Il y a certains albums qui demandent plusieurs dizaines d’écoutes et un nombre incalculable d’heures avant d’être entièrement et complètement appréhendé. D’autres, au contraire, vous sautent à la gueule avec la vivacité violente d’un kick de Bruce Lee. "Eyes &Nines" appartient définitivement à la seconde catégorie. Dès les premières notes de « Vultures », on est saisi à la gorge, gueule en terre, incapable de reprendre son souffle, noyé sous un son de basse énaurme et un rythme de batterie tellement simple et primaire qu’il en devient diabolique. Déboule ensuite un « Flesh&Blood » supersonique et oldschool en diable, presque punk, mais un punk shooté aux hormones de croissance et pêté aux anabolisants. Et toujours cette basse sortant tout droit de la salle de muscu, lourde, ronde et graisseuse comme l’idéal féminin de notre bien aimé Shaka. Sauf qu’ici tout est d’origine et rien ne pue la plastoc.

Ces deux titres préfigurent parfaitement le reste de l’album et de la musique de TRASH TALK, un hardcore teigneux, malpoli, soupe au lait, qui pue des pieds et des aisselles. Le genre de hardcore que jamais tu ne présenteras à ta môman ou à ta petite sœur de peur qu’il ne les engrosse à tour de rôle avant de se barrer avec l’argent planqué sous le matelas. Et de revenir à la naissance en réclamant une pension alimentaire. Enfoiré ! TRASH TALK est rapide et dégénéré mais sait aussi calmer le jeu pour se montrer tour à tour finaud, tour à tour polisson, tour à tour gangster. Mais tour à tour généreux comme le prouve le titre « Hash Wednesday », un titre noir, sombre et tourmenté jouant dans la cour de récré du « postskevouvoulez » pour livrer des ambiances plus glauques et résolument déprimantes histoire de montrer que les mecs sont plus qu’une simple bande de loubards sans foi ni loi. Ce titre fait figure de pivot car situé en milieu d’album, il surprend l’auditeur par sa rupture d’avec le reste de l’album. Aussi bien ce qui précède, que ce qui va suivre. Passé ce titre les Californiens reprennent les affaires courantes, à savoir un hardcore moderne teinté de punk à l’ancienne, de thrash primitif épicé à la sauce Holy Terror pour les ambiances de dégénérescence que distille « Eyes&Nines ».

Le cocktail est instable de base et rendu encore plus sale et toxique par une production presque crust où chaque instrument prend une part égale dans le mix. Point de « tout pour la guitare » et de batterie trigguée à mort comme c’est la mode dans le hardcore actuel. La production est tellement vivante qu’on peut presque entendre les gouttes de sueur glisser sur les cordes ou frapper les cymbales. « Eyes&Nines » est un album duquel déborde la vie. Une vie de merde peut-être mais une vie quand même. Plus que vivant, « Eyes & Nine » est humain, avec tout ce que ce terme comporte. C’est un album qui a d’énormes qualités et aussi quelques défauts, une durée très courte et une petite redondance sur un titre ou l’autre. On sent aussi que tout est là dans ce groupe, tous les éléments sont réunis pour accoucher d’une vraie bombe à fragmentation mais que les zicos sont tellement flemmards et pourris qu’ils ne te feront même pas l’honneur de pondre un chef-d’œuvre. Non juste pour t’emmerder, ils se contentent de livrer un excellent album de hardcore bestial, moderne et old school tout à la fois. Juste comme ça, pour faire chier. « On pourrait le faire, ouais, mais on en a pas envie. Alors tu prends ce qu’on te donne et tu t’arraches ! ». Et une telle offrande messieurs ça ne se refuse pas. Surtout avec un Opinel sous la jugulaire et un cran d’arrêt sur les couilles.


Rédigé par : Seb On Fire | 15/20 | Nb de lectures : 12674