TRACER - Spaces In Between (Mascot/Wagram) - 23/01/2012 @ 08h18
Si l’affligeante cover n’invite franchement guère à se précipiter dessus -bon, pas si foirée, mais ça évoque davantage du prog metal pompeux qu’autre chose...- eh bien la conscience professionnelle récolte parfois bien des surprises : la pochette ne fait pas le disque et heureusement que nous mettons un point d’honneur à TOUT écouter, tant de bijoux se cachant si souvent derrière des trucs pseudo-arty ignobles. Et c’était à l’époque sans rien savoir de l’embryon de début de chuchotement de choses plutôt prometteuses qui se murmuraient ici et là parmi les connaisseurs et autres initiés.
Soyons clairs d’entrée de jeu : il s’agit là d’un tout premier album pour un trio australien encore presque ingénu, et les observateurs affûtés auront rapidement remarqué la présence très conséquente d’influences hypra-évidentes dans pas mal de morceaux, les Queens Of The Stone Age étant les plus marquées (ce gimmick guitaristique sur «Push», un exemple parmi mille autres) en ce qui concerne l’exploitation de mille riffs ingénieux, hypnotiques et immanquablement associés au talent de Josh Homme ; mais aussi ces rythmiques robotiques, presque tribales et arides («The Bitch» ne vous ferait pas penser à «No One Knows», non ?), ce swing carrément sexy, ces chœurs ultra-mélodiques si judicieusement placés, ou ces mélodies désinvoltes («Devil Ride») qui portent sans conteste la marque de fabrique des Queens’. Mais une bonne fois pour toutes, que l’on ne vienne pas me parler de stoner ici : déjà que les QOTSA n’en font pas, c’est pas parce que le décor se pose dans le désert australien que l’on a déniché les Kyuss oubliés - oublions-en d’emblée toute association, voulez-vous ?
Au-delà de ces ingrédients familiers (fameux et inspirés au demeurant : nombreux sont ceux qui piochent dedans et régurgitent hélas sans inventivité ni le moindre talent de composition...) qui sautent aux yeux, la voix de Michael Brown évoque un Chris Cornell avec un poil moins de coffre, mais avec un soupçon de gouaille et des cordes vocales érodées au bourbon frelaté du bush. Carrément plus rauque et blues, testostéroné et viril. D’ailleurs, dans le chapitre stupre et autres manifestations musicales d’appel au sexe, le bluesy «Louder Than This», ZZTopien, poisseux, cradingue, vénéneux, est une véritable invitation à la débauche, tous corps féminins huilés se mouvant, s’entrelaçant au son de ce groove gras dont les racines s’enfoncent au fin fond des bayous ou de la mangrove du Delta, au Sud de Clarksdale.
Sans être racoleurs ni encore moins suffisants, les frères Brown et leur batteur se sont escrimés, tout naturellement à en percevoir ainsi l’aisance, à accoucher d’autres morceaux, plus épiques et super bien foutus, comme ce «Voice In The Rain» particulièrement réussi. Épiques, heavy sans être ridiculement étouffants, classieux et enlevés, sombres mais suffisamment striés de lumière salvatrice comme un «Dead Inside» qui vient effrontément provoquer Soundgarden sur son propre terrain - mais que vont-ils bien pouvoir nous offrir dans quelques mois après ça ?? D’ailleurs, le dixième morceau qui suit, «Save My Breath», autrement plus rock’n’roll et groovy, se pose comme du Audioslave -ou bien je rêve ?
Les titres aussi forts les uns que les autres sont intelligemment agencés et possèdent chacun leur propre identité, du plus cérébral et construit au plus immédiat, telles que quelques bourrasques bien senties comme ce «Too Much» d’ouverture qui affirme bien le trio comme des rockers couillus sachant braver l’électricité qu’il savent manifestement très bien maîtriser et dompter, pour mieux vous la renvoyer en une boule d’énergie complètement imparable. Autre bon point, donc.
