TONKA – …this present darkness… (Metal Age Records/Adipocere) - 09/01/2003 @ 14h48
Moi je me rappelle quand j’étais un petit bougnat truculent en bermuda Blanche Porte et que “ poil aux fesses ” n’était encore qu’un amusant calembour de récréation au lieu du cauchemar intolérable de la commission matinale, mon papa et ma maman m’avaient offert pour Noël un ensemble de jolis véhicules utilitaires miniatures qui ont comblé mes heures de divertissement des années durant. Il y avait là des pelleteuses, des bennes, des transporteurs… C’était chouette, c’était fonctionnel, c’était magique, c’était Tonka, une marque de qualité pour des jouets qui durent. Depuis le chandelier de mon existence a raccourci de quelques centimètres, j’ai grillé plusieurs millions de neurones dans l’opération, mais il était écrit quelque part dans un bouquin poussiéreux que ce qui dort enseveli est destiné à remonter à la surface tôt ou tard. Alors bien sûr c’est d’un tout autre Tonka qu’on cause aujourd’hui, mais tout bien considéré le principe est resté le même : terrassement, déblayage, bétonnage… Si la pochette peut induire en erreur, le chantier dirigé par ce groupe norvégien originaire de Kristiansand, tout comme Green Carnation et In The Woods…, est exclusivement dédié au thrash et les travaux conduits sans excès de tact.
Voilà un metal burné, teinté de stoner rock et quoi qu’il en soit sans compromis hasardeux, qui rôde quelque part entre Motörhead, Chuck Schuldiner (R.I.P.) et Furious Trauma avec des vocaux énervés proches des premiers cités. Si, au niveau musical, évolution et révolution sont des vocables qui ne doivent pas beaucoup perturber les rêves de tuerie de masse de nos quatre amis, je trouve devant moi un oasis asséché lorsque j’essaie d’y puiser le moindre reproche à faire à cet album. Sans effet spectaculaire, s’appuyant sur des combinaisons de notes directes et sans fioritures, “ …this present darkness ” représente un ensemble de valeurs essentielles parfois laissées pour compte dans le sillage de la course à l’échalotte opportuniste qu’est le metal “ tout pour l’image ” d’aujourd’hui. Pas question de me poser en grand moralisateur derrière un quelconque slogan “ death to false metal ” ou quoi que ce soit de ce goût, mais lorsque j’écoute la musique brute et dénuée d’arrogance de Tonka, je ne peux m’empêcher de lui trouver un côté paradoxalement attendrissant. Les paroles, souvent récitées avec une pointe de désenchantement sous-jacent, traitent aussi bien de phénomènes de société (“ Pornochild ”) que de choses plus abstraites avec des références répétées du côté des mythes piliers des religions (“ Behemoth and Leviathan ”, “ The Mother and the Beast ”). Des textes qui soit dit en passant témoignent d’une lucidité et d’une fluidité d’écriture dont certains apprenti-dialecticiens feraient bien de prendre de la graine.
Le ventre mou de l’album comporte davantage de passages intermédiaires où Tonka ralentissent la cadence et coupent la saturation des cordes, présentant par là-même un profil plus posé à défaut d’être vraiment mélodieux. Le chant y perd de son tour agressif au profit d’un style plus narratif à travers lequel on sent le groupe résolument concerné vis-à-vis des sujets abordés. Mais la rage finit par reprendre le dessus et les trois derniers morceaux déboulent comme des dragsters pour ponctuer l’album sur un orage assassin non oublieux de judicieux embranchements de rythme ou de passages techniques qui dissocient provisoirement lignes de guitares et de basse pour affiler le tranchant des premières. Les instruments sont mixés dans d’équitables proportions, même si la sauce résultante est un peu en-dedans, une bonne excuse pour jouer l’album à plein volume afin d’en savourer les ravages à leur juste valeur. La note n’ira pas plus haut pour deux raisons. La première est toute personnelle, car “ …this present darkness… ” n’est certainement pas le type de musique auquel j’aspire sur une base régulière. La deuxième est que même à l’intérieur de son champ d’action, l’album reste de stature modeste, sans attribut inouï ni véritable morceau coup de poing. Néanmoins je pense que tous ceux qui se reconnaissent dans cette chronique devraient y trouver leur compte, et saluer l’opiniâtreté d’une bande de thrasheurs bien accrochés à leur ligne de conduite et à la morale incorruptible d’une musique qui est garante à elle seule d’un état d’esprit.


Rédigé par : Uriel | 12.5/20 | Nb de lectures : 8115




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