Inévitablement, lorsque paraît un disque entièrement piloté par un virtuose des claviers, on craint le pire. Les débordements passés de Wakeman ou d’ Emerson n’ont pas laissé que de bons souvenirs. (Relisez les Rote & Fuck de l’époque, édifiant !) Les élucubrations plus récentes de Sherinian, Pinella ou Rudess en solo n’ont pas arrangé l’affaire non plus. (Relisez… euh… ben, tiens, VS par exemple !). Une dérive à laquelle ne nous a pas habitué Bodin, claviériste des FLOWER KINGS, depuis son premier album, An Ordinary Night In My Ordinary Life paru en 1996. Puis les suivants, Pinup Guru en 2002 et Sonic Boulevard en 2003. Parce que le bonhomme sait se montrer sobre et surtout s’entourer de pointures dans d’autres disciplines que la sienne propre. Une humilité sympathique et qui caractérise bien le discret personnage mais qui pourrait être contrariée par le côté extravagant du projet qui nous concerne. Notons que, pour la première fois, Roine Stolt fleuriste en chef, est absent de ces agapes. Emancipation ou rupture, l’avenir nous le dira. Il est remplacé par Jocke Jj Marsh, pas manchot du tout. Le nouveau batteur des FK, Mark Liliequist donne un coup de main en lieu et place du tumultueux Zoltan Csorsz viré depuis peu pour incompatibilité d’humeur. Jonas Reingold (F.K, KARMAKANIC) officie à la basse et deux donzelles partagent le chant avec Anders Jansson. Voilà, l’équipe est au complet. I A M nous est présenté comme un opéra rock inspiré par The Wall (rien que ça !) Zyggy Stardust de Bowie et du Deep Purple ( !!). Et ses trois longues plages de 23, 21 et 18 minutes peuvent en rebuter plus d’un. Car il s’agit en vérité de progressif pur porc, transpirant l’hommage aux uns et aux autres en tentant de n’oublier personne. C’est sans doute son principal défaut ou sa qualité majeure. C’est selon, en fonction du point de vue de l’auditeur. I A M débute comme du YES « dans le texte », claviers virevoltants et rythmique soutenue. La suite foisonne dans l’esprit Close To The Edge et toute la série des titres de la même école. Bref, c’est du YES quoi ! Et Pink Floyd ? Qu’à cela ne tienne ! Les séquences atmosphériques ne sont pas oubliées. Certains solos de gratte flirtent avec The Wall, et Dark Side Of The Moon se rappelle à notre bon souvenir avec les mémorables vocalises improvisées façon gospel de Clare Torry sur The Great Gig In The Sky. Ensuite, toute la scène 70’ défile et tout un chacun se plaira à y retrouver son ou ses groupes fétiches. Le chant excellent par ailleurs, est plus présent que sur les albums précédents. Un bon point dans ce flot de musique. Sinon, I A M regorge de très bons passages instrumentaux dans la grande tradition progressive, concept compris. Mais je me mets à la place des grincheux. Non content de pomper « les vénérables », Bodin ne lésine pas sur les moyens mis en œuvre –des claviers en veux-tu en voilà, tantôt Emerson, tantôt John Lord- pour servir la soupe. (Une très bonne soupe). Quelques passages jazzy à la Zappa, ou blues, d’autres empruntés aux FLOWER KINGS évidemment, font mine de nous éloigner de toutes ces influences encombrantes mais, rien à faire. Immanquablement, on y revient. Et on se demande finalement, si le père Bodin, il en rajoute pas un peu dans le tribute. Je ne parle pas pour moi. Je suis piqué au Korg et à la Rickenbaker depuis trop longtemps, on ne peut plus rien faire. Je suis condamné ! Mais que vont dire les autres, adeptes de plus de simplicité ou de souffle novateur ? Parce que c’est très chiadé, bien joué, arrangé et produit etc.. Mais luxuriant, pompier et réchauffé, ça, on ne peut le nier. Personnellement, ce disque me convient mais je n’en fais pas un indispensable. Comme disait ma grand-mère « trop d’hommages, tue l’hommage ». A moins que ce ne soit « trop de fromage, tue le… ». Bref, je m’en souviens plus et puis je m’en fous !


Rédigé par : Karadok | 14/20 | Nb de lectures : 11539