Mais au-delà d’une certaine jeunesse et de ces ramifications pour le moins fameuses, il y a ici une forte personnalité et un savoir-faire assez jubilatoire qui, avec le délirium illimité des visionnaires, laisse entrevoir les possibilités d’un proche avenir assez jouissif tant la maturité guette rapidement ces trois jeunes hommes.
Et très curieusement, et c’est un avis plus personnel, ces très sympathiques jeunes gens se rapprochent incroyablement d’un autre groupe pour lequel j’avais définitivement craqué lorsque leur second album était enfin rendu disponible de ce côte-ci de nos frontières -je parle du trio belge Triggerfinger. Et dans le son, et dans le groove, et dans les atmosphères, les guitares et la voix, il y a là un dénominateur commun plus que troublant entre les deux trios que bien des kilomètres séparent. Mais il y a chez ces deux groupes (que la moyenne d’âge différencie tout aussi notamment) un amour sans limite pour le rock’n’roll, une connaissance illimitée de leurs classiques et des vraies bonnes choses de leur génération qui, si hélas fédèrent la jeunesse branchée, sont pour autant d’incontournables standards redéfinissant le rock’n’roll des années 2000. Le tout bien mitonné par des power-trios appliqués, élégants, super doués et sachant écrire de magnifiques chansons, aussi fortes que nuancées.
Putain, des disques comme «Spaces In Between», on n’en reçoit pas tous les jours -et tant mieux. Jamais aurions-nous pu soupçonner la richesse et l’inspiration résidant dans les douze titres de ce premier très grand album de classic-rock moderne.
Vu en concert. Pas mal du tout. Bon par contre c'est clair que les influences sont souvent trop evidentes. On frole même parfois le plagiat.
Mais il y a du potentiel.
Iro Membre enregistré
Posté le: 23/01/2012 à 11h32 - (99971)
Bon j'ai trouvé l'album cool sans plus. Énergique mais terriblement influencé (voir ma chronique sur destination rock). Mais je voulais surtout féliciter VS pour avoir engagé JC Desgroux, que je ne pouvais plus lire depuis la fin de Xroads. Non seulement le mec s'y connait en hard rock/stoner mais en plus il a une belle plume, chose qui manque hélas parfois sur VS (comme sur tous les webzines amateurs et cela à ses raisons). Alors un grand hourra pour JCDG (Pas loin de JCVD!!) sur VS! Longue vie aux Chroniques hard rock et stoner!!
arno972 IP:82.245.35.95 Invité
Posté le: 23/01/2012 à 14h56 - (99987)
Je rejoins IRO pour la plume de MR Jean-Charles Desgroux et je le félicite pour cet article concernant un groupe que je connais depuis un certain temps maintenant ! "Spaces in between" est en fait le 2ème album de ce trio originaire d'Australie(Le 1er opus s'appelle "L.A")Concernant les influences, tout à fait d'accord avec ce qui a été dit et je rajouterais même Silverchair ! Vu aussi en live en 1ère partie de Royal Republic et ils m'ont notamment mis K.O avec une reprise de Black Sabbath !!! Des mecs qui jouent bien, vraiment très sympas et qui aiment la bonne bière ;-)
arno972 Membre enregistré
Posté le: 23/01/2012 à 15h00 - (99988)
Du très bon rock stoner from Australia !
Monceau Membre enregistré
Posté le: 25/01/2012 à 00h07 - (100010)
@ Iro : je voulais rien dire parce que voila… mais la chronique du jour de Lapin me fait réagir (je préviens – tout ce qui va suivre est entièrement de sa faute)
pamalach Membre enregistré
Posté le: 25/01/2012 à 01h07 - (100020)
En ce qui me concerne, je n'avais pas du tout mal pris le commentaire de Iro. C'est vrai que Jean Charles écrit très bien et qu'il possède une haute culture de notre musique. Iro à le droit de penser que les belles plumes manquent à Vs et ailleurs.
