L’ambiance, cette caractéristique pourtant fondamentale, fait la différence entre les bons albums, de ceux d’exception. Pléthore de riffs, patterns ou autre parti-pris sur la production vous feront hérisser les poils certes, mais l’atmosphère, celle qu’on s’approprie et dont on ne se dépatouille pas, est rare, davantage de nos jours. Heathen n’a pas de riff mémorable, ni de construction fantasque de ses titres, ni rien qui fasse de prime abord interpeller davantage son auditeur. Mais ce qui le distingue des autres est sa capacité à créer cette proximité avec son public, celle qui te procure ce sentiment que cet opus nous est dédié, en y développant presque une sensualité musicale. Le mot peut paraître exagéré lorsque l’on parle de sludge, mais Thou et son chant empli de désespoir nous enveloppe d’une aura romantique. Celui qui consomme à outrance ne s’en rendra pas compte, bien fait pour lui, quant à celui qui achète puis se consacre corps et âme aux albums qu’il choisit, savourera la perle qu’il a entre les mains. Ce qu’il appréciera surtout est la sincérité avec laquelle les américains ont œuvré. Point de couplet/refrain avec des textes écris à la va-vite sur une nappe de papier avant d’entrer en studio, les paroles sont l’essence même de ces 10 morceaux.
« Pauvre mère nature, regarde comment l’être humain prend soin de toi, regarde comme il se comporte ! ». Jusque-là, même si ce sujet est intéressant, il n’est pas novateur. Mais leur belle maîtrise de la langue anglaise, couplée à ces frustrations d’écorchés vif à la tête bien fournie donnent une réflexion intéressante sur les thèmes choisis : la nature donc, le comportement de chacun, mais aussi la notion de temps. Plutôt que de ressasser le passé ou de se projeter obligatoirement dans l’avenir, les gaillards mettent en avant l’instant présent, bâclé selon eux. Beaucoup d’idées y tournent autour ; et comment et pourquoi il est l’essence même de notre existence.
Heathen est élégant, adjectif pourtant antinomique avec le terme sludge. Le combo offre des titres pesants, intelligents, forts en émotions et à l’écrin musical de premier choix pour que Bryan Funck puisse y poser sa voix. Il ne nous inonde pas de chant discontinu, il est précis et tape vite et fort. Le propos met du temps à se développer, les morceaux sont longs, les plages instrumentales lentes rendent l’écoute davantage ardue, et chacun doit s’y plonger entièrement pour en retirer ses bénéfices. Thou tisse une toile de sons qui s’enchevêtrent pour nous raconter une histoire triste et sombre, à la rythmique saccadée et hétérogène. J’ai parfois le sentiment de jouer au jeu de l’oie, un pas en avant, deux en arrière, où les ricains construisent leurs titres comme ils l’entendent, et placent les moments forts là où ils le souhaitent, non pas là où on les attend. Surprise et intensité sont mixées pour cette bande sonore funèbre qu’ils maintiennent sur la durée, et dans la qualité.
Sans aucun doute, nous avons l’un des albums de l’année dans cette catégorie, pour un sludge/doom à lévitation, où l’auditeur a le sentiment de trottiner hagard enrobé d’un climat sincère et violent, même si cette violence est camouflée. Tout de même, je ne mets pas de sélection, la fin d’Heathen se terminant sur le même rythme et les mêmes bases que son début, mais légèrement moins mémorable, et traîne quelque peu en longueur.
Cette ambiance qui nous cajole et nous tient en haleine, déployée avec caractère, et appuyée de paroles sensées et recherchées, font de cet opus un excellent cru, et l’une des clefs de voûte de la saison 2014 en terme de sludge. Même si rien n’est jamais acquis dans l’art, il devrait mettre davantage en lumière la musique des louisianais, qui sortent inlassablement une ribambelle de nouvelles sorties par an, mais toujours sous le signe de l’excellence.
Rédigé par : Bras Cassé | 16.5/20 | Nb de lectures : 12933
Une merveille, comme le reste de leur discographie, splits et Ep compris.
En prime, ces mecs ont l'art de savoir entamer et conclure un album. Sur Heathen, c'est magistral.
Bernard Membre enregistré
Posté le: 28/05/2014 à 14h22 - (112301)
Plus que séduit! Achat envisagé.
kenlesurvivant Membre enregistré
Posté le: 03/06/2014 à 04h37 - (112344)
Wow
SIMOVAR Membre enregistré
Posté le: 04/06/2014 à 10h59 - (112366)
E N O R M E
Seb On Fire Membre enregistré
Posté le: 06/06/2014 à 17h51 - (112429)
Pas mieux.
L'entrée de voix sur Free Will est dingue.
IkeA Membre enregistré
Posté le: 11/06/2014 à 10h36 - (112490)
Pas fan de Thou auparavant mais je vais revoir mon jugement. Ce disque est assez génial !
Bernard Membre enregistré
Posté le: 25/09/2014 à 14h58 - (113754)
Excellent, excellent, excellent!
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« Pauvre mère nature, regarde comment l’être humain prend soin de toi, regarde comme il se comporte ! ». Jusque-là, même si ce sujet est intéressant, il n’est pas novateur. Mais leur belle maîtrise de la langue anglaise, couplée à ces frustrations d’écorchés vif à la tête bien fournie donnent une réflexion intéressante sur les thèmes choisis : la nature donc, le comportement de chacun, mais aussi la notion de temps. Plutôt que de ressasser le passé ou de se projeter obligatoirement dans l’avenir, les gaillards mettent en avant l’instant présent, bâclé selon eux. Beaucoup d’idées y tournent autour ; et comment et pourquoi il est l’essence même de notre existence.
Heathen est élégant, adjectif pourtant antinomique avec le terme sludge. Le combo offre des titres pesants, intelligents, forts en émotions et à l’écrin musical de premier choix pour que Bryan Funck puisse y poser sa voix. Il ne nous inonde pas de chant discontinu, il est précis et tape vite et fort. Le propos met du temps à se développer, les morceaux sont longs, les plages instrumentales lentes rendent l’écoute davantage ardue, et chacun doit s’y plonger entièrement pour en retirer ses bénéfices. Thou tisse une toile de sons qui s’enchevêtrent pour nous raconter une histoire triste et sombre, à la rythmique saccadée et hétérogène. J’ai parfois le sentiment de jouer au jeu de l’oie, un pas en avant, deux en arrière, où les ricains construisent leurs titres comme ils l’entendent, et placent les moments forts là où ils le souhaitent, non pas là où on les attend. Surprise et intensité sont mixées pour cette bande sonore funèbre qu’ils maintiennent sur la durée, et dans la qualité.
Sans aucun doute, nous avons l’un des albums de l’année dans cette catégorie, pour un sludge/doom à lévitation, où l’auditeur a le sentiment de trottiner hagard enrobé d’un climat sincère et violent, même si cette violence est camouflée. Tout de même, je ne mets pas de sélection, la fin d’Heathen se terminant sur le même rythme et les mêmes bases que son début, mais légèrement moins mémorable, et traîne quelque peu en longueur.
Cette ambiance qui nous cajole et nous tient en haleine, déployée avec caractère, et appuyée de paroles sensées et recherchées, font de cet opus un excellent cru, et l’une des clefs de voûte de la saison 2014 en terme de sludge. Même si rien n’est jamais acquis dans l’art, il devrait mettre davantage en lumière la musique des louisianais, qui sortent inlassablement une ribambelle de nouvelles sorties par an, mais toujours sous le signe de l’excellence.
Rédigé par : Bras Cassé | 16.5/20 | Nb de lectures : 12933