Dans ces débauches d'arguments miteux pleins de mauvaise foi qu'on peut s'envoyer à la face comme des polochons, un ami m'a dit un jour "de toute façon, t'aimes pas les groupes finlandais". Outre le fait qu'il faut vraiment être au bout de sa rhétorique pour balancer un truc aussi moisi (au moins, on en a bien ri), la Finlande est bien le dernier coin que je jetterai aux orties dans un mouvement d'humeur. Ah non alors. La Finlande, c'est vraiment un coin de paradis d'où émergent des groupes atypiques. Bon, il y a aussi du passablement convenu, mais toujours en gardant une touche mélodique appuyée et un amour du metal, qu'il soit moisi ou complètement barré.

Hé bing, revoilà que nous sort encore un truc inattendu du pays des mille lacs. A une heure où les labels cherchent encore plus activement à contrer le piratage, un combo d'Helsinki a trouvé un moyen de lutte redoutable en adoptant un patronyme chiant à taper sous Google. Et cette singularité ne leur suffit pas, puisque Totalselfhatred adopte un style musical qui les place singulièrement quelque part entre le black atmo et le doom/death.

Avec des membres ayant usé leurs culottes de cuir chez Horna et dans d'autres combos de la scène d'Helsinki, Totalselfhatred joue son animal farouche qui ne se laisse pas approcher. Quand on pense tenir le groupe avec ses rythmes lents superposés de mélodies chantantes, il nous claque un blast sous le nez (diantre, le début de "Spirituelles Equilibrium" est à la limite de l'anachronisme bandant). Quand on le croit mollement étendu à s'abandonner à la mort, il nous hurle à la face avec vigueur. Tel un étalon fougueux, Totalselfhatred se laisse admirer mais demeure insaisissable. Une seule chose à faire, allez dans sa direction en s'abandonnant.

Les 45 minutes de cet album éponyme s'avèrent extrêmement riches en thèmes mélodiques. Les sept titres sont très variés, faisant évoluer les ambiances de minute en minute avec une grâce aérienne. La première référence qui vient en tête est évidemment le vieux Katatonia pour le côté doom/death pesant. Et si la promo officielle parle de My Dying Bride, je comparerais plutôt les tristes et douces mélodies à celles de Paradise Lost époque Icon/Draconian Times. Et le tout est emballé dans une ambiance de fin de vie de folie, avec un black atmo portant cette touche mélodique finlandaise. La même qu'on trouve chez October Falls, Thy Serpent, Rapture, Wyrd et bien d'autres.

Niveau production, rien à redire. C'est bien exécuté et tout est parfaitement audible. Les guitares chantent leurs mélodies et on entend même la basse ronronner à l'arrière-plan, à côté d'une batterie énergique. Rien ne vient troubler la quiétude de l'immersion dans un paysage qu'on imagine immense et vide de toute humanité.

A une heure où l'on se plaint de subir des vagues de groupes qui rabâchent la même chose, qu'il est bon de se laisser immerger dans le grand bain de la haine désespérée et de la fureur contenue. La douce et noire mélancolie de Totalselfhatred risque de hanter vos nuits pendant quelques temps. Pour un premier album, quel putain d'album!


Rédigé par : Prince de Lu | 16/20 | Nb de lectures : 11754