Comme il le dit très bien, aucun d'entre nous ne vit de son écriture. On travaille tous la journée, et le soir venu on écoute nos skeuds et on écrit nos chroniques. Si on ne faisait qu'écrire, il est certain que notre qualité d'expression s'en ressentirait et que notre culture du metal serait plus vaste. Mais on est effectivement que des passionnés bénévoles et le temps n'est pas extensible.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'on essaye de s'améliorer. On à tous envie d'écrire de jolies chroniques, agréables et pertinentes, qui refléteront honnêtement ce que l'on pense des albums. En espérant qu'on fera toujours des progrès et qu'avec l'aide de commentaires constructifs comme ceux de Iro et le soutien de nombreux Vseur(se) comme Monceau on puisse continuer à aller toujours plus haut.
Et Big Up au passage à Jean Charles, qui effectivement, impressionne avec ses mots et son style !
Dungorpat Membre enregistré
Posté le: 25/01/2012 à 05h28 - (100021)
Monceau j'ai supprimé tes coms dans les autres kros. Tu peux faire référence à d'autres kros pour illustrer ton propos, mais dans un même espace de coms, inutile d'en mettre partout d'autant que comme l'a dit Pam, Iro n'est pas du tout agressif ou désobligeant.
Ceci dit, c'est agréable et flatteur d'avoir des lecteurs aussi assidus que toi et de constater que le boulot effectué porte ses fruits!
Iro Membre enregistré
Posté le: 25/01/2012 à 07h45 - (100022)
Ca veut pas dire non plus que tout le reste est à jeter! Non! Juste que la qualité de VS s'améliore encore avec l'arrivée de JCDG et c'est cool! Ca fait du bien!
Monceau Membre enregistré
Posté le: 25/01/2012 à 08h28 - (100023)
Je ne trouve pas non plus la remarque d'Iro agressive, juste un poil injuste qui m'a fait réagir, c'est tout.
Et je sais que mes comm étaient HS avec une forte probabilité de nettoyage matinale, aussi HS que toute cette discussion d'ailleurs qui n'a pas lieu d'etre en dessous de la chronique (oui je connais le reglement, désolé...) :D
Tonton Membre enregistré
Posté le: 25/01/2012 à 14h04 - (100026)
Oui notre petite Monceau a été prompt à nous défendre et je trouve cela adorable de sa part. Comme l'a justement souligné Pam, on n'est que des amateurs passionnés et notre verbe ne peut pas toujours égaler celui d'un véritable journaliste. D'ailleurs, le terme même de "journaliste" n'a été que trop galvaudé ces dernières années. Cependant, je ne désespère pas de voir un jour notre qualité d'écriture globale se rapprocher de celle des pros. Merci donc à Iro (lecteur avisé) et big up à Monceau (lectrice passionnée). Maintenant recentrons le débat... A savoir cet album...
vsgreg Membre enregistré
Posté le: 25/01/2012 à 14h30 - (100027)
Je vous rassure (ou pas) JC comme plein d'autres journalistes de la presse écrite metal .... a un vrai métier pour vivre.
Monceau Membre enregistré
Posté le: 26/01/2012 à 09h26 - (100041)
Ah ben merci Tonton de m’avoir fait passer pour une hystérique écervelée (mais mimi…) de service.
Quoi ? Comment ça j’ai pas besoin de l’aide pour ça ?:/
Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site
Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs.
S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos
Soyons clairs d’entrée de jeu : il s’agit là d’un tout premier album pour un trio australien encore presque ingénu, et les observateurs affûtés auront rapidement remarqué la présence très conséquente d’influences hypra-évidentes dans pas mal de morceaux, les Queens Of The Stone Age étant les plus marquées (ce gimmick guitaristique sur «Push», un exemple parmi mille autres) en ce qui concerne l’exploitation de mille riffs ingénieux, hypnotiques et immanquablement associés au talent de Josh Homme ; mais aussi ces rythmiques robotiques, presque tribales et arides («The Bitch» ne vous ferait pas penser à «No One Knows», non ?), ce swing carrément sexy, ces chœurs ultra-mélodiques si judicieusement placés, ou ces mélodies désinvoltes («Devil Ride») qui portent sans conteste la marque de fabrique des Queens’. Mais une bonne fois pour toutes, que l’on ne vienne pas me parler de stoner ici : déjà que les QOTSA n’en font pas, c’est pas parce que le décor se pose dans le désert australien que l’on a déniché les Kyuss oubliés - oublions-en d’emblée toute association, voulez-vous ?
