Pour beaucoup, Tsjuder a été un des fiers représentants du black sans compromis. Ce black qui a jeté les dernières pelletées de terre sur le cercueil d'un black sophistiqué moribond au début des années 2000. Alors que les synthés finissaient de disparaitre du paysage et que le public recherchait des sensations plus crues, les Norvégiens ont répondu présents. Pour beaucoup aussi, l'annonce assez discrète du split en 2006 a été un saignement. Qui allait nous discipliner à présent? Dans mon quartier, on ne comptait plus les femmes qui se lacéraient la poitrine et les hommes qui se faisaient seppuku suite à la disparition du combo grimé. Lâche, j'ai préféré ne pas passer à l'acte ultime en espérant que Krypt ou Tyrann m'illumine de sa grandeur. Tyrann l'a fait et Shadows of Leng est juste un p*§£in d'album. Mais rien ne valait le retour du vrai Tsjuder, chose faite depuis l'année dernière. Après avoir atomisé le Hellfest en juin dernier, les guerriers peinturlurés commettent enfin un nouvel opus, le premier depuis Desert Northern Hell en (déjà) 2004. Et Draugluin avait son lot de riffs à revendre, vu que les bandes de Tyrann dataient de 2007.

Du groupe, on ne retient souvent que son line-up le plus récent, le trio infernal Nag-Draugluin-AntiChristian, et il est vrai que c'est la machine de guerre parfaite pour interpréter ces titres tonitruants. Power trio par excellence, les Norvégiens alignent ce qui se fait de mieux sur le marché: un vocaliste qui croasse comme un corbeau mort depuis deux semaines (sacré corbeau, ça) et qui joue accessoirement de la basse, un guitariste qui pond des riffs à tomber par terre comme des perles et un batteur qui est une machine dotée d'un énorme sens du pattern "juste". Quel musicien ne rêverait pas de jouer au milieu de ces forcenés? "Les mêmes vieux gars, la même vieille musique, mais plus brutale, plus black metal, mais aussi plus rock, plus punk", résumait le batteur de la formation à notre Kamarade Skay en juin dernier. Bon, AntiChristian est un batteur, donc pas forcément le mieux placé pour parler musique. Alors que vraiment retenir de ce nouvel opus?

Vous vouliez du Tsjuder? En voilà, et en plein dans la gueule. A la reprise d'Elton John près, Legion Helvete est fort similaire à son prédécesseur. Du titre qui blast, du titre qui ne blaste pas mais qui pose son ambiance de mort, du riff rouleau-compresseur, du riff thrashy à mort joué à la vitesse de l'éclair, un final tout en longueur comme Draugluin les affectionne. Pas de claviers, pas de nana qui couine, pas de banjo, pas d'hypersensible qui a mal à la vie. No fucking compromise! Satan! Cet album va vous faire saigner par tous les orifices. Tsjuder a ouvert en grand les portes de l'Enfer, invoquant à nouveau le Grand Bouc pour venir écraser la vermine chrétienne.

Côté production, Tsjuder mise également sur la continuité, avec une mise en boite au Triple T (I Am God de Krypt et Desert Northern Hell de qui-vous savez) et une visite au DUB Studio pour la batterie (Blood Red Throne, mais surtout le Shadows of Leng de Tyrann). Et la mise en boite est à la hauteur des espérances. La production est instinctive, donnant l'impression d'un enregistrement très live et dans l'urgence. Les petites imperfections qui émaillent le jeu n'en donnent que plus de réalisme et de fougue à l'ensemble. Je mets juste un bémol sur la batterie qui sonne un chouia moins naturelle, parce que je suis un connard qui aime bien redire sur la mnière dont rend la batterie. Même s'il est plus rond et moins crassouille que sur les précédents opus, le son est sec comme un coup de trique, à rebours des productions modernes, et donne une authenticité au bazar. Et Tsjuder ne surproduit pas, doublant très rarement la guitare. L'album représente fortement ce que vous prendrez dans la gueule en concerts. Oui, il faut penser aux concerts, car c'est clairement un tank en live que vous écoutez là. Les ouin-ouin qui n'aiment leur black que dans leur salon iront remplir leurs couches plus loin, merci pour les vrais poilus. Un truc pareil, ça se prend de plein fouet dans les ténèbres d'une salle surchauffée.

Que dire d'autre sinon que le démon sur la pochette est cool. Ne faites pas vos fiottes et prenez l'édition digipack avec l'écusson. Cette pochette est très classe (et signée 3-Crosses, que je ne félicite que rarement). L'artwork du livret est par contre plus fade, gloubiboulga noir et blanc de photos et de textes gothiques. Mais le digi claque!! Je me suis pris le pack avec le t-shirt, pour dire comme je suis juste un fan boy.

Legion Helvete est pile le genre d'album que j'ai envie de faire hurler dans les enceintes. L'opus croustillant qui mélange les grandes influences du metal et les met sous pression pour en extraire le cœur de la meule. Il est évident que nous sommes face à des gars qui embrassent leur culture metal forgée au fil des ans, et pas face à un simple ersatz qui repompe via ses amis MySpace. Rien que pour cette patine de l'ancien temps, Tsjuder mérite le respect. Et le final, mais quel final nom di diou!! Bon, on ne va pas tourner autour du pot pendant trois heures. On est tous ici entre adultes consentants qui aiment se faire du mal. Vous vous attendiez à quoi de la part de Tsjuder? Ben, voilà c'est exactement ça. Les patrons du True Norwegian Black Metal sont de retour. Et ça fait du bien de se laisser rosser.

Helvete!!




Rédigé par : Prince de Lu | 18/20 | Nb de lectures : 18964