Les plus jeunes de nos lecteurs ne se rendent peut-être pas vraiment compte que Tiamat a été un groupe majeur il y a encore bien peu de temps. S'il y a une chose qui mettra quasiment tout le monde d'accord, c'est le fait que ce "Prey" est sorti dans l'indifférence la plus totale. Alors qu'autrefois, un nouveau Tiamat attirait son lot de conspirations, de conclusions hâtives et de pronostics à l'emporte-pièce, aujourd'hui il suscite tout au plus une indifférence polie, à mi-chemin entre un silence respectueux pour un groupe mythique et une légère appréhension de savoir que le groupe est encore en vie. La raison principale de cette situation est certainement une orientation stylistique pas forcément courageuse d'un groupe qui a évolué d'un dark/doom superbe ("Wildhoney", quel disque !) à un gothic-metal pas toujours vraiment folichon, dans tous les cas bien peu original. L'accueil reservé au précédent album "Judas Christ" apparu l'année dernière était en tout cas le révélateur parfait de la désaffection du public. Très commercial et résolument orienté goth-rock, ce disque avait déçu énormément de monde, malgré des qualités évidentes et des morceaux vraiment accrocheurs. Ce "Prey" rectifie légèrement le tir et s'efforce de nous montrer à nouveau un Tiamat plus sombre, moins optimiste et moins enclin à parler d'amour (on ne trouve plus qu'un seul morceau avec le mot "Love"). On est encore loin de la chatoyante noirceur de "Wildhoney", mais la tristesse est enfin palpable et quelques morceaux ne respirent pas la joie de vivre. On trouve d'ailleurs sur ce disque un des plus beaux morceaux écrits par le Tiamat nouvelle génération à savoir "Carry your cross and i'll carry mine" presque entièrement chanté par une douce et mélancolique voix féminine (si on pouvait me renseigner sur l'identité de la dame...). Le premier single "Cain" est également un petit bijou d'ambiance sombre, qui flirte avec ce que les Sisters of Mercy ont fait de plus dark et on remarque que Johan chante de mieux en mieux. Mais exception faite de ces deux excellents morceaux, le reste de l'album est d'une banalité parfois génante. Des titres comme "Love in chains", "Divided" ou le ridicule "Light in extension" gâchent largement les bonnes intentions entrevues dans l'orientation de ce disque. Si un soin particulier a été apporté pour l'écriture des intros et transitions comme "Ten thousand tentacles", "Triple cross" ou "The garden of heathen", on sent clairement que certains morceaux ont été composés à la va-vite, certainement torchés en studio pour arriver à un remplissage à peu près honnête du CD. Comme titres corrects, on trouve un atmosphérique "Prey", un classique mais efficace "Wings of heaven", un "Nihil" aux belles harmonies vocales, un romantico-religieux "The pentagram" ou un sympathique "Clovenhoof". Ce n'est pourtant pas assez pour un groupe dont on attend beaucoup, dont on sait que le frontman est capable de bien mieux que les chansons convenues dont il nous abreuve depuis quelques années et pour lequel même son label semble lâcher prise. Je ne vois pas vraiment quel public Johan Edlund vise avec "Prey". Trop old-school pour la jeune génération, trop prévisible pour les anciens, cet album est forcément réduit à ne faire qu'un passage express dans la mémoire collective. C'est dommage car les deux titres géniaux qui sauvent "Prey" d'un anonymat destructeur n'avaient pas mérités pareil traitement. Le dernier morceau commence et termine par des sons de cloches. Le glas de la retraite qui sonne ? http://www.churchoftiamat.com/


Rédigé par : Loufi | 12/20 | Nb de lectures : 8975