Au-delà de ces ingrédients familiers (fameux et inspirés au demeurant : nombreux sont ceux qui piochent dedans et régurgitent hélas sans inventivité ni le moindre talent de composition...) qui sautent aux yeux, la voix de Michael Brown évoque un Chris Cornell avec un poil moins de coffre, mais avec un soupçon de gouaille et des cordes vocales érodées au bourbon frelaté du bush. Carrément plus rauque et blues, testostéroné et viril. D’ailleurs, dans le chapitre stupre et autres manifestations musicales d’appel au sexe, le bluesy «Louder Than This», ZZTopien, poisseux, cradingue, vénéneux, est une véritable invitation à la débauche, tous corps féminins huilés se mouvant, s’entrelaçant au son de ce groove gras dont les racines s’enfoncent au fin fond des bayous ou de la mangrove du Delta, au Sud de Clarksdale.
Sans être racoleurs ni encore moins suffisants, les frères Brown et leur batteur se sont escrimés, tout naturellement à en percevoir ainsi l’aisance, à accoucher d’autres morceaux, plus épiques et super bien foutus, comme ce «Voice In The Rain» particulièrement réussi. Épiques, heavy sans être ridiculement étouffants, classieux et enlevés, sombres mais suffisamment striés de lumière salvatrice comme un «Dead Inside» qui vient effrontément provoquer Soundgarden sur son propre terrain - mais que vont-ils bien pouvoir nous offrir dans quelques mois après ça ?? D’ailleurs, le dixième morceau qui suit, «Save My Breath», autrement plus rock’n’roll et groovy, se pose comme du Audioslave -ou bien je rêve ?
Les titres aussi forts les uns que les autres sont intelligemment agencés et possèdent chacun leur propre identité, du plus cérébral et construit au plus immédiat, telles que quelques bourrasques bien senties comme ce «Too Much» d’ouverture qui affirme bien le trio comme des rockers couillus sachant braver l’électricité qu’il savent manifestement très bien maîtriser et dompter, pour mieux vous la renvoyer en une boule d’énergie complètement imparable. Autre bon point, donc.
Mais au-delà d’une certaine jeunesse et de ces ramifications pour le moins fameuses, il y a ici une forte personnalité et un savoir-faire assez jubilatoire qui, avec le délirium illimité des visionnaires, laisse entrevoir les possibilités d’un proche avenir assez jouissif tant la maturité guette rapidement ces trois jeunes hommes.
Et très curieusement, et c’est un avis plus personnel, ces très sympathiques jeunes gens se rapprochent incroyablement d’un autre groupe pour lequel j’avais définitivement craqué lorsque leur second album était enfin rendu disponible de ce côte-ci de nos frontières -je parle du trio belge Triggerfinger. Et dans le son, et dans le groove, et dans les atmosphères, les guitares et la voix, il y a là un dénominateur commun plus que troublant entre les deux trios que bien des kilomètres séparent. Mais il y a chez ces deux groupes (que la moyenne d’âge différencie tout aussi notamment) un amour sans limite pour le rock’n’roll, une connaissance illimitée de leurs classiques et des vraies bonnes choses de leur génération qui, si hélas fédèrent la jeunesse branchée, sont pour autant d’incontournables standards redéfinissant le rock’n’roll des années 2000. Le tout bien mitonné par des power-trios appliqués, élégants, super doués et sachant écrire de magnifiques chansons, aussi fortes que nuancées.
Putain, des disques comme «Spaces In Between», on n’en reçoit pas tous les jours -et tant mieux. Jamais aurions-nous pu soupçonner la richesse et l’inspiration résidant dans les douze titres de ce premier très grand album de classic-rock moderne.
Rédigé par : Jean-Charles Desgroux | 15/20 | Nb de lectures : 12945