Leur split avec Planks était annonciateur de la couleur. NOIR. Parce que le shoegaze et le post-hardcore oppressant des débuts, c'est bien mignon, mais ça reste quand même assez festif. Alors qu'il serait judicieux d'aller refroidir l'atmosphère de quelques degrés en allant lorgner vers le black metal, non? Idée effectivement lumineuse, et ce sera bien la seule lueur ici. Puisqu'il faut bien savoir qu'au bout du tunnel, le maître de cérémonie (funéraire) dispose d'un honorable passif. Mike Hill, leader des mésestimés Anodyne (noise/hardcore deluxe école Kiss It Goodbye/Playing Enemy). Le genre de mec qui inspire confiance et respect au vu de son pedigree, ça rigole pas du côté de Brooklyn.

Pareil pour Relapse, pas habitués à ouvrir les portes du ranch à n'importe qui. Et c'est toujours pas sur ce coup-là qu'ils se seront plantés, Tombs n'étant pas le genre de groupes à prendre à la légère. Rien qu'à la première écoute, tu l'auras compris. Comme à la cinquième, tout comme à la vingtième. D'entrée de jeu, dur de rester hermétique à ces ambiances précieuses, distillées avec une aisance impressionante. Ces strates de guitares aériennes s'élevent, s'élevent... jusqu'à se heurter au couvercle du caveau. T'as oublié où t'étais? T'as osé espérer un jour en sortir? Souviens-toi que les clous sont consciencieusement enfoncés à la masse, méthode frappes de mulasses, aux rythmiques toujours complexes mais jamais démonstratives.

Et quand je parle d'ambiances, pense plutôt monoxyde de carbone que grand air des montagnes. Pas du genre à sous-estimer leurs capacités, les gaziers hésitent pas à aller tirailler les barbichettes des Patrons de Neurosis au lieu de rester timidement plantés à leur pieds comme tant de wanabees. Parce que planter des riffs d'une lourdeur majestueuse, de ceux qui t'ordonnent de pas bouger, c'est pas donné à tout le monde. Certains auront remarqué que depuis quelques temps le black metal opérait un retour en grâce dans les sphères hardcore noise/post-/expé et cie, et vu le résultat c'est (pour l'instant) jamais un mal. Ce sera encore une fois le cas ici, les funestes mélodies dépouillées et autres embardées blastées à la Wolves In The Throne Room venant (bizarrement) se greffer aux compositions assez naturellement, offrant quelques pics d'intensité bienvenus au milieu des traditionnels tempos éléphantesques.

Et ça te donne des morceaux de bravoure, de la trempe de ce dantesque "Filled With Secrets", oscillant entre déflagrations telluriques (les coups de butoirs de l'Apocalypse à la fin, mazette) et accélérations qui te laissent sur le carreau. Tu zapperas pas l'outro, sauf si t'aimes pas sentir tes corones se rétracter. Toujours glacial, ouais. De la scène noise/hardcore, Tombs a intelligemment conservé une science de l'écriture aussi frontale qu'alambiquée, ainsi qu'un chant oscillant entre le très éructé et le scandé. Le seul bémol viendra d'ailleurs de ces parties (très succintes) de chant scandé façon Unsane, au rendu pas toujours très heureux, et qui viennent un peu souiller la dentelle sonore de par leur côté hors propos. Et le spectre des vieux Neurosis se fera inévitablement présent au détour des riffs-chappes de plomb, chose que l'on pardonnera vu la volonté de Mike Hill et de sa bande d'innover en allant voir ailleurs avec grand succès.

Parce que c'est pas ce genre de futilités qui va abattre le colosse. Et quand on sait qu'ils ne s'y mettent qu'à trois, on ne peut que rester scotché devant tant de richesse et de puissance concentrées entre trente doigts. De par son approche atypique et sa parution chez le plus vénérable des gros labels metal, "Winter Hours" devrait permettre à la bande de faire leur trou assez aisément au sein d'une scène qui accouche rarement de véritables déchets, mais qui a tendance à la jouer pantouflarde. Production taillée sur mesure frôlant la perfection, personnalité très forte, maturité de vieux briscard et grandeur d'âme, c'est sûr, avec Tombs on est pas près de passer à l'heure d'été.


Rédigé par : Crown_Me | 15,5/20 | Nb de lectures : 11827