Je découvre Today Is The Day en profondeur avec ce huitième album. Mieux vaut tard que jamais n'est-il pas ? Bien que visualisant bien le créneau dans lequel évoluait les trois gusses de Nashville, j'ai toujours eu un mal fou à me plonger dans leur discographie. Bon, je ne m'y étais pas jeté corps et âme non plus, mais l'hermétisme de leur musique a pu me chagriner (un peu hein, je me suis pas scarifié au compas non plus...) "Axis of Eden" me semble plus accessible (mot à prendre avec des pincettes, surtout avec eux) que leurs précédents travaux et constitue, je pense, une bonne porte d'entrée, hum non, une bonne chatière pour pouvoir apprécier Today Is The Day à sa juste valeur.

Steve Austin est un homme de goût, et un homme de goût sait s'entourer. Composant avec un line-up aussi changeant que la liste d'amants de Carla Bruni et qui a vu passer la moitié de Mastodon (Bill Kelliher en qualité de bassiste et Mr Poulpe aka Brann Dailor) dans ses rangs, il a choisi un certain Derek Roddy pour aller déformer les fûts. Et il ne pouvait en être autrement vu le CV du bonhomme (Nile, Hate Eternal et j'en passe...) Une paire de mollets à faire passer n'importe quel vainqueur du Tour de France pour un gars clean, ce type démontre qu'il sait également faire autre chose que blaster à tout va.

Et ça tombe bien, car le moins que l'on puisse dire, c'est que Today Is The Day échappe à toute classification. Envoie-toi dans la gueule une fiole de Noise, 3 shooters de Doom, une mignonette de Grind, un buvard de LSD pour le côté psychédélique/halluciné/hystérique et dégobille le tout en pleine galerie commerciale. 12 brûlots, et autant d'approches différentes. De la berceuse piano/guitare sur fond de double pédale assassine ("Free at last") aux plans doooooooomesques de "My wish is your command", du "groovy" basse/batterie de "The Worst Thing That Ever Happened to Me" au titre de cloture électro bruitiste, en passant par les blastages furibonds ou le final digne de vos meilleures cassettes de relaxation New Age d'"If You Want Peace Prepare for War", l'Apocalypse selon Saint Steve sait prendre des formes aussi atypiques que variées.

Notre homme qui valait 3 milliards (oui, je sais, blague ultra facile et galvaudée, je m'en tape, c'est ma première chronique du groupe...), vient partager sa bonne humeur communicative au travers de ses riffs donc, mais aussi de ses vocalises arrachées. Hurlements hystériques, growls traficotés, voix plaintives ou lancinantes, rien ne nous est épargné. Toutes ces joyeusetés sont ultra-saturées, ce qui accentue encore plus le côté cradingue très très malsain de la musique. Les parties en voix "claires" remportent l'Award de la sournoiserie malsaine, T-Bag de Prison Break passerait pour Michel Drucker à côté de ce taré. Chacun ses références, sorry. Pas de traces des lyrics dans la version promo, introuvables sur le net, dommage j'aurais bien voulu comprendre la nature de ces glaviots sonores. Apparement galette anti-Bush (d'où le titre). Mouais, tip top original. M'en branle, c'est ici relégué au dernier plan. Loin derrière, euh...

...la production, par exemple! Parce que le son de l'album, c'est quelque chose. Véritablement étouffant, suffocant, caverneux, sec comme un coup de trique, grouillant d'aigus. Imagine-toi saucissonné et enterré dans une malle au fin fond d'un désert de l'Arizona, tu crèves de chaud, tu manques d'air, et un petit trou judicieusement percé sur le couvercle de ton nouveau T1 par ton bienveillant fossoyeur laisse rentrer un mince filet de sable sur ta gueule. Produit par Steve Austin himself, qui a déjà laissé son empreinte très identifiable sur le "When forever comes crashing" de Converge, ce son sied parfaitement aux intentions et à l'esprit du sieur. A rapprocher des prods d'un autre Steve (Albini celui-là), en particulier de celle du dernier Zao. Bon, faut l'avouer, ça a été une sorte d'écueuil à franchir à la base pour moi, cet aspect très "raw" peut paraître répulsif au premier contact mais fait partie intégrante de la musique ici-pratiquée, et une fois acclimaté, on s'y sent pas comme à la maison mais presque. Je chipoterai cependant sur l'aspect "moelleux" du rendu de ce type de production, qui gagnerait peut-être à être un peu plus "abrupte", en particulier sur les passages lourds. Je sais pas si vous voyez ce que je veux dire, c'est pas forcément très clair ni évident à décrire. Ecoutez et vous visualiserez peut-être mieux...

Bref retenez que Today Is The Day débarque avec un très bon disque (de plus ? A vous de me le dire hé hé), extrêmement varié mais néanmoins cohérent, assez accessible une fois rentré dans le trip. The Steve Austin Experience est dérangeante, joue avec nos nerfs, nous balance ses plans novateurs rafraîchissants dans les gencives et prend grand soin de se tenir à l'écart de tout conformisme. Merci à elle.


Rédigé par : Crown_me | 15.5/20 | Nb de lectures : 13254