Ne vous laissez pas abuser par la pochette "néo metal" ou "hardcore" de ce disque ou par le nom du groupe un rien ambigu. Ceci, quand bien même l'une et l'autre mettent en avant et de manière "ostensible" (arf!) son côté décalé. Cependant, reconnaissons-le, il faut être sacrément ouvert d'esprit pour aborder l'écoute du premier album de ce trio américain. Non pas que leur musique soit indigeste ou "zarbie" . (en fait , si, mais chut!) Non, elle est tout simplement issue de l'école la plus avant gardiste et la plus déjantée du progressif seventies emmenée à l'époque par Van Der Graaf Generator et King Crimson. Vous êtes encore là? Bien! J'admire votre curiosité. Or, qui dit VDGG, dit dépaysement garanti, aventures musicales tous azimuts et hors des sentiers battus du symphonisme façon Yes, Genesis ou du psychédélisme à la Pink Floyd. Toujours là? Je salue votre patience! Allez, j'ai de quoi faire fuir définitivement les derniers lecteurs de cette chronique suicidaire: Tripod est un trio "métal" qui n'utilise ni les claviers (passe encore!) et, la ça se complique, attention... pas de guitare! (aïe, là j'en vois qui cliquent sur la petite croix en haut à gauche!) Vous avez bien lu! Hormis la basse (faut quand même pas pousser!) pas l'ombre d'un instrument qui ressemble de prêt ou de loin à une mandoline ou une cithare (la fender du moyen âge) pour envoyer des riffs bien gras. Bah alors, il joue de quoi ce trio? Même si l'on délaisse la gratte et les claviers, sacro-saints instruments dans le progressif mainstream et plus encore dans le métal prog, subsistent une basse 12 cordes (bis) et la batterie agrémentée de percussion acoustique et électronique. Non obstant le fait que ça ouvre pas mal de possibilités d'en utiliser d'autres avec plus de conviction et d'apropos; 2 qualités qui ne font pas défaut au combo américain. En fait, devrai-je dire, à tous les musiciens américains adeptes de ce genre musical passablement distroy et totalement en dehors du courant traditionnel. Et ils commencent à former une communauté qui ne manque ni d'intérêt ni d'imagination. Il suffit pour s'en rendre compte, de jeter une oreille attentive aux productions de Warp3, Avant Garden, Boud Deun, Mathematicians, Dysrythmia ou Dark Aether Project. Il se murmure même, ici ou là, dans "les milieux autorisés" (c'est à dire le garage de mon pote Christophe) que nous serions en présence du progressif du futur! Rien que ça! Et là, je mesure l'énormité -au sens connerie du terme- de cette déclaration intempestive qui risque, au mieux de nous faire rentrer dans l'histoire, -mon pote Christophe et moi- au pire de nous renvoyer à nos chères études. Bon, là, je m'égare mais ce n'est pas grave parce qu'à cet instant, il n'y a plus personne pour lire cette bafouille. Mais revenons à nos moutonssss. Donc, exit la guitare et le piano et tout ce qui comporte des touches noires et blanches et, à nous les instruments à vent! Avant(!), on utilisait aussi la flûte, le saxo, la clarinette, bref toutes sortes d'instruments qui firent le bonheur de nos grand-mères romantiques et la honte de nos petits frères métaleux. Et bien, croyez-le ou pas, ce trio fait plus de bruit que la fanfare du 24e un jour de défilé du 14 juillet et en plus, il joue formidablement bien de tous ces instruments qui, avouons-le, ne sont pas d'une grande facilité à maîtriser. Là où l'on attendrait un solo de guitare, c'est le sax qui s'impose et en lieu et place de la traditionnelle nappe de clavier pompeuse à souhait, c'est la flûte qui tient l'atmosphère avec brio, tantôt lancinante comme sur Dance Of The Kabuki, tantôt champêtre et badine comme sur Prelude, un court instrumental d'une minute. Les 14 compos sont plutôt courtes, ramassées, pas plus de 8' mais très intenses et donnent à l'album son effet "coup de poing". 2 pièces, Smoke & Mirrors et Fuzz sont des improvisations en live. Un exercice qui démontre les qualités techniques du combo dont on attendait pas moins étant donné l'ambition du projet. Bref, du prog pour les défricheurs de nouveaux espaces, puissant et incomparable. Highly recommended, of course! (comme on dit chez nous)


Rédigé par : Karadok | 18/20 | Nb de lectures : 8264