plus ou moins « exotiques » (claviers, sitar, slide ou mandoline).

Seulement voilà, Jordy « sailor man » Minnoch, las de voir ses comparses voguer vers des contrées de plus en plus « expérimentales » et de moins en moins « rock’n’roll », quitte le navire… et c’est un TUSK qu’on dit moribond (« The Resisting Dreamer » étant annoncé comme son chant du cygne) qui nous revient cette fois accompagné de Toby Driver (Kayo Dot) et Evan Patterson (Young Widows) aux chants. Le résultat fait plus que confirmer les velléités « expérimentales » du trio d’instrumentistes originel qui a définitivement troqué ses intentions tech-metal grindisantes des débuts pour une approche beaucoup plus posée, même si pas forcément moins intéressante.

L’écoute de « The Resisting Dreamer » est en effet plutôt déstabilisante pour qui connaît le groupe sous sa précédente incarnation : les hurlements de Minnoch ont cédé la place aux incantations de Driver et Patterson, et le côté frontal de la musique a presque totalement disparu au profit d’une noise déglinguée et lancinante flirtant avec le « post » et le « prog », évoquant plus que jamais un This Heat métallisé ou encore un Kayo Dot crasseux, voire un Oxbow versé dans le post-metal plutôt que dans le blues noisy (ou la noise bluesy). « Moins d’agression, plus de torture » semble être le leitmotiv ici, tant la violence a changé d’incarnation au long de ces 4 titres pour presque 40 minutes.

Le premier titre et son alternance « arpèges plaintifs et maladifs / riff pachydermique et groovy » accompagnés du concert d’incantations des deux chanteurs s’enchaîne avec une seconde plage encore plus déstructurée et lancinante copulant avec une noise lo-fi et dérangée, illustrée par des interventions vocales cette fois hallucinées pour une première partie de disque, assez hallucinante justement, s’achevant sur un drone assurant la transition vers la suite. Le drone se transforme peu à peu en embryon de complainte post-rock à la Red Sparowes/Pelican des moment calmes, puis le drone reprend ses droits pour servir de support à des hurlements lointains qui pourraient laisser croire au retour sur terre de Minnoch pour une prestation réminiscente d’un certain black ambiant expérimental à la Leviathan, Xasthur and co., voire du Sunno))) de « Black One ». Le disque s’achève sur une longue (trop ?) plage de drone noisy soutenue par quelques éclats de cymbales et percussions lointaines.

Le constat est sans appel : le Tusk d’aujourd’hui et celui d’hier n’ont plus grand-chose en commun, même si la qualité et l’inventivité sont toujours au rendez-vous. On pourra cependant regretter la disparition des ingrédients « métal » au bénéfice de cette touche « expérimentale » devenue aujourd’hui si hype.


Rédigé par : NicoSata | 15/20 | Nb de lectures : 10867