A ceux qui pourraient se plaindre de l'aspect convenu des fiches promo montées par les labels, Merciless propose ici une alternative intéressante. Pourquoi s'embarrasser d'un banal historique du groupe ou des points forts de son dernier album? L'accent est placé avec ces quelques mots sur la misanthropie pathologique de l'artiste et, comme si nous pouvions encore en douter...
...no matter what could be written here
it won't change anything about it...
you'll never understand
you'll die as stupid as you are
the sooner – the better
death to the human race
Je ne sais pas vous mais, second degré ou non, c'est exactement le type de déclaration qui donne spontanément envie de détester le groupe avant même d'avoir posé une oreille dessus. Pourquoi ne pas rendre la politesse et se contenter en guise de chronique d'un laconique...
Peu importe ce que je pourrais écrire ici
cela n'y changerait rien...
cet album est inabordable
Mais cela manquerait singulièrement de fair play. D'autant que les choses ne sont pas aussi simples. Formé en 86 et toujours en activité, TRAUMATIC VOYAGE se pose en irréductible rejeton de la scène underground, fort d'une demi-douzaine d'albums explorant les contrées inhospitalières du black avant-garde teinté de cyber-fourre tout. L'album en question - injustement incompris donc - est initialement sorti en 1996 et bénéficie en 2008 d'une réédition sous un nouvel artwork chez Merciless records. Difficile de dire si les quinze longues années de maturation de l'album suffiront à lui accorder les faveurs du public, d'autant que l'ensemble souffre globalement d'un sérieux coup de vieux.

Un sentiment de désuétude causé essentiellement par les éléments cyber des compositions qui tendent vers la techno bon marché des night-clubs au début des années 90. Pas vraiment la meilleure référence qu'on puisse trouver ; heureusement ça ne concerne concrètement que deux titres. Ailleurs les influences sont plus discrètes, globalement mieux amenées. Avec un matériel qu'on imagine rudimentaire pour l'époque, TRAUMATIC VOYAGE essaie maladroitement d'explorer le potentiel des musiques électroniques dans un accouplement impie avec le raw-black. Le rejeton est aussi difforme que fascinant. Reste que la production arrache les oreilles tant le potard des aigus semble calé sur le maximum du début à la fin. Ajoutez une saturation abrasive plutôt datée et une BAR en roue libre vaguement agaçante. Ça commence à sentir l'album difficile à apprivoiser.
Et pourtant, après quelque écoutes approfondies – quoiqu'un peu forcées - sous un bon casque, quelque chose de cohérent commence à prendre forme, une intention qui se révèle sous l'apparente rugosité de compositions qu'on dirait volontairement hermétiques. Astorian, unique membre du projet, emporte la sympathie grâce à la théâtralité outrancière de sa musique, son chant baroque parfois à la limite du spoken word ; une démarche qu'on devine sincère et imperméable aux errances des modes successives. Au fil de longs morceaux se dessine un univers parfois grotesque, presque naïf, servi par des arrangements subtils, finalement assez intriguant pour emmener l'auditeur au bout des 76 minutes de « Cogito ergo sum ». Avec l'envie d'y revenir?
Pourquoi pas... ne serait-ce que pour redécouvrir les multiples fioritures glissées dans la trame de ces étranges morceaux low-tech. L'album mérite amplement sa place dans toute discothèque soucieuse de laisser une place aux curiosités engendrées par l'évolution du black metal et des musiques extrêmes en général.


Rédigé par : #Guillaume# | 13,5/20 | Nb de lectures : 12031