J'ai foiré mon adolescence. Si c'était à refaire, j'aurais appris à faire du skate, à jouer d'un instrument, cherché un avenir, commencé à picoler plus tôt et souhaité avoir une pilosité plus virile qui m'aurait empêché d'avoir un bouc ressemblant à des poils d'aisselles. Et surtout, j'aurais écouté Torche, ça aurait fait de moi le kid le plus cool du monde. Parce que "Meanderthal", c'est la coolitude incarnée. Et ça, c'est pas une déclaration en l'air, juste un constat implacable, y'a pas de contestation possible.

Bah alors, comment qu'ils s'y prennent les ex-Floor? L'alchimie est pourtant pas bien compliquée, reposant sur la recherche d'un point d'équilibre entre deux forces manichéenement opposées. Une version musicale du Yin et du Yang en quelque sorte. Puisque du côté des troupes du mal, nous avons 3 bûcherons qui s'évertuent à pondre un stoner/sludge pachydermique, avec néanmoins des velléités mélodiques, mais toujours déposées sur un tapis chargé à la gueule en basses. D'ailleurs merci Mr Ballou à la prod', on dira jamais assez à quel point le gratteux de Converge sait faire sonner un album, quel qu'il soit. Et donc, de l'autre côté, nous avons un moustachu, à la dégaine de routier gay (pléonasme?), qui s'amuse à balancer un chant clair sucré et gorgé de soleil comme un grand verre de Sunny Delight, l'idéal pour contrer la fournaise des guitares.

Alors au début, tu fais un peu la moue, tu te dis que c'est du gâchis de flinguer cette puissance de feu sonore avec ces vocalises qui glissent comme du beurre fondu dans les esgourdes. Et puis tu refais tourner le CD, parce que quand même, y'a des riffs à tomber par terre, parce que l'intro de "Healer" frôle la perfection musicale, parce que "Pirana" n'est qu'une succession jouissive de coups de boutoir écrasants et décroche-nuques. Et puis finalement tu rends les armes, le routier chante pas sur 15 octaves, mais sa voix est indissociable du reste, et surtout, elle transforme les compos en tubes. Il ne sera accordé de dérogations qu'aux paraplégiques pour ne pas taper du pied.

Certes, il y a quelques flagrantes fautes de goût comme ces guitares dérobées au générique de 21 Jump Street sur "Grenades", ou "Without A Sound" entièrement basé sur un riff étonnamment naze, mais dans l'ensemble, ça se tient de bout en bout, des cavalcades math-rock de "Triumph of Venus" au final instrumental d'une lourdeur sludgy effarante. On établira quelques parallèles avec leurs collègues de chez Hydrahead, Zozobra, pour cette faculté à pondre des tubes du désert, ou avec Ghostride, side-project des zikos de Will Haven durant leur hiatus, qui avaient balancé quelques poignées de sable sur leurs gros riffs et fait appel à Rey Osburn (Death Valley High) pour y coller de claires vocalises.

Moins guerrier que sur le précédent EP, "In Return", Torche s'est en outre débarrassé de ses oeillères pour offrir des titres plus hétérogènes. Malgré deux ou trois imperfections, "Meanderthal" reste un bon album pour quiconque désirant se mettre sous la dent quelque chose de qualité se digérant facilement. Torche, le groupe qui contribue à réhabiliter la moustache. Parce que "Meanderthal", c'est la coolitude incarnée, mais ça je l'ai déjà dit.

Bref, cherche pas à lutter, demain matin tu chantonneras leurs refrains sous la douche.





La distribution française en retard justifie la publication de cette chronique


Rédigé par : Crown_Me | 15/20 | Nb de lectures : 11848